Exact montant du salaire des infirmières et infirmiers : un débat sans fin

Alors que la DREES a sorti cet été son panorama 2020 des établissements de santé, abordant la question des salaires, des membres de la profession infirmière réagissent aux chiffres officiels.

Exact montant du salaire des infirmiers : un débat sans fin2329 euros nets. Voici, selon les chiffres de la DREES, le salaire mensuel dans le secteur public pour le corps infirmier.

Un montant qui fait réagir parmi les infirmiers.

Nadège (le prénom a été changé), qui exerce depuis trois ans à la Pitié-Salpétrière, estime ce chiffre disproportionné. « Je ne connais personne qui gagne autant», lâche-t-elle, perplexe.

Patiemment, elle reprend ses fiches de paie. En avril 2020, accessoirement en pleine crise du covid, elle a gagné 1991,88 euros nets. Loin du « mirage » des 2300 euros.

Elle peine à atteindre les 2000 euros, et quand cela lui arrive, c’est parce qu’elle multiplie les heures supplémentaires.

Son salaire de base est de 1893 euros nets, auquel viennent s’ajouter la prime de début de carrière de 39 euros, la prime infirmière de 90 euros et dernièrement, la prime de risque de 58 euros (liée au covid).

Pourtant, malgré ces ajouts, elle relève des mois où ce qu’elle touche reste inférieure à son salaire de base, comme en octobre 2019, où elle n’a gagné que 1856 euros.

Idem l’été dernier, en août, où elle n’a perçu que 1780 euros ou encore en avril 2019, avec 1815 euros inscrits sur sa fiche de paie.

Pour Nadège, le manque de lisibilité des salaires est évident. « Ma collègue, qui a 6 ans d’ancienneté ne gagne pratiquement rien de plus que moi ».

Depuis l’été dernier, elle prend une ou deux nuits en plus par mois : en trois ans d’exercice, c’est la première fois qu’elle réussit à mettre un peu d’argent de côté. Alors si Nadège ne comprend pas d’où viennent ces 2329 euros, comment la DREES est-elle arrivée à ce chiffre ?

Salaire des infirmières et infirmiers : Une "moyenne"

Contactée, la DREES, par la voix de son experte Hélène Chaput, explique la méthodologie utilisée.

Les chiffres proviennent des bases de données économiques et sociales des entreprises, « recouvrant un champ de données administratives, qui sont ensuite traitées et retravaillées à des fins statistiques».

Interrogée quant au différentiel concernant le ressenti des salaires perçus, Hélène Chaput précise que les salaires sont convertis en équivalent temps-plein, et que par conséquent, « les personnels qui ne sont pas en temps plein peuvent donc se retrouver sous ce seuil ».

Mais l’argument qui compte le plus est sans nul doute que la catégorie « Infirmiers » définie par la DREES inclut les infirmiers spécialisés, Ibode ou Iade etc. « qui tirent la moyenne des salaires vers le haut », reconnaît-elle.

Enfin, elle revient sur les infirmières en catégorie A et B, prenant en compte que la grille salariale B est un peu inférieure à la grille A, les « sortants d’école optant plutôt pour le A, les plus âgés, pour le B ».

Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI (Syndicat national des professionnels infirmiers), considère ce chiffre comme « totalement fantaisiste ».

« L’inflation est censée être maîtrisée, or on a toujours plus de mal à finir les fins de mois », rappelle-t-il.

Avec des infirmières  qui gagnent, dit-il, 1500 euros nets en début de carrière, 1800 euros en milieu de carrière, et 2500 euros en fin de carrière, il ne réussit pas à voir comment la moyenne lissée pourrait atteindre les 2329 euros.

Les chiffres officiels ? Il semble ne leur accorder qu’un faible crédit. « Rappelez-vous le grand plan d’urgence pour l’hôpital public de novembre dernier et qui devait revaloriser les salaires ? En réalité, cette mesure ne concernait que 4 départements sur 100, et parmi ces 4 départements uniquement 11 % des infirmiers au premier échelon ! Tout est dans l’art de la communication », lâche-t-il.

Et quand on évoque le Ségur de la santé, il regrette que les 300 euros se soient transformés en 183 euros, qui, de plus, ne seront pas comptabilisés sur les fiches de paie « avant janvier ou février ».

Pour sa part, Thierry Amouroux, qui a débuté sa carrière en 1984, parle en toute transparence d’un traitement mensuel réel de 2938 euros.

Des biais de perception dans la rémunération ?

