Si la ministre de la santé avait semblé temporiser, l’Assistance Publique semble bien décidée à accélérer le processus de fermeture des services d’hospitalisation de l’Hôtel Dieu. Soignants, syndicalistes et élus ont décidé d’occuper une partie des locaux.
Sacs de couchages, packs d’eau minérale et boîtes de conserve… L’intersyndicale (CGT Santé action sociale et Sud santé) et des membres du comité de soutien à l’Hôtel-Dieu occupent depuis le 1er septembre à 16 heures la salle Notre-Dame, l’ancien service de chirurgie thoracique, flambant neuf et pourtant fermé en avril 2013.
« Un symbole de la casse en cours à l’Hôtel-Dieu », note le Dr Gérald Kierzek, urgentiste limogé de ses responsabilités de coordinateur de l’équipe des urgences en début d’été pour ses prises de parole.
La raison de cette mobilisation : alors que la ministre de la santé, Marisol Touraine, avait accepté un moratoire sur la fermeture des urgences, la direction de l’AP-HP a demandé au Samu, aux pompiers et ambulances de ne plus diriger aucun patient vers les urgences de cet hôpital. « C’est asphyxier l’Hôtel-Dieu, asphyxier les malades et asphyxier les autres urgences », s’insurge le Dr Gérarld Kierzek.
Après avoir tenté, fin juillet, de déménager en catimini un service d’hospitalisation de médecine générale d’une quinzaine de lits, aval des urgences, « l’AP-HP cherche à créer une situation où les urgences vont se fermer toutes seules. Alors que les urgences restent soi-disant ouvertes, la direction laisse le personnel partir et crée toutes les conditions pour qu’il parte», remarque Guillaume Gandoin, infirmier au service des urgences qui accueille quelques 200 patients par jour, sans compter les 150 patients reçus aux urgences médico-judiciaires et les 150 en ophtalmologie.
En début d’après-midi, ce deux septembre, les équipes apprenaient également que le laboratoire de garde allait être fermé. En outre, l’un des deux services d’hospitalisation de médecine générale, fermé au mois d’août ne devrait pas rouvrir. Sans lits, sans malades redirigés vers d’autres hôpitaux débordés, c’est « une coquille vide », explique Guillaume Gandouin.
« Nous voulons obtenir une réouverture des négociations avec le ministère et l’AP-HP. Qui dirige, Mireille Faugères, directrice générale de l’AP-HP ou la ministre ? Il y a un double langage. Mais quand on sait que Marisol Touraine a indiqué hier que le projet de nouvel Hôtel-Dieu, (appelé Hôpital Debout par la direction, ndlr) est un beau projet, on se dit que les décisions actuelles sont en fait prises avec l’aval de la ministre qui avait pourtant reporté officiellement la fermeture des urgences », insiste Guillaume Gandoin.
Une asphyxie pour les autres hôpitaux ?
Pour les infirmiers et les médecins, les raisons de vétusté invoquées par la direction sont fausses. « Le service d’urgences est neuf comme le plateau technique, le service de consultation ophtalmologiques et les deux services de médecine générale. Il faut arrêter de casser ce qui existe, valoriser l’investissement qui a été fait. Le service des urgences a été certifié par la Haute Autorité sans aucunes réserves », affirme Gérald Kierzek. Et surtout « il faut un service d’urgences de proximité au cœur de Paris », ajoute-t-il.
Le service des urgences de l’Hôtel-Dieu accueille des patients des neuf arrondissements centraux de Paris et des touristes – 13 millions visitent Paris chaque année – du fait de sa situation géographique.
Les autres hôpitaux seront « engorgés si viennent s’ajouter aux 250 passages aux urgences de Lariboisière, aux 400 de La Pitié ou aux 200 de Bichat, ceux de l’Hôtel-Dieu. A la Pitié, les patients doivent attendre neuf heures aux urgences et à Lariboisière dix heures. La situation est telle que le Pr. Riou qualifie les urgences de La Pitié de couloir de la honte car les brancards restent dans les couloirs », raconte le Dr Gérald Kierzek.
La direction de l’AP-HP a l’intention, de son côté de transformer l’Hôtel-Dieu en bureaux et en un service de consultation ambulatoire de médecine générale. « Mais celui-ci existe déjà en partie avec le centre de diagnostique qui regroupe des spécialistes. A Paris nous n’avons pas besoin d’une super maison médicalisée de garde. D’ailleurs l’AP-HP n’est pas une spécialiste de la médecine de premier recours. En fait ce qui existe à l’Hôtel-Dieu est complémentaire : les trois services d’urgences de l’AP-HP, les lits d’hospitalisation, le laboratoire, le plateau technique et le centre de diagnostique qui permet au service d’urgence de faire appel à des spécialistes dans certains cas. Il faut maintenir l’existant qui a une cohérence et surtout ne pas enlever de lits alors que nous manquons de lits en médecine générale», ajoute-t-il.
Interrogée par nos confrères d’APM, l’AP-HP reconnaît être en “discussion avec les Pompiers de Paris” mais dément avoir demandé de ne plus évacuer de patients vers l’Hôtel Dieu.
Claire Dubois
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