La pandémie, et l’augmentation des besoins de soins qu’elle implique, peut expliquer en partie le manque criant d’infirmiers à l’hôpital. Mais elle ne peut justifier le nombre insuffisant d’IDE disponibles sur le marché du travail et volontaires pour travailler en établissement. « On n’a jamais rencontré de telles conditions à l’hôpital, estime Matthieu Girier, président de l’Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS).Elles sont le fruit du cumul de facteurs conjoncturels et structurels ».
Ils sont partis vers d’autres horizons
Sur le plan conjoncturel, une partie des postes d’IDE vacants (non mesurés à ce jour) s’explique par le départ d’infirmiers et infirmières qui ont reporté des projets personnels (déménagement) ou professionnels (reconversion) à l’« après pandémie » ou en tout cas au moment où la situation sanitaire s’est un peu « normalisée ».
Ceux-là seraient partis à un moment ou un autre, ils l’ont fait dès qu’ils ont estimé que les conditions sanitaires étaient favorables. Et une partie d’entre eux a soit quitté le métier, soit choisi de l’exercer autrement.
Selon le président de l’ADRHESS, la crise sanitaire a aussi suscité ou accentué « le questionnement que des professionnels peuvent avoir sur leur engagement au sein de l’hôpital, compte-tenu de ce qu’il y a ont vécu » ces derniers mois. Depuis septembre, notamment, les DRH membres de l’ADRHESS constatent une augmentation de l’absentéisme : « la crise s’éternise, les agents sont fatigués et ils ne retrouvent plus les conditions de travail qu’ils connaissaient » avant – et qui n’étaient souvent pas formidables, pourtant. Avec à la clé, potentiellement, l’envie de travailler autrement ou de changer de voie.
Pas vraiment vers l’intérim…
Les IDE qui quittent l’hôpital ne se tournent en tout cas manifestement pas vers l’intérim.
Les établissements sanitaires et les Ehpad qui recourent à ces emplois de remplacement le constatent : les agences auxquelles ils font appel parviennent plus difficilement qu’avant à répondre à leurs besoins. « La situation est extrêmement difficile », constate Stéphane Jeugnet, directeur général de la société d’intérim Appel médical.
Selon lui, « la crise du Covid et le rattrapage des congés du personnel a fait exploser la demande », alors même que la situation RH des IDE était déjà très tendue initialement…
Les sollicitations auprès d’Appel médical pour des emplois soignants ont augmenté de 27% entre le premier semestre 2020 et celui de 2021. Il s’agit principalement de missions courtes, pour remplacer des IDE en congés annuels, maladie ou maternité.
Mais, dans cette société, près de 20% des sollicitations ne peuvent être honorées. Selon Stéphane Jeugnet, le « vivier » d’IDE potentiellement disponibles n’a pas diminué mais il n’a pas non plus augmenté. Surtout, il est plus « volatile », observe-t-il : « les gens qui s’inscrivent sont moins disponibles qu’avant, ils donnent plus d’importance à leur vie personnelle » et sont globalement moins disponibles qu’avant.
Un peu vers les vaccinodromes
Pour Stéphane Jeugnet, le niveau de rémunération des vacations en centre de vaccination a pu en effet créer un « appel d’air » pour les infirmières.
Un effet qui n’est « pas majeur », estime cependant Matthieu Girier. Pour lui, « il est possible qu’une partie des jeunes diplômés soit partie travailler en centre de vaccination, mais on n’y fait pas carrière ». Sur le terrain en tout cas, cet « appel d’air » est assez souvent évoqué pour expliquer, en partie, la difficulté de recruter des infirmières en établissement de soin.
C’est l’opinion en tout cas de Patricia Traversaz, DRH d’un hôpital gériatrique privé à but non lucratif. Outre le fait que les vacations soient bien payées, les IDE des centres de vaccination décident de leur planning, sur des horaires de jour… « Quand on échange avec des agences d’intérim, poursuit la DRH, elles nous disent que leur fichier fond comme neige au soleil et que infirmières qu’elles contactent ne sont pas disponibles car elles sont en train de vacciner. »
L’hôpital attire moins les jeunes diplômés
Autre cause conjoncturelle, selon Matthieu Girier : la baisse du nombre de jeunes diplômés qui souhaitent travailler à l’hôpital. Là encore, cette évolution n’a pas été mesurée mais constatée par de nombreux DRH.
Patricia Traversaz observe ainsi une baisse des candidatures émanant de jeunes diplômés. Ont-ils été dissuadés d’envisager une carrière hospitalière suite aux stages durant lesquels ils ont fait fonction d’aides-soignants au plus fort des pics de Covid, s’interroge le président de l’ADRHESS ?
Selon lui, la suppression du concours d’entrée en IFSI en 2019 s’est en tout cas accompagnée d’une profonde transformation de l’origine géographique des étudiants, plus mobiles qu’avant, et de leur motivation professionnelle.
Certains choisissent effet la voie de l’IFSI un peu par défaut, « en quatrième, cinquième ou sixième choix sur Parcoursup, parce que ce secteur ne connaît pas la crise » et n’ont pas la même motivation, estime-t-il, que ceux qui, auparavant, décidaient de passer le concours.
Avec à la clé, peut-être, plus d’abandons de formation et des choix professionnels différents de leurs aînés, par exemple vers d’autres types de structures. Ou les centres de vaccination, suggère la DRH.
Les besoins en soins ont augmenté
Structurellement, les IDE sont « extrêmement demandés par les employeurs car le volume des besoins augmente chaque année », observe aussi Matthieu Girier.
Infirmiers et infirmières en exercice étaient 304 000 en 1990 et 764 000 en 2020, ajoute-t-il, et malgré l’augmentation du nombre de places en IFSI, il en manque encore beaucoup sur le marché du travail hospitalier….
Géraldine Langlois
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