Que reprochez-vous à la préfecture ?
Depuis trois mois, en tant que professionnels libéraux, nous nous organisons par nos propres moyens pour monter des centres de vaccination et répondre aux besoins de la population.
Sur la métropole nancéenne, nous en avons monté cinq dans le cadre de notre Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), et nous avons même mis de nos moyens personnels car nous n’avons toujours rien touché de la part de l’Agence régionale de santé (ARS) [les financements devraient bientôt être versés, NDLR].
Nous avons prouvé que nous pouvions nous organiser entre libéraux même si nos centres pourraient encore mieux fonctionner avec davantage de doses de vaccins.
Et finalement, nous avons appris la semaine dernière que l’un de nos centres de vaccination, sur décision de la préfecture, allait désormais être géré par le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS).
Qu’est-ce que cela implique ?
C’est un colonel qui prend désormais en charge le centre de vaccination.
Les pompiers vont donc décider de la logistique, des professionnels de santé impliqués, de la gestion des flux.
Nous ne doutons pas de leur capacité à le faire, mais face à une situation, il y a toujours le fond et la forme.
Aujourd’hui, la préfecture nous pousse vers la sortie en nous disant qu’ils peuvent mieux faire que nous. Mais ils vont avoir besoin de nous pour vacciner et pour le moment, nous n’allons pas répondre présent car nous ne sommes pas d’accord sur l’organisation que le SDIS souhaite mettre en place.
Que prévoit-il ?
Nous comprenons qu’il faille vacciner en nombre, mais il ne faut pas oublier la qualité et la sécurité des soins. Par exemple, nous refusons de pratiquer le flaconnage, car pour nous, celui qui injecte le vaccin doit forcément être celui qui le prépare.
C’est d’ailleurs ce que nous faisons dans nos centres de vaccination. C’est une question de responsabilité pénale. Nous ne pouvons pas cautionner le fait d’injecter un vaccin préparé par quelqu’un que nous ne connaissons pas, ce que souhaite mettre en place le SDIS.
On nous a également informé qu’il n’y aurait plus besoin de consultation médicale préalable systématique pour les vaccins ARN messager. Le SDIS entend effectuer un triage des patients qui bénéficieraient de cette consultation en fonction des réponses aux questionnaires remplis au préalable.
Dans nos centres, nous avons adopté ce protocole pour l’injection de la deuxième dose mais pas pour la première. Nous refusons cette pratique. J’ai également interpellé le colonel du SDIS sur le temps de compression après un vaccin notamment pour les patients sous anti-coagulant, une pratique qui permet d’éviter les hématomes. Les pompiers ne la connaissaient pas…
Certes, nous avons besoin de grands centres, et il faut aller vite mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des soins. Nous avons notre expertise en tant que professionnels de santé et nous aurions aimé pouvoir travailler tous ensemble : au SDIS la logistique et à nous le soin par exemple. Ils ne l’entendent pas de cette manière. Mais nous n’irons pas vacciner dans les centres à ces conditions.
Vous êtes aussi confrontés à la problématique du nombre de doses de vaccins fourni…
Tout à fait. Nous venons d’apprendre par l’ARS que nos centres de vaccination de proximité allaient avoir une baisse de dotation de vaccins en mai alors que nous devions avoir une montée en charge en mai. L’ARS n’y est pour rien…
Mais ce que nous redoutons également, c’est qu’en raison du peu de doses de vaccins disponibles, un grand nombre soit orienté vers les grands centres de vaccination, et que les centres de proximité n’en aient plus.
C’est ce qui se fait dans d’autres régions… Les centres de proximité ont pourtant leur utilité notamment pour les personnes âgées. C’est pour toutes ces raisons que nous manifestons cet après-midi au lieu de vacciner.
Propos recueillis par Laure Martin
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