Le groupe Qualité de vie au travail (QVT) du Syndicat national des infirmier(e)s anesthésistes (Snia) a mené pendant plusieurs mois une enquête* sur la qualité de vie des Iade. Christophe Paysant, président du Snia, partage une synthèse de cette étude rendue publique début juillet.
Pourquoi le Snia a-t-il mené une étude de cette ampleur ?
Nous avions déjà mené une enquête en 2011 sur la QVT et notre objectif a été de faire un point d’étape treize ans plus tard, pour disposer de données actualisées, en sachant qu’entre temps, la pandémie a rebattu les cartes, au niveau de la profession et de la société, dans sa façon d’envisager son activité professionnelle.
Les Iade ont été impactés dans leurs conditions de travail et comme de nombreuses personnes, ils s’interrogent sur ce qu’ils souhaitent faire de leur vie professionnelle.
Nous avons donc effectué un état des lieux en reprenant une partie des items de 2011 afin de réaliser un comparatif et ainsi détenir des données probantes, pour présenter un argumentaire chiffré aux tutelles.
Aujourd’hui, nous disposons d’un volume d’informations conséquent concernant la situation dans laquelle se trouve la profession. La spécialité vieillit, avec un renouvellement des effectifs qui ralentit et une attractivité qui s’amenuise. Pour autant, les écoles de formation continuent de se remplir en raison notamment de l’autonomie dont disposent les Iade et qui attire les infirmiers.
Mais nous rencontrons des problèmes de financement, l’accès aux écoles s’effectuant généralement par de l’auto-financement notamment des prêts bancaires. Outre ces données quantitatives, nous avons également adopté une approche psychodynamique afin de recueillir le ressenti des Iade concernant leur activité.
Quels sont les principaux enseignements de l’enquête ?
Nous en avons identifié plusieurs à commencer par des conditions de travail plus difficiles qu’il y a dix ans, aggravées par la pandémie. L’activité des infirmiers anesthésistes ne fait qu’augmenter, en lien avec la croissance des actes de prévention (coloscopie, fibroscopie, IRM). En plus des retards accumulés pendant la crise sanitaire, cette hausse de l’activité doit être absorbée à effectif constant.
Les répondants ont donc fait part d’un plus grand stress en raison de l’augmentation des cadences et du risque d’erreur associé. Les Iade sont sous pression pour répondre à la demande, tout en étant les garants de la sécurité.
En parallèle, ils dénoncent une reconnaissance insuffisante de leur travail. Car face à l’activité qui augmente et à la réduction du nombre de médecins anesthésistes, ils ont une plus grande autonomie. Or, ils sont souvent considérés comme de « simples » « aides » anesthésistes, alors même qu’ils font beaucoup plus. Ils ressentent donc une discordance entre leur activité professionnelle et la façon dont elle est perçue.
Dans l’ensemble, nous constatons des signaux inquiétants sur la QVT. Les Iade se disent d’ailleurs agacés par la « QVT washing ». Ils souhaitent de meilleures conditions de travail, des recrutements et du matériel adapté pour travailler en sécurité et non des bulles de siestes.
Comment sortir de cette situation ?
La profession plaide pour un renforcement de leurs compétences, acté dans les textes. Aujourd’hui, les Iade se sentent responsables mais le problème statutaire reste problématique. Il faut donc travailler à la reconnaissance de la pratique avancée pour les Iade.
L’enquête relève également que 2,5 infirmiers anesthésistes sur 10 pensent à une reconversion, là où ils étaient 2 sur 10 en 2011. Ce phénomène global et sociétal les concerne donc également, certains pensant à des évolutions de carrière, d’autres à des réorientations totales.
Quelle suite va être donnée à cette enquête ?
Nous allons informer les tutelles de ces remontées et nous en servir comme base pour des discussions. Notre priorité portera ensuite sur l’axe statutaire avec la mise en place de la pratique avancée, la reconnaissance de l’activité professionnelle des Iade tout en étant vigilants sur la déréglementation de l’activité.
La rigueur est un enjeu pour notre spécialité, et nous en sommes les garants. D’ailleurs, la qualité de vie au travail passe par un exercice sécurisé.
Propos recueillis par Laure Martin
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