Rachid Digoy, Ibode et président du collectif Interblocs, abonde dans le sens de Nadège et Thierry Amouroux.

« J’ai bien cherché, je ne trouve pas du tout comment ils peuvent arriver à 2329 euros. Avec quel échelon, quel indice ? »

Il n’hésite pas à se lancer dans des calculs. « Une infirmière débutante commence avec 1827,55 euros, soient 1476,69 euros nets. Ce qui équivaut à un différentiel de presque 1000 euros [avec le chiffre officiel] », s’étonne-t-il… tandis qu’une infirmière échelon 10 gagne 2774 euros bruts. »

Pour atteindre la somme en question, il évalue qu’il faudrait réaliser 5 heures supplémentaires par semaine. « Sauf que les hôpitaux ne paient plus les heures supplémentaires ».

Lui qui est Ibode depuis 14 ans, gagne 2090 euros nets. Une somme pas à la hauteur de son expérience et de sa spécialité, de son point de vue.

Seule certitude pour lui : les articles relatant les tarifs pratiqués par les boîtes d’interim avec des salaires mirobolants atteignant les 3400 euros ont donné une image de nantie à la profession. Ce qu’il déplore.

Pour autant, Hélène Chaput apporte un autre éclairage, qui risque de faire grincer des dents. « Quand vous produisez des statistiques, notamment sur la rémunération, les gens ont tendance à sous-estimer ce qu’ils gagnent », mettant en avant ce qu’elle appelle « un biais cognitif ».

Concernant les primes, par exemple, seules celles qui seraient soumises à cotisation seraient prises en compte, précise l’experte Hélène Chaput.

Certaines, annualisées et versées en une seule fois, ne seraient pas prises en compte dans la perception mensuelle des rémunérations, alors qu’il faudrait les rediviser par douze.

Peut-être, suppose l’experte, que, chez les infirmiers, ce biais est encore accentué par les « difficultés rencontrées au travail », qui font encore davantage ressentir l’insuffisance des rémunérations.

Delphine Bauer

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Réactions

9 réponses pour “Exact montant du salaire des infirmières et infirmiers : un débat sans fin”

  1. FranceJobs_2022 dit :

    Or, une grande partie des infirmieres et infirmiers du pays ne se reconnaissent pas dans ce profil. Ils sont en effet tres nombreux a travailler a temps partiel, notamment en raison de conditions de travail difficiles (horaires de travail irreguliers, travail de nuit et de week-end, etc.), expliquent-ils. Par ailleurs, ils sont peut-etre en debut de carriere, n’ont pas de specialisation ou encore travaillent dans des cantons ou des etablissements de soins ou les salaires sont moins eleves qu’ailleurs.

  2. Laurent dit :

    L’autre jour j’ai retrouvé une fiche de salaire de 2002,je gagnais plus que quand j’ai bossé en Ehpad public l’an dernier.
    J’y suis resté trois mois, dans cet Ehpad public.
    Déjà lors de mon premier entretien d’embauche, on m’a proposé 1600 balles net avec 2 dimanche travaillés. J’ai rien dit car je suis un gars qu’aime pas me prendre la tête, et je me suis mis au chômage deux mois (oui j’ai des droits et comme j’enchaîne des cdd)… Puis je suis revenu et j’ai négocié un net à 1850…j’aurais pu un peu plus car ils ont besoin mais je suis un être faible.
    Je précise que je suis diplômé de 1998.
    Un jour on a comparé nos fiches de paie avec une collègue qui a un an d’ancienneté de différence avec moi. Elle gagnait moins de 1800 balles, sachant qu’était comptée une prime de 180 euros pour ses deux enfants… Ce qui veut dire que son vrai net était en-dessous de 1600 balles avec 20 ans d’expérience.
    Comme c’était par elle que j’étais rentré, et que j’avais largement vanté ce fait à la directrice RH (qui au passage nous vantait la politique égalitaire de traitement entre les salariés-probablement la même qui faisait qu’apparaissent-3euros sur certaines lignes de prime de ma collègue, alors que pour moi non), je l’ai invité à négocier une petite augmentation de salaire, d’autant plus qu’elle était largement appréciée, compétente et toujours prête à aider… Chose qu’elle a obtenu.
    Et début 2019, j’avais travaillé pour 1550 euros net soit 10 euros de l’heure.

