Pour évoquer la première vague, Terry, infirmier originaire de Normandie utilise volontiers un champ lexical guerrier.
Il évoque la « guerre » contre le virus. Ses « armes » à lui pour le combattre : les soins. Et le sens du « devoir » de monter au front. « A l’appel de l’AP-HP en mars, j’y suis allé sans réfléchir ».
Pendant deux mois, en avril et mai, à l’Hôpital Mondor à Créteil (Val-de-Marne) puis un mois à la Salpêtrière à Paris, il a travaillé dans des unités Covid. A un rythme infernal, sans compter ses heures, sans prendre de vacances, à travailler de nuit. « Tout ça pour quoi ? », fait-il mine de s’interroger. « En tant qu’intérimaire, je n’ai pas eu de rémunération en plus, ni de prime Covid, explique-t-il.
Bien sûr, je ne me suis pas mobilisé pour l’argent. Mais j’ai un sentiment d’injustice et de dégoût. Les intérimaires sont les grands oubliés de la première vague ». Pour ces raisons, il l’assure cette deuxième vague épidémique : « ce sera sans moi ».
« Ils osent dire que ça suffit »
Ailleurs, comme au CHU de Poitiers, fin octobre, c’est « ce même sentiment qui prédomine, confirme Céline Laville, présidente de la coordination nationale infirmière (CNI). Les infirmiers qui ont changé de service pour intégrer l’unité Covid sont une majorité à ne pas vouloir se mobiliser aujourd’hui. Et pourtant, lors de cette première vague, les personnels soignants ont travaillé dans des conditions confortables, avec des équipes conséquentes ».
La présidente du syndicat explique ce refus de rempiler par le manque de reconnaissance et « des années de contraintes budgétaires. Cette fois-ci, ils osent dire que ça suffit. Alors même que c’est difficile pour un soignant d’avouer qu’il ne veut pas y retourner. Cela nous ressemble tellement pas ».
Les promesses du Ségur de la santé n’y changeront rien. « Ce n’est pas avec une revalorisation de 183 euros de salaire que nos conditions de travail vont changer. Quant aux 15 000 nouveaux postes promis, on ne les verra pas avant cinq ans », souligne Céline Laville.
« La première vague nous a tués physiquement et moralement »
Autre raison évoquée : l’épreuve physique et mentale que représente le travail dans des services Covid. « Travailler dans un service Covid ce sont beaucoup de difficultés. Il faut s’adapter à un nouveau service, réorganiser le travail. C’est une énorme implication professionnelle et personnelle… », explique-t-elle.
Cyril, infirmier intérimaire qui a répondu à l’appel de l’AP-HP lui aussi, évoque son premier jour au DAU (département aval urgence dédié au Covid) de l’hôpital Henri Mondor, par où transitent les patients avant leur admission en service réanimation : « J’étais le seul infirmier dans le service pour huit patients lourds, avec Covid ».
Ces mois à Paris et en Guyane en services Covid lui ont permis d’enrichir son expérience professionnelle, mais c’était « extrêmement fatiguant. Je faisais des horaires à n’en plus pouvoir, il manquait du personnel. La première vague nous a tués physiquement et moralement car c’est très dur, on a vu mourir des gens qui n’auraient pas dû mourir. Au bout d’un an d’exercice, je suis déjà fatigué alors que j’adore mon métier ».
Qu’est-ce qui pourrait lui faire changer d’avis ? Rien, semble-t-il. « Je reçois des emails tous les jours pour venir à l’AP-HP. Mais je n’y retournerai pas ».
Pour Diane (prénom d’emprunt), infirmière au CHU de Poitiers, l’épreuve de la première vague a été dévastatrice. « J’y ai laissé une partie de moi, lâche-t-elle. C’était tellement violent. Aujourd’hui, j’ai des angoisses, la douleur des autres me fait peur, je n’ai plus de barrière soignant-soigné… Je ne me reconnais plus, nous confie-t-elle. Quand je parle de cette période, j’ai des flashs, je revois ces corps que l’on enfermait dans des sacs et que l’on devait prendre en photo pour permettre à leurs proches de les identifier. Je me rappelle aussi de ces personnes qui pleuraient au téléphone quand je leur annonçais qu’il ne pouvait pas venir voir leurs proches en train de mourir ».
