A Brumath, un cocon pour recréer le lien mère-bébé

Le centre de ressources et de soins en psychiatrie périnatale (CRSPP) de Brumath (67) est pionnier dans la prise en charge des troubles psychiatriques liés à la grossesse et à l’accouchement. Son rôle : soigner les mères atteintes de dépression du post-partum et de psychose puerpérale, les aider à recréer le lien avec leur bébé et sensibiliser les milieux de santé et de la petite enfance à dépister les cas au plus tôt.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans n°45 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2022).

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Aude Triffaux-Ghesquières, pédopsychiatre et responsable du CRSPP, dans la cour de l'unité. © Sara Saidi

« Pour certaines femmes, devenir mère, cela se construit », affirme Aude Triffaux-Ghesquières, psychiatre et pédopsychiatre, responsable du Centre de Ressources et de soins en psychiatrie périnatale (CRSPP) à l’EPSAN  Brumath. 

Au sein de ce centre, un dispositif, qui comprend une hospitalisation complète, un hôpital de jour, des consultations ambulatoires et une équipe mobile, assure le suivi psychologique et psychiatrique des parents et de leur bébé.

L'unité mère-bébé - devenue récemment l'unité parents-bébés - a été créée en 2007.

Ici, pas de mur tout blancs qui rappelleraient l’hôpital ; le bâtiment est chaleureux, les baies-vitrées laissent passer la lumière et le jardin contribue à apaiser les mamans et à créer un cocon pour les aider à se reconstruire.

Celles qui sont accueillies ici restent généralement entre six et huit semaines et sont atteintes de troubles graves : « la psychose, la dépression ou les décompensations de troubles préexistants, tuent. C’est la première cause de mortalité dans le post partum », indique Aude Triffaux-Ghesquières.

Pour les accompagner, l’unité mères-bébés est composée de six soignantes, présentes en binôme 24 h sur 24 h : deux le matin, deux l’après-midi et deux la nuit. « Cela offre la disponibilité d’une soignante pour quatre mères et cinq bébés », ajoute-t-elle. Des réunions cliniques ont lieu toutes les semaines entre les soignants pour faire le point sur l’état de santé de chaque maman et leur proposer un projet de soins pour la semaine.

Écouter et guider les mères

Jade Truong est auxiliaire de puériculture. © Sara Saidi

Jade Truong, 22 ans, est auxiliaire de puéricultrice dans l’unité mères-bébés : « Nous faisons beaucoup d’accompagnement. Nous avons des entretiens avec les patientes et, quand quelque chose leur pèse sur le cœur, nous sommes là pour les écouter, prendre le relais et également nous occuper des enfants pour qu’elles se reposent… », explique-t-elle.

Le rôle des soignantes est de guider les mères à recréer le lien avec leur bébé et les rassurer : « C’est intéressant pour les mamans car elles peuvent observer les stratégies d’apaisement que les différentes soignantes pratiquent envers les bébés. C’est enrichissant pour celles qui ne connaissent pas toutes les possibilités », ajoute la soignante.

Constatant un besoin de soins chez les pères, l’unité mères-bébés accueille également depuis peu deux papas à temps plein. L’ARS a en effet récemment donné son aval car « il existe aussi des dépressions du post-partum chez les papas. Ils s’effondrent sur un mode anxieux et ils s’épuisent à compenser quand la maman ne va pas bien. Soit, ils s’effondrent secondairement quand maman et bébé vont mieux, soit, ce sont des troubles qui arrivent au même moment et le couple est hospitalisé en même temps », affirme Aude Triffaux-Ghesquières.

À travers les soins et les actes thérapeutiques simples comme l’allaitement, donner le biberon ou le bain, les soignants accompagnent les patient(e)s à se sentir parents et à décrypter les besoins de leur bébé, afin de recréer progressivement un lien. « Nous favorisons les liens entre la maman et le bébé en la focalisant sur son petit, pour qu’elle lui parle par exemple. Nous faisons des ateliers de massage pour bébé et nous nous occupons aussi individuellement de la maman. Nous prenons du temps pour elle et pour voir ainsi comment elle se sent », explique Noémie Keiff, 34 ans, infirmière puéricultrice en poste à l’Unité mères-bébés depuis juin 2020. Depuis septembre 2021, des soins sont également organisés trois fois par semaine pour le bébé, sans la maman.

 

Hospitalisation de jour et suivi psychologique 

Noémie Keiff, infirmière puéricultrice. © Sara Saidi.

Pour les mères dont les troubles ne nécessitent pas une hospitalisation à temps plein, il est possible de venir une fois par semaine à la Frimousse.

Cet hôpital de jour qui accueille les mamans et leurs enfants de 0 à 3 ans a été ouvert en 1986. Les mamans y sont suivies par des soignantes référentes - ce sont les dyades mère-bébé - et les papas peuvent également être intégrés - ce sont les tryades. L’accompagnement est centré sur les soins du quotidien, il y a également un suivi psychologique et des ateliers avec une psychomotricienne.

La structure pyramidale du CRSPP permet d’accompagner les mamans en fonction de leurs besoins. Lorsque les soignants - gynécologues, sage-femmes, pédiatres, psychiatres ou psychologues - qui suivent les mamans à l’extérieur constatent une fragilité mais que les troubles ne nécessitent aucune hospitalisation, ils les adressent au CRSPP pour des consultations de suivi.

Ces consultations ambulatoires ont commencé en 1982. Selon l’évolution de leur état de santé, les mamans peuvent passer d’un dispositif à un autre pour s’assurer d’un suivi constant. L'objectif : éviter les placements d'enfants qui sont très mal vécus par toutes les parties : « Quand cela arrive, c’est un peu un sentiment d’échec. Il faut accepter nos limites thérapeutiques », affirme Aude Triffaux-Ghesquières.

Dans ces cas-là, ajoute Noémie Keiff, « nous accompagnons la maman et le bébé dans la séparation, nous les préparons et nous leur expliquons ce qui va se passer mais, malgré cela, il y a des mamans qui ne comprennent pas jusqu’au dernier jour »

Une équipe mobile pour sensibiliser et former

L’hospitalisation à temps plein a été créée sous l'impulsion du docteure Annick Chauvin qui s’est intéressée pour la première fois à la psychologie des bébés. « C’est quelque chose de récent. À l’époque on ne s’intéressait aux enfants que quand ils parlaient. On ne savait pas que les nourrissons avaient des émotions, des pensées ou de la douleur », explique Aude Triffaux-Ghesquières.

Dans la continuité du travail du docteure Chauvin, l’unité de psychiatrie périnatale de Brumath compte également depuis mai 2021 une équipe mobile, une des premières en France : « nous avons remporté l’appel à projet du fond d’innovation en psychiatrie en 2019 et des fonds ont été débloqués », indique-t-elle.

L’objectif ? « Aller vers » la population qui n’est ni sensibilisée ni informée des risques mais aussi former le personnel soignant et les professionnels de la petite enfance afin de leur permettre de dépister des signes de fragilité chez les mamans qu’ils suivent. Le centre de Brumath est pionnier dans cet axe de prévention. Pour Aude Triffaux-Ghesquières, il y a aussi et surtout la volonté d’en finir avec le tabou persistant autour des troubles psychologiques et psychiatriques liés à la grossesse.

Sara Saidi

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