« C’est une déception, reconnaît Bleuenn Laot, présidente de la Fnesi, en sortant de son rendez-vous avec le cabinet du ministre de la santé. Mais on ne lâche rien ! »
Les 1h15 de discussion n’ont pas permis aux ESI d’obtenir plus de reconnaissance pour leur implication dans la gestion de la crise sanitaire.
Indemnités de stage et contrat de travail
Les conditions de mobilisation des ESI pendant la première et la deuxième vague de la Covid-19 cristallisent leur mécontentement.
« Nous n’avons aucun problème à venir renfort en tant qu’aide-soignant, explique Lola, ESI en troisième année à l’Ifsi du CHU d’Amiens, qui a fait le déplacement pour la mobilisation. Mais le problème, c’est que souvent nous n’avons pas de contrat pour notre travail. Nous intervenons donc sous convention de stage, sommes payés comme des stagiaires et non couverts en cas d’accident. »
La hausse des indemnités de stage est d’ailleurs l’une des autres revendications des ESI, qui touchent aujourd’hui entre 0.80 et 1.30 euros de l’heure en fonction de leur année d’études. Un montant loin de s’aligner sur celui des autres étudiants de l’Enseignement supérieur fixé à 3.90 de l’heure.
Un diplôme sans légitimité
La crise sanitaire et la mobilisation des étudiants a par ailleurs une conséquence directe sur le déroulement de leur formation.
Les ESI s’inquiètent pour l’acquisition des compétences et craignent pour la légitimité de leur diplôme et leur arrivée dans les services. D’abord, parce que depuis le début de la crise, les cours s’organisent en général entre le distantiel pour la théorie et le présentiel pour la pratique.
Mais c’est Ifsi-dépendant, et pour certains, les problèmes de connexion rendent difficile l’organisation des cours à distance. Du côté de Blois, « on n’a aucun TD, aucun suivi pour intégrer les connaissances », dénonce Maeva, étudiante en 3e année.
La formation est par ailleurs « très altérée car le gouvernement a autorisé les Agences régionales de santé (ARS) à suspendre les formations pour un mois renouvelable », rappelle Naïza, ESI en fin de 2e année au sein d’un Ifsi parisien.
L’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) avait d’ailleurs décidé mi-novembre de se saisir de cette opportunité pour encourager les étudiants de 2e année à s’inscrire pour aller en renfort dans les services. « Cela peut aussi nous tomber dessus, assure l’étudiante. Ces arrêts dans notre formation font repousser notre diplômation tandis qu’en parallèle les équipes dans les services restent en sous effectif en attendant notre arrivée. »
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Enfin, le temps passé en renfort dans les services en tant qu’aide-soignant, est autant de temps en moins dédié à leur stage en soins infirmiers, ce qui met à mal, là aussi, la mise en pratique de leurs connaissances sur le terrain.
« Toute cette situation n’est pas rassurante pour notre futur exercice », s’inquiète Lola. « Lorsqu’on travaille comme aide-soignant, on n’apprend pas les gestes infirmiers, ni les prises en charge infirmières, nous perdons énormément au niveau de notre formation », s’alarme Maeva.
« Notre formation n’est pas complète alors qu’en juillet prochain, nous allons arriver sur le terrain… Face à un patient, si on fait une erreur, c’est une vie et notre carrière qui vont être en jeu », dénonce Elyna, de l’Ifsi de Blois. « On va être lâché, et ça nous fait peur », enchaîne Benjamin en 3e année à Strasbourg.
Cette inquiétude des ESI est partagée par Laurent Laporte, secrétaire général de l’Union fédérale Médecins, ingénieurs, cadres, techniciens (UFMICT) CGT, venu les soutenir devant le ministère de la Santé : « Ce sont nos futurs collègues, ils doivent être bien formés. Or, certaines ARS décident d’arrêter leur formation, ce qui fait reculer leur arrivée dans les services à septembre, alors que nous avons besoin d’eux dès juillet. »
Absence de soutien psychologique
L’absence de soutien psychologique des ESI est également largement dénoncée. « Pendant la crise sanitaire, je suis intervenue en renfort à l’hôpital, témoigne Lisa, ESI en troisième année à Amiens. En trois semaines, j’ai eu 18 décès et j’ai fait des mises en bière dans les chambres. Je n’étais pas prête. Pendant mes temps de trajet pour aller au stage, je pleurais toutes mes larmes. »
Depuis le début de la crise, les ESI sont nombreux à avoir arrêté leurs études. « Nous n’avons aucun suivi, on est démotivé, on se sent abandonné », regrette Elyna.
« Nous sommes beaucoup à l’Ifsi à consulter un psychologue, renchérit Léa, de l’Ifsi d’Evreux. Personnellement, je fais beaucoup de cauchemars. »
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Certains dénoncent l’absence de soutien de leur encadrant, tout en les comprenant. « Les équipes sont à bout, elles n’ont plus d’énergie, elles ont du mal à faire leur travail, alors comment pourraient-elles nous former correctement, d’autant plus qu’elles sont en sous effectif », observe Lola.
Si les étudiants n’ont pas reçu le soutien attendu du ministère, la profession est derrière eux comme l’ont fait savoir de nombreuses organisations tels que la FNI, le Cefiec, le SNPI, la CNI, l’ANEIA ou encore le SNIES.
Laure Martin
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