Sans compter qu’aucun suivi n’a été réalisé par la direction une fois les soignants retournés dans leurs services respectifs. « En mai, un vendredi soir on m’a demandé de reprendre mon poste ordinaire. Comme ça du jour au lendemain. On n’a même pas eu le temps de se retrouver avec l’équipe – nous étions soudés – pour échanger sur sur ce qu’on avait vécu ou juste pour se dire au revoir. La direction, elle n’a même pas pris le soin de m’appeler pour savoir comment j’allais ».
Alors quand début novembre, la direction lui demande de rejoindre de nouveau un service Covid pour cette 2e vague. Elle craque. Impossible pour elle. « Je n’y retournerai pas, c’est clair et net ».
Céline Laville résume la situation : « Ne pas y aller c’est aussi se protéger. Ils se disent que s’ils y retournent c’est eux qui tombent. On ne peut pas demander aux soignants de travailler comme ça, en dépit de tout ».
« Se protéger »
Quelles pourraient être alors les conséquences sur la prise en charge des malades Covid ? S’il manque du personnel volontaire les pouvoirs publics peuvent réquisitionner des personnels ou lancer des contrôles systématiques des arrêts de travail. « Et on sait ce que ça va donner : des retours au travail », explique Céline Laville.
Cela dit à Poitiers, début novembre, les discours commencent à changer devant la situation sanitaire qui s’aggrave.
Comme partout en France, l’hôpital est plein, beaucoup de soignants sont contaminés par le Covid donc en arrêt de travail ou en éviction sept jours s’ils sont asymptomatiques.
Et il devient difficile de trouver des remplaçants.
Aussi, «la fibre de soignant revient, explique la présidente du CNI. Des soignants disent que de nouveau, pas le choix, il faut y aller ».
Alexandra Luthereau
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Excusez moi mais la vérité dérange.
Nous sommes des êtres humains comme tout le monde, qui parfois en temps de crise sont capables de dire les choses vraies simplement et en face.
Il exprime juste tout haut ce que nous pensons tous!
jo on a vraiment plus envie de vous applaudir
Alerte à vous de vous reveillez !!!!! La France nous détruit point !!! Je reste suis entièrement d’accord avec le commentaire de Julien. Sortez de votre monde des bisounours !
Je suis infirmière depuis 10ans, j’ai eu le covid dans un des premiers clusters du mois de mars à l hôpital de Strasbourg (enfin je suppose) Je me suis vite retapé parce que non dépisté de suite (les pcr n’étaient pas à la portée de tous) et je me suis portée volontaire pour insérer une unité de réanimation créé de toute pièce dans une service de soins intensifs de Cardio… je ne pouvais pas laisser mes collègues seules au front j’avais besoin d aider mais jamais je n’aurai penser que le manque de préparation de formation le manque de moyens que ce soit matériel professionnels ne me détruirai a ce point. J’ai tenu bon durant 3 mois, je ne dormai pas chaque veille de prise de poste, je ne pleurai pas je serai les dents meme devant des scènes perçu comme une scène d horreur (les mises en DV décubitus ventral rendaient les patients dans des états catastrophiques)
Lorsque je suis arrivé j’ai eu tout de suite eu 2 patients à charges (je n’avait jamais fait de réa, je n’avais jamais vu le logiciel utilisé et cela faisait 5 ans que j’étais sorti des soins conventionnels car je travail en cardiologie Interventionnele, type bloc ). À ce moments les angoisses ont commencées, des angoisses lorsque j’étais coincé dans une chambre au bout d’un couloir sans personne au alentour, personne ne répondait aux sonnettes, tous le monde était submergé de boulot, les infirmière les aides soignantes, les médecins… tous le monde . Et j’étais dans ma chambre mon patient qui se dégradait … les numéros de téléphones qui ne répondait pas ou qui me disait dsl je peux rien faire je ne m’en occupe pas …: ces moments où j’ai cru que tout s effondrai …. un jour on nous a annoncé que officiellement une infirmière de réa prend 2 patients et demi en charge donc on allait nous réduire le personnel … là boule au ventre chaque matin de peur que ce soir nous .. moi je n’aurai jamais pu, deux patients c’était déjà limite. Il m’ai arrivé de ne pas pouvoir voir un patient tellement l’autre allait mal…
les jours on passés et les larmes coulaient mais pas bcp … la vague s’est calmé mais a effacé une partie de moi… fin du service créé de toutes pièces et je passe une dizaine d histoires plus prenantes lles unes que les autres… je tombe malade à nouveau avec des soucis respiratoires… sûrement du au covid mais avec un pcr négatif malgré ma sérologie positive.
