Dans les centres médico-psychologiques, être au plus proche des patients pour éviter l’hôpital

Dans les centres médico-psychologiques, être au plus proche des patients pour éviter l’hôpital

Derrière les murs des CMP, lieux de soins publics proposant des consultations médico-psychologiques et sociales aux personnes en difficulté psychique, les IDE tiennent un rôle majeur. Géraldine, Clotilde et Loïc racontent leur quotidien.
Dans les centres médico-psychologiques, être au plus proche des patients pour éviter l’hôpital
© ShutterStock

« Le CMP, cest la proximité. Chaque personne en a un près de son domicile », explique Clothilde, infirmière au CMP Grenelle depuis un an et demi.

Situé dans le très peuplé 15e arrondissement de Paris, le centre est accompagné par deux semblables : les CMP Vaugirard et Javel sont situés dans les mêmes locaux, mais chacun accueille ses propres patients, âgés de 15 ans et trois mois au minimum.

Les 344 CMP français sont le premier niveau de la prise en charge des troubles mentaux chroniques : schizophrénie, troubles bipolaires, troubles de la personnalité, conduites addictives…

Leur accès est sectorisé : un centre pour chaque secteur de 60 000 habitants.

« L’accueil est un mot très important. »

Ici, chaque journée est différente. Loïc, infirmier au CMP Javel depuis huit ans, raconte : « les patients viennent pour des piluliers, soit quotidiennement, soit plusieurs fois par semaine. D’autres doivent recevoir des traitements injectables de neuroleptiques retard. Dans ce cas, ils viennent soit tous les 15 jours, soit tous les mois. Nous sommes chargés de leur faire cette injection. »

Parmi les traitements administrés, par voie orale ou en injection : antidépresseurs, neuroleptiques, thymorégulateurs et anxiolytiques.

Au sein des centres médico-psychologiques, les IDE tiennent donc un rôle prépondérant : ils sont le premier interlocuteur des patients qui franchissent les portes, et pilotent des entretiens de première intention. « Il faut toujours quelqu’un à l’accueil : cest un mot très important au CMP », indique Clothilde.

« Au cours de l’entretien de premier accueil, nous demandons aux patients s’ils ont des antécédents psychiatriques ou psychologiques, s’ils prennent un traitement. C’est un entretien assez libre, c’est-à-dire que sans être forcément très directif au départ, on laisse parler la personne. On lui demande la raison pour laquelle elle vient là », enchaîne Loïc.

Forts d’une grande autonomie, les IDE travaillent avec les psychiatres et psychologues et échangent autour des situations les plus complexes.

Chaque cas est discuté en réunion avec le médecin responsable du CMP : « c’est lui ou elle qui décide de l’orientation vers une prise en charge psychiatrique ou psychologique », poursuit l’infirmier.

Les CMP assurent également le suivi ambulatoire des patients tout juste sortis d’hospitalisation : « avec ces patients, ce sera un suivi rapproché. Certains sortent encore un peu fragilisés. Notre mission est de les suivre à l’extérieur », précise Géraldine, infirmière au CMP Grenelle depuis six ans.  

« Énormément de jeunes et d’étudiants nous sollicitent. »

 Le 1er avril 2021, Doctolib, la plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne, annonçait un chiffre édifiant : les recherches en lien avec la santé mentale ont doublé entre octobre 2020 et janvier 2021.

 Et l’effet s’est aussi fait sentir dans les CMP. Faute de places suffisantes, les équipes sont souvent amenées à rediriger les patients les plus aisés et avec des troubles mineurs vers des professionnels de santé libéraux.

 À la question « y a-t-il eu des changements depuis le début de la crise sanitaire ? », tous répondent oui. « Surtout sur les nouvelles demandes. Aujourd’hui, énormément de jeunes et d’étudiants nous sollicitent. Ce sont des profils que nous avions moins avant. Ils souffrent de symptomatologie dépressive et anxieuse, en lien avec l’isolement dû au confinement. Beaucoup ont clairement des inquiétudes sur la vie », explique Géraldine, du CMP Grenelle.

 Évalué à 67 jours en 2015, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous au CMP aurait bien augmenté aujourd’hui : « Pour les suivis psychiatriques, on essaie de donner des rendez-vous assez rapprochés. En revanche pour les psychothérapies, les délais sont plus longs qu’avant », poursuit l’infirmière.

 Dès mai 2020, les équipes ont remarqué une forte augmentation des demandes. En plus des patients chroniques et habituels, sont venues se greffer des personnes qui n’avaient aucun antécédent psychiatrique ou psychologique, et qui ont subi de plein fouet les restrictions sanitaires au niveau psychologique.

Le confinement strict de mars 2020 a obligé les équipes à s’adapter. Faute de pouvoir se déplacer, des patients ont pu bénéficier de consultations par téléphone. « Bien souvent, ce sont des patients isolés socialement. Nous avons fait énormément d’écoute concernant les angoisses des patients qui étaient majorées par rapport au virus. D’autres n’ont pas été forcément inquiétés par le confinement, mais plutôt par le déconfinement », explique Loïc.

Être au plus proche

Après seize ans passés en intra-hospitalier, il apprécie la mission première des CMP : être au plus proche de la population pour répondre à une détresse psychologique. « Bien souvent, nous sommes amenés à faire des visites à domicile. Nous rentrons dans la sphère privée du patient et, sur le plan relationnel, c’est très intéressant », souligne-t-il.

Géraldine et Clothilde, elles, sont référentes EHPAD et visitent chaque mois une vingtaine de patients seniors anciennement suivis au CMP.

L’écoute, la réassurance et le soutien psychologique sont les clés de l’une des missions que se donnent les CMP : éviter l’hospitalisation. D’après les infirmiers interviewés, près de 80% des patients ne connaitraient pas une nouvelle hospitalisation grâce à la prise en charge quotidienne.

 Une fierté pour Loïc, alors que beaucoup de voix s’élèvent pour dénoncer le peu de moyens alloués aux soins d’ordre psychique. En mars 2021, le collectif Inter-Hôpitaux qui rassemble des professionnels de santé exerçant dans les hôpitaux publics, a publié dans le journal Le Monde une tribune pour alerter sur la dégradation des conditions d’accueil des patients.

Camille Grange

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