Tutorat des étudiants infirmiers : un bilan encore mitigé

Tutorat des étudiants infirmiers : un bilan encore mitigé

Le tutorat mis en place en 2009 a mis quelques années à s'installer sur les terrains de stage. Quasiment 10 ans plus tard, Isabelle Bayle, directrice des Instituts de formation en santé du centre hospitalier de Saverne (Bas-Rhin), dresse un bilan encore mitigé de cet accompagnement des étudiants par les professionnels.

Tutorat des étudiant infirmiers : un bilan encore mitigé« J’ai longtemps été optimiste par rapport au tutorat, rappelle d’emblée Isabelle Bayle, directrice de l’IFSI de Saverne et auteure de « Le tutorat infirmier – Accompagner l’étudiant en stage » (2012). Tous les soignants l’ont en tête mais son application est difficile ». L’enquête sur le mal-être des étudiants publiée par la FNESI en septembre 2017 a révélé une profonde souffrance de nombreux étudiants en soins infirmiers sur leurs terrains de stage, « liée au fait que les professionnels ne les accompagnent plus dans le décodage des attendus du métier, dans ce qu’est un professionnel de santé aujourd’hui », selon la directrice. Elle-même n’a jamais reçu autant d’étudiants en difficulté sur leurs terrains stages ni reçu autant d’appels de tuteurs au sujet de problématiques d’encadrement.

Attentes biaisées

Certes, il y a des terrains de stage où le tutorat se déroule bien et s’inscrit dans un véritable projet d’accompagnement. Et les formations au tutorat sont toujours demandées, remarque-t-elle. Mais les conditions de travail très tendues dans de nombreuses unités hospitalières expliquent en partie, à son avis, les carences de l’accompagnement des étudiants dans les autres. « Même s’il y a une volonté d’assurer le tutorat, on demande souvent aux étudiants d’être performants rapidement,observe Isabelle Bayle. Ils sont accompagnés les premiers jours puis on les laisser voler ensuite de leur propres ailes. S’ils sont performants, ils auront une bonne évaluation de leur stage mais s’ils ne sont pas à la hauteur des attentes des professionnels, cette évaluation sera mauvaise. »

Difficile pourtant pour un ESI d’être opérationnel ou de respecter les bonnes pratiques quand il est livré à lui-même une grande partie du temps. C’est un peu comme si les soignants en poste, en proie aux restrictions de personnels, perdaient de vue que les étudiants sont là pour apprendre et non pour pallier les manques du planning, et les sanctionnaient de ne pas y parvenir. Les difficultés internes, que les équipes ne parviennent plus à compenser, finissent ainsi par se répercuter sur l’encadrement des étudiants. Parfois aussi, certaines unités reçoivent trop de stagiaires pour pouvoir les encadrer correctement.

Les étudiants dans ces situations perçoivent de manière particulièrement douloureuse et injuste le message négatif qui leur est renvoyé. « Certains trouvent des ressources ailleurs que dans le tutorat (auprès d’un autre professionnel, des formateurs de l’IFSI ou entre étudiants, NDLR) et le stage reste formateur, souligne Isabelle Bayle. D’autres ne s’en sortent pas et ont besoin d’un accompagnement spécifique. Nous avons ainsi revu notre dispositif d’accompagnement des stages et créé des outils pour aider les étudiants à décoder les pratiques professionnelles et le métier, ce que les professionnels faisaient davantage auparavant. » Selon elle, il est important en cas de problème dans le tutorat que ces situations soient travaillées conjointement par l’IFSI et le terrain de stage.

Temporalités différentes

Un autre facteur de difficulté dans le tutorat réside dans le fait que « l’hôpital ne s’est pas adapté à l’évolution des étudiants, estime la directrice de l’IFSI. A part quand ils ont des enfants de cette tranche d’âge, l’image de l’étudiant que de nombreux professionnels ont en tête est souvent celle de l’étudiant qu’ils ont été. » Or les ESI ont bien changé, ainsi que leurs attentes vis-à-vis de l’exercice du métier et du monde du travail, ajoute-t-elle.

La formation des étudiants les amène à se questionner sur la pratique, sans se précipiter vers l’opérationnalité, ce qui entre en décalage avec les attentes des professionnels. « Leurs temporalités ne sont pas les mêmes », résume Isabelle Bayle, et cette différence doit être prise en compte pour ajuster l’accompagnement des étudiants. D’autant que, insiste-t-elle, « si on prend le temps d’écouter les étudiants, ils ont des idées très pertinentes qui apporteraient énormément à notre monde professionnel ».

Géraldine Langlois

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Une réaction

  1. eh oui on fait comme on peut, les IFSI se déchargent sur nous, les cadres, les médecins, les collègues avec qui on travaille en collaboration… résultat on met notre diplôme en jeu tous les jours. Notre travail de formateur de terrain n’est même pas considéré dans notre salaire.
    J’adore encadrer, j’aime former mes étudiants, je voudrais aller encore plus loin que ce que nous permet concrètement le terrain c’est à dire nous ronger les entrailles du stress et de la frustration de ne pas pouvoir encadrer correctement tout le temps

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