Qlq semaines se sont écoulées et j’ai fini par une après midi m’effondré au boulot …. et là à commencé les pires mois de ma vie …. tout était noir dans ma vie dans ma tête! Impossible de sourire de dormir impossible d’arrêter de pleurer … de penser à toutes ces images qui me revenaient…. j’ai voulu en finir à deux reprises… un psychiatre m’a sauvé . J’ai traverser des crises d angoisses à plusieurs reprises, à ne pas en croire, en boule au sol les jambes crispées, les mains recroquevillées… l’es larmes les crises de Larmes encore et encore …
heureusement que mon mari et mon fils de 4 ans et demi étaient là … je devais paraître bien devant mon garçon pour le préserver de tout ça … et c’était atroce …
aujourd’hui j’ai traversé le plus dur… même si j’ai encore des soucis de dyspné à l effort et des gros soucis de mémoires …
mais nous voilà parti dans une nouvelle vague … je dois retourner bosser j’ai envi mais j’ai tellement peur …
courage à toutes et à tous ceux qui ont traversé ce genre d épreuve je ne le souhaite à personne .. mais sachez que l’on en ressort plus fort! Je n’ai à aucun moment regrettée d’avoir aider à ce moment j’étais une guerrière ! Je l’ai fait ! Mais la prochaine vague malheureusement se fera sans moi !
Je suis infirmière en pneumologie, actuellement en arrêt de travail puisque mon corps épuisé n’a pas supporté la première crise sanitaire. J’ai, pendant mon arrêt, décidé d’auto-publier un livre
” Trois ans et plus si affinités…” racontant mon quotidien depuis ma dernière année en tant qu’étudiante en soins infirmiers (2017) jusqu’à mon accident du travail en tant qu’infirmière, en 2020. Maltraitance entre soignants, sur les étudiants, par la hiérarchie, espoirs et désespoirs, crise sanitaire sont les maîtres mots de mon ouvrage. J’ai tout craché et ça fait du bien.
Je ne suis toujours pas remise : tendinite calcifiante avec bursite…
À mes frères et sœurs d’armes, tout mon soutien…
Je suis soignante depuis 25 ans, j’ai été mobilisée en réanimation au printemps. j’ai vécu tous les stress, angoisses, les heures de nuit de jour en réa, le manque de matériel, la peur du manque de médicaments…., et surtout ce qui a détérioré mon état de santé c’est la gestion méprisante de nos heures en sortie de crise…, la non reconnaissance de notre travail…
J’appelle tous les soignants à se défendre, à ne pas accepter ces faits, si nous en sommes là aujourd’hui c’est que nous acceptons, nous faisons sans rien dire.
Il est temps de se réveiller, nous les soignants, et vous tous soignés et potentiels malades c’est bien de taper à vos fenêtres à 20h mais n’acceptez pas non plus un tel système de soins qui va à son déclin, soutenez vos soignants et pas une gestion en économie de santé qui rend malade ses personnels.
Pour avoir été soignant je connais votre douleur. Ils ne savent que nous donner des mots à l ensemble de nos maux. Garder vos belles paroles messieurs les” tout puissant” le monde se meure et vous, vous comptez votre argent…. “unité, résilience” dites vous, vous avez sérieusement bonne conscience ?!
Ben, merci à tous les soignants qui vont y retourner surtout…
Julien changez vite de métier ça fait peur d’être soigné par quelqu’un qui a un tel langage
Préavis fin de mission prolongée pour rester dans service covid tant qu il y a besoin. Fin le 2 juin, aucune prime j ai démissionné. Aujourd hui nouveaux postes pas de pcr ni aucune questions… On nous considère comme des robots et pourtant…
Ils se foutent de la gueule du monde pas de moyens mis en place depuis mars on es juste de la merde, étudiants infirmiers réquisitionnés a 1.50 euros de l’heure une honte. Franchement démissionnez et laissez les se demmerder trop c’est trop.
quelle tristesse de lire le commentaire pauvre et cru ci-dessus!!!
Macron et son gouvernement ne méritent pas le dévouement des soignants.
Des paroles, aucun acte.
Forcer les soignants à revenir, oui, ils le peuvent, mais est-ce une manière de traiter ceux et celles qui oourraient un jour torcher les fesses de Mme Macron quand elle sera sénile???
Écoeuré…