Difficile de dire, en l’absence de panorama étayé des stages effectués par les étudiants en soins infirmiers, répartis par durée, type de terrain de stage et année d’étude des ESI, si les stages plutôt techniques sont plus réservés aux ESI de troisième année, de ce fait davantage « préparés ».
Mais plusieurs témoignages nous sont parvenus en ce sens. Certes, souligne Martine Sommelette, présidente du Comité d’entente des formations infirmière et cadre (CEFIEC) et directrice de l’IFSI de Charleville-Mézières, « il n’y a plus autant de stages hospitaliers » : le développement de l’ambulatoire réduit peu à peu le nombre de lits d’hospitalisation et les opportunités de stages hospitaliers.
« Et dans le contexte actuel, poursuit-elle, avec des personnels en réduction, qui travaillent à flux tendu et pour qui c’est compliqué de prendre du temps pour former des étudiants, il est sûrement plus attractif d’accueillir un étudiant qui est presque professionnel. »
Ambulatoire
« Ce n’est pas normal », estime Bilal Latrèche, président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI). Il partage ce constat : « le fait que l’hôpital manque de moyens a des répercussions sur l’encadrement des stagiaires. Les professionnels n’ont pas de temps dédié à l’encadrement et cela ralentit la montée en compétence de l’étudiant »… qui passe parfois une partie de son stage à réaliser des actes non-encadrés… Pourtant, rappelle la directrice d’IFSI, « les stages sont faits pour aider les étudiants à apprendre leur métier et les aider à progresser, en les prenant au niveau où ils en sont ».
Pour autant, tous les deux insistent sur le fait que cette réduction des opportunités de stage hospitalières ne doit pas inquiéter outre mesure. D’une part parce que l’acquisition des gestes techniques n’est pas le centre de la formation. « Il y a un mythe sur la réa ou les urgences, où on apprendrait la technique », observe Martine Sommelette. Aussi, ajoute Bilal Latrèche, « énormément de jeunes diplômés vont apprendre des gestes techniques sur le terrain sans difficulté s’ils ont appris pendant leur formation pourquoi et quand il faut les faire ». La FNESI préconise d’ailleurs de développer la simulation pour que les ESI apprennent à pratiquer certains gestes.
L’idée selon laquelle le métier s’apprend à l’hôpital « relève des représentations » de certains infirmiers ou étudiants, insiste la présidente du CEFIEC. « Le plus difficile à développer et qui prend le plus de temps à apprendre, ce n’est pas de poser une perfusion ou de faire une injection, c’est le raisonnement clinique, poursuit-elle. Une fois qu’on a dépassé cela, on voit qu’il y a beaucoup d’autres choses à mobiliser : le raisonnement clinique et la réponse qu’on apporte aux besoins des personnes, la relation avec les patients… » Autant de choses qui peuvent tout-à-fait s’apprendre ailleurs (voire mieux) qu’à l’hôpital.
Raisonnement clinique
« Les autres stages sont tout aussi enrichissants et riches, observe ainsi Martine Sommelette. Après un stage en maison de retraite, un étudiant aura peut-être développé une meilleure appréhension des pathologies chroniques ou appris à être autonome et réactif. En soins à domicile ou en Ehpad, la télémédecine se développe et il faut que nos étudiants y soient formés ! »
Diversifier les terrains de stage constitue selon elle comme pour le président de la FNESI un enjeu bien plus important pour qu’ils soient adaptés d’une part aux besoins de santé, plus tournés vers la ville et imprégnés par les outils numériques et aux projets professionnels des étudiants, eux aussi très variés… Bilal Latrèche évoque des pistes à explorer davantage : le secteur médicosocial associatif, la prévention, ou, en libéral, les maisons pluriprofessionnelles de santé, voire les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « C’est important qu’elles commencent à réfléchir à la place qu’elles vont pouvoir accorder aux étudiants, estime-t-il, et que les projets d’accréditation de ces structures prévoient un budget pour encadrer les étudiants. » Au-delà, la FNESI milite pour que la refonte du « nouveau » référentiel infirmier, qui a pourtant 10 ans, permette de s’adapter, en termes de stages aussi, aux nouveaux contours (ambulatoire, numérique, etc.) de la prise en charge des patients.
Géraldine Langlois
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