    Donc si ça s’appelle pas du grave foutage de nos gueules, je ne sais pas ce qu’ il faut dire.
    Mais si tous les salariés se plient à ces propositions sans moufter, forcément pourquoi en face ils devraient se priver ?
    Il y a plein de pognon qui sert à financer des dépenses parfois fort peu utiles, donc il ne s’agit pas de se prostituer en demandant à être payés décemment, mais à rappeler que tout travail mérite salaire, et si tout le monde faisait ainsi qu lieu de se concurrencer, la donne changerait.
    Quand je vois l’opacité des comptes du secteur public, qui en fait même si les indices sont gelés depuis 2011,a une énorme variable d’ajustement dans le budget primes qui échappe à tout contrôle puisqu’il n’a pas besoin d’être justifié, je ne vois pas pourquoi on n’y aurait pas droit.
    Hier le médecin me rappelait que là où on est les choses reposaient sur nous puisqu’elle n’est là que 2 jours par semaine, mais personne ne m’a proposé d’être payé comme elle alors qu’on doit porter la responsabilité pour tout le monde.
    Alors à chacun de voir s’il préfère se faire mettre en devant payer la vaseline, moi j’exige qu’on me la fournisse gratos, question de bienséance!
    Mais je le demande avec diplomatie !

  3. cc dit :

    En faisant 40 H par semaine on arrive à un salaire correct.comme avant la réforme de Madame Aubry…..
    Donc les 35h n’aurait pas du être appliqué à l’hôpital,malgré la pression des syndicats,
    Certains avaient bien vu les difficultés arriver, mais la pression de vouloir travailler moins et gagner autant a été la plus forte.
    Dont acte:les 35h minent le travail des soignantset qui doivent faire autant voire plus en moins de temps et en plus n’ont aucune reconnaissance même financière.

  4. emmanuel dit :

    et cette Hélène CHAPUT gagne combien a faire la langue de bois ?

  5. leilou dit :

    Depuis quand serions nous des nantis… ? Même si nous travaillions à 50% notre salaire resterait une honte. ! nous sommes les plus mal payés de l’OCDE si on regarde le niveau de vie, le coût de la vie. La covid n’aura pas suffit à nous faire exister malgré ce que cela a engendré en terme de sacrifice : famille, santé, heures, vie personnelle etc…

    Macronie comme tout le reste une honte !

  6. Co & covid dit :

    Surprenant toutes ces réponses. Diplômé en 85,les salaires faisaient déjà débat. Rien n’a évolué. On était moqué à l’annonce du chiffre mensuel net en poche. Les commentaires du genre: »vous êtes payés pour faire ce qu’on vous dit de faire » foisonnaient. Je suis depuis devenu cadre sup détaché du public vers le privé avec un salaire attractif mais sans compter mes heures. Les infirmiers du privé ne sont pas mieux servis que ceux du public. Aujourd’hui j’ai réintégré le public contraint et forcé car licencié pour raison de maladie et Tjs en ald, je touche moins de 1400 €. Avec pour toute réponse que je dois me contenter de ça.. Mes revenus mensuel on été divisés par 4…. un cadre réintégré dans le public en maladie avec des émoluments à 1300€ pourrait donc être un cadre bien portant et en fonction avec 2600€ ou 2800 € mensuel ? J’ai plus de 30 ans de cadre derrière moi. Comment une infirmière debutante pourrait elle être rémunérée autant qu’un cadre, ou une infirmière expérimentée qui gagne déjà si peu après des années de pratique ?
    L’administration devrait faire preuve de pudeur dans ses déclarations. Les soignants n’ont pas, n’ont plus et ne devraient plus avoir à rougir des pourboires que les services financiers leurs dispensent dans leur grande mansuétude. L’état et ses sbires devraient avoir honte…

  7. Hassina dit :

    Si le salaire de l’infirmière était attractif, il n’y aurait pas de manque d’effectif. Ça donne à réfléchir !!

  8. baka dit :

    Oui tous les soignants et les infirmières savent que cette moyenne est fausse.
    De plus même si ce salarie moyen était réel, il sera et serait toujours honteux au vu du niveau d’étude et surtout des responsabilités humaines, collectives et décisionnaires que chaque soignants ou soignantes faits annuellement.
    Je ne vois qu’une chose qui pourrait faire changer cela, que le covid reste pendant 10 ans en mode mutation extrême, et que le système se retourne pour voir où sont les vrais besoins et métiers, qui font vivre et survivre la FRANCE (éboueur, boulanger, pâtissier, caissières, etc…)

  9. Levraisache dit :

    Donc les infirmières viennent d’apprendre la moyenne et la prime équivalent 13eme mois demain on attaque le calcule en croix et la CRDS.

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