Mobilisation du 16 juin : après la crise, les soignants exigent un changement radical

Mobilisation du 16 juin : après la crise, les soignants exigent un changement radical

Alors que le Conseil d’État a enfin levé l’interdiction de se réunir à plus de dix, les soignants étaient plusieurs milliers dans la rue à Paris le 16 juin, plus déterminés que jamais à se faire entendre. Masqués, mais pas silencieux.

Seda infirmière, plus déterminée que jamais
Seda infirmière, plus déterminée que jamais. “Vu la crise qu’on a traversée, si on ne nous entend pas aujourd’hui, on ne nous entendra pas“. © D.B / ActuSoins

A l’hôpital, la vie d’après sera-t-elle vraiment différente de la vie d’avant ?`

 Alors que les milliers de manifestants parisiens attendent le départ du cortège, tous masqués, Benoît, IADE de 36 ans, n’hésite pas à penser que non.

Dans son établissement, à Henri Mondor (Créteil), l’activité chirurgicale a repris, « sous la pression de la direction et la pression financière », lâche-t-il. Comme si rien ne s’était passé, d’une certaine manière.

Pourtant, il a été mobilisé pendant deux mois et demi en réa, a passé deux semaines au Smur. Il a vraiment été en première ligne en participant à monter des unités covid en toute urgence. Aujourd’hui, il est en colère. Il veut une revalorisation salariale, plus de personnel et de meilleures conditions de travail. Et il n’est pas seul.

Seda, 47 ans, est infirmière au sein du groupement hospitalier Diaconesses- Croix Saint-Simon. Il lui était impossible de ne pas être présente aujourd’hui. Elle, dont le papa est encore hospitalisé à cause du covid, estime que « vivre avec moins de 2000 euros pour un temps complet », ce n’est plus acceptable, surtout « avec les responsabilités que l’on a ».

Plus que jamais, elle est persuadée que « l’hôpital ne peut pas être dirigé comme une entreprise », déplore la réduction des soins à des actes techniques et celles des soignants à de simples pions. Cette manifestation constitue, à ses yeux, une sorte d’épreuve de force : « Si on ne nous entend pas aujourd’hui, on ne nous entendra jamais ».

Partout autour d’elle, les slogans se font concurrence, au milieu des applaudissements et des percussions. « Blouses blanches, colère noire », « Ni médailles, ni Ségur, arrêt des fermeture », peut-on lire sur les panneaux qui émergent de la foule compacte.

A quelques mètres d’elle, Aurélie et Axelle, toutes deux infirmières à Georges Pompidou n’ont pas non plus hésité avant de venir. « Depuis les manifestations de novembre, rien n’a changé », s’agace Aurélie, 33 ans. Axelle, 29 ans, renchérit : « ce statut de héros, nous ne l’avons pas demandé ».

En revanche, les deux collègues attendent que le gouvernement écoute davantage les revendications « très claires et complètement réalisables » des différents collectifs, inter-urgence ou inter-hopitaux.

Comme Benoît, Aurélie a le sentiment désagréable de « retrouver la vie d’avant ». « Limite, nous étions mieux pendant la crise, où nous avons pu travailler dans des conditions acceptables, où nous étions plus nombreux ». Un comble.

Le Ségur de la santé, attendu au tournant

Une médaille? Un hommage le 14 juillet ? Axelle a cru qu’il s’agissait de blagues.

Benoît, n’est pas non plus convaincu par la prime octroyée aux personnels de santé. « 1500 euros, c’est un cache-misère » et une façon de faire taire la colère infirmière, face à d’autres professions, qui, elles n’ont pas bénéficié de la même « largesse », comme les enseignants ou les hôtes de caisse. C’est d’une augmentation pérenne dont ont besoin des infirmiers, issus du public comme du privé.

Face au risque de débordements – des échauffourées se sont produites plus tard en marge de la manifestation- , elles semblaient déterminées. « Il faut qu’on soit dans la rue aujourd’hui », lâche Caroline.

Un constat que partage aussi Brigitte, 56 ans, aide-soignante aux Diaconnesses-Croix Saint Simon, dont le diplôme de kinésithérapeute obtenu au Congo n’est pas reconnu en France.

Elle, qui a réalisé des toilettes, y compris des décédés, a passé du temps avec les patients infectés, seuls au monde, a le sentiment d’avoir « été au front ».

« Je viens d’un pays en guerre, je ne comprends pas que la France ait pu manquer de masques », regrette-t-elle. Le changement ? Elle y croit. Elle veut y croire.

Ce n’est pas le cas de Benoît. Le trentenaire ne prête pas beaucoup de crédit au Ségur de la santé. « Ce n’est qu’une opération de communication en vue de nous apaiser », craint-il.

Alors, prévient-il, même si les infirmiers ont été écartés des négociations actuelles, « nous sommes là pour envoyer un message au gouvernement ».

Pour le jeune homme, la manifestation d’aujourd’hui est aussi un « bon test » pour voir si la cause de l’hôpital public est toujours chère aux Français.

Pour Didier, 56 ans, prof de yoga, et Bonnie, sa fille, 26 ans, qui travaille dans une compagnie de théâtre, il était important d’être présents en famille. « Nous venons féliciter le courage des soignants mais aussi des personnes de ménage », explique Didier.

« Après avoir applaudi tous les soirs, il était évident que nous devions être là, renchérit Bonnie. Je n’ai pas manifesté avant pour les soignants, je le regrette : même avant la crise, ils avaient besoin de notre soutien. »

Delphine Bauer

Note de la rédaction : 

A Paris, des incidents se sont produits entre les forces de l’Ordre et un cortège de manifestants “non pacifiques”. Vers 17 heures, au moins 24 personnes avaient été interpellées, a annoncé la préfecture de police sur Twitter

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