Sunshine act : quand la transparence s’obscurcit

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Le scandale Médiator a élevé d'un cran la transparence dont doivent faire preuve les professionnels de santé en déclarant leur lien d'intérêt avec les firmes pharmaceutiques. Mais un projet de décret de modification remet en cause certaines obligations.

Sunshine act : quand la transparence s'obscurcitTout commence en 2002 lorsque la loi Kouchner relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, oblige les professionnels de santé s'exprimant dans les médias sur des produits de santé, à déclarer leur lien d'intérêt avec les firmes, sur le de leur Ordre professionnel.

« Le décret est finalement paru cinq ans plus tard en 2007 », indique le Dr Philippe Masquelier, président de l'association Formindep, qui défend « une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes ». Pour l'histoire, le Formindep a par la suite effectué une en 2008 auprès d'une centaine de professionnels de santé et la majorité n'avait pas effectué sa déclaration d'intérêt…

Sunshine Act

Neuf ans plus tard, à la suite du scandale du Médiator, le ministre de la Santé de l'époque, Xavier Bertrand, fait adopter le 29 décembre 2011, une loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, qui prévoit cette fois-ci la transparence à l'initiative des firmes, dans l'optique de rendre publics les avantages en natures ou en espèces accordés aux professionnels de santé : le Sunshine Act.

« Ce sont les firmes qui octroient des avantages aux professionnels de santé, il leur appartient donc de déclarer les avantages qu'elles donnent », précise le Dr Masquelier.  Quant au site internet unique où seront rassemblées toutes les déclarations qui aurait dû être lancé le 1er avril dernier, il sera finalement ouvert dans quelques jours, a indiqué le 17 avril la ministre de la santé Marisol Touraine.

Chaque firme publiait jusqu'alors sur son site Internet les déclarations d'intérêts avec la liste des avantages et les conventions conclues. Une transparence qui ne l'est qu'à moitié, car d'après le Dr Masquelier « les données sont éparpillées, pas classées, et réparties dans des centaines de pages ». Le Formindep a attaqué le décret d'application de mai 2013, devant le Conseil d'Etat, car « il modifie l'esprit de la loi, explique le Dr Masquelier. Il en réduit la portée en soustrayant de la déclaration toutes les conventions ayant une portée commerciale dont on ne peut connaitre ni le montant, ni l'objet. »

Opacité croissante

Et ce n'est pas fini, le gouvernement a récemment prévu un décret de modification qui pousse encore plus loin l'obscurantisme dans lequel est plongé le Sunshine Act.

A l'origine, le texte initial prévoit que soient déclarées les conventions signées par les firmes pharmaceutiques avec les personnes, les associations de patients, les associations hospitalières, les sociétés savantes ou encore les organismes de formation. « Le projet de décret de modification supprime l'ensemble pour ne retenir que les ?personnes?, dénonce le Dr Masquelier.

"Est-ce que les personnes morales seront toujours concernées ? On a un sérieux doute car si c'est le cas, pourquoi cette modification ? » Le projet de décret prévoit également la suppression de l'obligation de mentionner le titre professionnel du professionnel en question, « ne sera donc mentionné que son nom », regrette le Dr Masquelier.

En outre, si jusqu'à présent la mise en ligne des liens sur le site était prévue progressivement, dans les 15 jours de leur contractualisation, et ce dès ce premier trimestre 2014, il est désormais laissé aux firmes un délai de sept mois pour transmettre les données nécessaires.

Et selon le projet de décret, les avantages et conventions passées entre laboratoire et professionnels de santé consentis en 2012 ou au premier semestre 2013 ne seront révélés qu'au plus tard le 1er août 2015. Enfin, le décret modificatif suspend immédiatement la publication par les conseils ordinaux, qui ne publient donc que les archives antérieures à juin 2013.

« C'est curieux et c'est opaque », soutient le Dr Masquelier en concluant que ce projet modifie la loi dans l'intérêt des firmes et non des citoyens. Sans plus de précision, la Direction générale de la santé (DGS) informe simplement que ce projet de décret de modification devrait être prochainement publié.

 Laure Martin

 Le Dr Masquelier déclare n'avoir aucun lien avec les firmes pharmaceutiques.

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