Infirmières libérales : deux nouvelles agressions et…toujours…le silence

Infirmières libérales : deux nouvelles agressions et…toujours…le silence

Le 19 juillet, une infirmière libérale décédait, abattue par un patient, à Strasbourg. Le 24 juillet, une collègue était violemment agressée à Toulouse. Depuis le 27 juillet, deux autres agressions se sont produites à Menton et Montpellier.

 

Infirmières libérales : deux nouvelles agressions et...toujours...le silenceUne infirmière libérale a découvert sa voiture aspergée d’acide lundi 28 juillet à Menton. L’aile droite, le toit ouvrant, les deux roues et le capot avant de sa voiture ont fondu au contact du liquide corrosif. Elle a porté plainte et lance un appel à témoin.

“La prochaine fois, il m’asperge directement”, s’inquiète Soulila Bouchouachi, infirmière très connue dans la commune.

La veille, le dimanche 27 juillet, une infirmière libérale a été violemment agressée dans le quartier de La Paillade, à Montpellier.

 Je sortais de ma voiture, guillerette. J’allais chez une patiente, très loin de penser qu’à 8 heures du matin, un dimanche, j’allais être agressée (…) Deux grands gaillards sont arrivés vers moi en courant. Ils m’ont ceinturée, bousculée en hurlant : “Bouge pas ! bouge pas !” Le visage de l’un des deux était dissimulé sous une cagoule noire et épaisse. celui qui était derrière moi m’a tordu le bras pour récupérer les clés, raconte cette infirmière libérale au quotidien régional Le Midi Libre.

“Je suis en état de choc extrême”, confie cette infirmière libérale qui avoue désormais “partir avec la peur au ventre pour travailler”. Elle a d’ailleurs le jour même soigné la patiente paraplégique à qui elle rendait visite : “Mes collègues n’étaient pas disponibles. Je ne pouvais pas laisser cette dame”.

Des actes d’agression en recrudescence

Alain Rochois, président du conseil de l’Ordre national des infirmiers de l’Hérault, a réagi à cette nouvelle agression en exprimant son inquiétude face à des “phénomènes de violence qui ne sont plus isolés. Il y a certainement une recrudescence d’actes d’agression, qui vont des jets de pierre, des voitures rayées à d’autres plus traumatisants. cela va en s’accélérant”, explique-t-il à ActuSoins.

L’infirmière agressée confirme en constatant “une dégradation depuis cinq ans dans le respect et la reconnaissance du travail”. Elle cite ainsi dans Le Midi Libre des agressions dans son entourage professionnel : un trousseau d’infirmier volé, une voiture caillassée, “une collègue couverte de bleus après avoir résisté à un vol à l’arraché”

Alain Rochois insiste sur le traumatisme : “quand on est infirmière libérale, on se retrouve ensuite au même endroit, dans le même secteur, à revivre les images de l’agression”.

Le silence du ministère…Pourquoi ?

Le responsable local de l’ONI trouve “dérangeant” le silence des autorités et de la ministre de la Santé, et dénonce le manque de réaction et de retentissement.

“Contrairement à d’autres professions, notamment dans les transports comme le bus ou le métro qui se mettent en grève dans des cas similaires, nous ne bougeons pas du fait de notre sentiment de responsabilité et de nécessaire utilité. Nous n’allons pas dire à Mme Dupont, je ne viendrais pas faire votre insuline car je suis en grève. Nous sommes une force silencieuse”, souligne-t-il.

Trop silencieuse mais aussi pas assez représentée, peu habituée à jouer sur le collectif. Les réactions de l’Ordre ne sont guère entendues avenue de Ségur car les relations avec Marisol Touraine sont plutôt houleuses. Par ailleurs, la profession est peu syndiquée. Et quand elle l’est, sa représentation se divise entre plusieurs syndicats.

Une question peut-être posée : si ces agressions s’étaient produites dans des établissements publics, les syndicats généralistes comme la CGT ou FO auraient (peut-être) élevé la voix ? Avec succès ?

Sur les blogs, la majorité silencieuse s’exprime, avec colère, tristesse,…

“J’ai honte du manque de reconnaissance”

“J’ai pensé à ces secondes d’éternité silencieuses, entourant la violence. J’ai pensé à la solitude de ma consœur voyant le canon braqué sur elle et à la seconde précédent le bruit assourdissant de la déflagration. J’ai pensé à la solitude de ma collègue couchée à terre recevant les coups lourds et violents, le silence de chaque douleur et ce sentiment de solitude amplifié par l’aide qui ne viendra pas”, écrit une infirmière “rurale” dans son blog.

“Ça ne peut plus durer. J’ai honte du manque de reconnaissance dont vous faites preuve à notre égard, Madame la Ministre. J’ai parfois ce sentiment de solitude qui me prend derrière mon volant, au cours de ma tournée, mais là il n’a jamais été aussi fort. Je suis attristée et en colère que des meurtres, que des agressions sauvages ne puissent, encore à ce jours, ne pas éveiller un minimum d’empathie, un minimum d’égard dans votre esprit”, poursuit-elle.

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“Depuis le temps que nous exerçons notre métier avec passion, nous nous sommes toujours demandé quelle personne viendrait nous soutenir lorsqu’un drame toucherait notre profession ? On parle par-ci par là d’agressions envers les infirmiers mais cela est banalisé par la presse. Maintenant, grâce à vous on a la réponse, personne”, réagit également un autre confrère dans son blog #MarisolMaTuée qui a fait naître un nouveau hashtag sur les réseaux sociaux.

“Pourquoi vous ne réagissez pas ? Pourquoi nos autorités de tutelle ne bougent pas ? Pourquoi le monde infirmier ne se sent et ne s’est jamais senti soutenu ?”, questionne cet infirmier.

Cyrienne Clerc

Pour aller plus loin : le récit de l’agression dans Le Midi Libre

MarisolMaTuée sur le blog Seringue.net

Il y a des jours où l’on se sent seule sur le blog C’est l’infirmière