Régulièrement, ActuSoins donne la parole aux professionnels de santé qui sont au centre de l’actualité. Cette semaine, Maxime Darde, infirmier anesthésiste et fondateur du site Laryngo.com rappelle les bases de cette profession indispensable mais méconnue, et expose les principales raisons d’une colère qui ne fait que s’amplifier.
Qui sont les infirmiers anesthésistes ?
Les Infirmiers-Anesthésistes (IADE) sont avant tout des infirmiers confirmés qui ont tous exercé plusieurs années, généralement dans des services de réanimation et d’urgence, avant de pouvoir présenter un concours difficile, leur ouvrant la voie à deux années de formation en anesthésie, débouchant sur un diplôme d’état.
C’est la spécialisation la plus longue de la filière infirmière.
Notre exercice quotidien : La prise en charge des patients depuis leur arrivée au bloc opératoire jusqu’à leur sortie de salle de réveil, incluant bien entendu la gestion de toute la période d’anesthésie, sous le contrôle d’un médecin Anesthésiste-Réanimateur. Cet exercice constitue naturellement la base de toutes les épreuves écrites et pratiques de notre formation. Nous exerçons également au sein des services de réanimation, d’urgence ou des SAMU.
Pourquoi les infirmiers anesthésistes sont en lutte ?
L’intégration de la filière infirmière dans le système universitaire (License, Master, Doctorat), dans le cadre de l’uniformisation européen de l’enseignement supérieur, impose de profondes modifications de ces formations. Dans le cadre d’un protocole d’accord signé entre le ministère de la santé et un seul syndicat, et d’un projet de loi actuellement en cours de discussion au Parlement, plusieurs éléments dévalorisent outrageusement notre profession.
Le passage en catégorie A de la fonction publique des infirmiers, avec la reconnaissance d’un grade de licence pour les IDE, s’accompagne de la perte pour toute la filière de la reconnaissance de la pénibilité de notre métier (passage d’une catégorie dite ‘active’ à une catégorie ‘sédentaire’) et de la possibilité de partir à la retraite à 55 ans. Or, les Infirmiers-Anesthésistes étant déjà en catégorie A active, nous perdons cette reconnaissance sans contrepartie statutaire.
Le recul de l’âge légal de la retraite pour les infirmiers s’accompagne en compensation d’un réajustement des grilles de salaire. Les IADE sont clairement les moins revalorisés, alors que notre spécialité est la plus longue en termes d’années d’études. En fin de carrière, par rapport à la situation avant la réforme, un Cadre-Infirmier gagnera en net annuel 4996€ de plus, une infirmière 3801€, une infirmière de bloc (IBODE) ou puéricultrice 3312€, et un infirmier anesthésiste 2064€. L’injustice d’une telle différence de traitement, qui ne tient compte ni de la durée des études, ni des responsabilités exercées au quotidien, ni de la pénibilité de notre travail (gardes, astreintes, horaires variables, travail de nuit et de weekend) a poussé les infirmiers-anesthésistes dans la rue à plusieurs reprises pour défendre leur profession.
Les revendications des infirmiers anesthésistes
La reconnaissance de notre profession au grade Master est fondamentale pour pouvoir prétendre à la revalorisation que nous méritons et que nous avons déjà plusieurs fois sollicité, à savoir 100 points INM par rapport à la grille infirmière.
Cette obtention du grade Master passe par la validation de pratiques dites avancées. Des négociations sont en cours au ministère, différentes pistes sont examinées, mais il est fondamental que notre pratique quotidienne réelle de l’anesthésie soit reconnue officiellement, ce qui n’est pas le cas actuellement. En effet, la plupart des syndicats d’Anesthésistes-Réanimateurs font obstacle à cette reconnaissance, essentiellement par crainte d’une dévalorisation des actes anesthésiques. Si le terrain a depuis longtemps validé notre compétence, la reconnaissance officielle de ces pratiques, fondamentale pour notre avenir, pose donc plus de problèmes.
Notre avenir
Comme je l’ai rappelé récemment à un syndicat de médecins Anesthésistes-Réanimateurs dans une lettre ouverte, nous sommes des professionnels responsables, nous avons des compétences, nous connaissons parfaitement nos limites, et nous sommes prêts à assumer devant les patients comme devant les médecins les actes que nous pratiquons, ainsi que leurs conséquences. Nous ne sommes pas des médecins, mais nous sommes des professionnels de l’anesthésie, formés sous le contrôle technique des Anesthésistes- Réanimateurs, et dont les critères de validation de notre formation attestent à eux seuls de sa qualité.
La reconnaissance officielle, au travers des pratiques avancées, des compétences que le terrain nous accorde depuis longtemps est primordiale pour notre avenir. Elle permettra d’une part l’obtention d’un grade Master, et surtout nous permettra de renégocier la scandaleuse injustice de notre différence de réévaluation salariale vis-à-vis des autres professions infirmières.
Maxime DARDE
Infirmier-Anesthésiste
Responsable de www.laryngo.com
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