Fin avril, près de 80% des professionnels de santé, toutes professions et lieux d’exercice confondus, ont reçu au moins une dose de vaccin et plus de 37% sont complètement vaccinés, indique Santé publique France.
Après des débuts marqués par des débats, la vaccination des soignants s’est déployée assez régulièrement. Selon Patrick Chamboredon, président de l’Ordre nationale des infirmiers, cela « écarte la question de l’obligation vaccinale ».
Pour Judith Mueller, médecin épidémiologiste et professeure de à l’Ecole des hautes études en santé publique, ces chiffres des professionnels de santé vaccinés correspondent peu ou prou aux soignants qui avaient depuis le début de la campagne l’intention de se faire vacciner.
Reste à présent à convaincre ceux qui hésitent encore voire ceux qui refusent. Elle a mené deux travaux de recherche*, l’un durant l’été 2020, alors que la question de la vaccination était encore hypothétique et l’épidémie à ses débuts, sur les leviers de la promotion vaccinale contre la grippe saisonnière et le Covid, et l’autre entre le 18 décembre et le 1er février, alors que la vaccination et la deuxième vague de l’épidémie sont devenues une réalité.
Dans le premier, publié en janvier par Santé publique France , elle a pu observer que l’intention, a priori, de se faire vacciner contre le covid était corrélée au fait que les soignants étaient déjà favorables à la vaccination contre la grippe saisonnière.
Facteurs clés
« Toutes choses égales par ailleurs, souligne l’auteure de l’étude, les facteurs qui motivent l’intention de se faire vacciner sont d’être convaincu que la vaccination a plus de bénéfice que de risque pour le soignant et de ne pas craindre d’effets secondaires. »
D’autres éléments interviennent, ajoute-t-elle, comme le « conformisme social », c’est-à-dire la manière dont les professionnels décrivent l’opinion majoritaire dans leur entourage personnel et professionnel vis-à-vis du vaccin.
« Un individu ne prend pas seul la décision, il est fortement influencé par le milieu dans lequel il vit et travaille », explique Judith Mueller. Elle évoque ainsi les changements d’attitude qui pourraient être induits par l’installation de dynamiques de groupes qui feraient témoigner des professionnels du même métier qui se sont fait vacciner, des sortes de « rôle models ».
Le niveau de formation intervient « sûrement » dans la nature des intentions des professionnels, suppose-t-elle, les médecins étant globalement plus favorables à la vaccination et les aides-soignants craignant davantage, globalement, les effets secondaires. Mais la chercheuse a observé que l’intention vaccinale est finalement assez peu impactée par le niveau de connaissance des professionnels : il ne suffit donc pas de « mieux expliquer » pour convaincre les réticents.
Les intentions ont doublé
La deuxième étude s’est déroulée alors que la vaccination avait débuté et que les vaccins étaient mieux connus, tout comme l’évolution de l’épidémie en plusieurs « vagues », par les professionnels mais aussi leur entourage.
Les premiers résultats publiés dans le point épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France du 18 février, et sur le site du Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux (GERES) suggèrent que l’intention vaccinale a presque doublé (passant de 37 à 68% environ) chez les infirmiers.
Dans toutes les catégories professionnelles, et même chez ceux non vaccinés contre la grippe, l’hésitation et les refus ont diminué. Difficile de dire si les refus ont atteint leur niveau plancher ou s’il serait encore possible de les réduire. Mais force est de constater que beaucoup d’hésitations ont été levées.
« Il faut utiliser les bons messages », note Judith Mueller, c’est-à-dire ceux qui portent sur les leviers les plus puissants en faveur de la vaccination, par exemple, « en expliquant, comme on le sait désormais, que la vaccination protège de manière importante contre le fait de s’infecter et donc de transmettre à l’entourage le virus ».
Effet favorable de l’implication
Patrick Chamboredon constate aussi cette « évolution favorable de la représentation de la vaccination » chez les infirmiers, « pour eux et pour les patients », considérée comme un « devoir déontologique ».
Selon lui, de multiples facteurs pourront faire changer d’avis une partie des IDE encore hésitants ou opposés. Mais le fait que les pouvoirs publics les aient finalement associés à la campagne de vaccination constitue à son avis un levier majeur en faveur de leur intention vaccinale : les impliquer a eu un effet sur leur « responsabilisation », explique-t-il.
Cela les a aussi plongés, de fait, dans les données scientifiques sur la vaccination. « La transparence complète sur les approvisionnements, la disponibilité des vaccins et leurs effets secondaires a aussi favorisé l’acceptation », ajoute Patrick Chamboredon.
Cet ensemble de facteurs peut faire évoluer les mentalités, selon lui. De plus, rappelle-t-il « on est aussi des citoyens comme les autres, on a envie de retrouver une vie normale, de protéger les nôtres et de prendre en charge les patients de manière correcte ».
Géraldine Langlois
*Respectivement sur des échantillons non représentatifs de 2556 et 9580 personnes
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