Du tango sur ordonnance pour les parkinsoniens

A Montpellier, un chorégraphe fait danser le tango à des patients atteints de la maladie de Parkinson.  Si elle ne guérit pas la maladie, cette danse peut ralentir sa progression. Une thérapie non médicamenteuse qui se déploie dans plusieurs endroits en France. Cet article est paru dans le n°31 d'ActuSoins Magazine (décembre 2018). 

Le tango est une posture du corps, depuis les pieds jusqu'au sommet de la tête, c'est une danse construite de l'intérieur qui passe par le squelette.

© DR. Le tango est une posture du corps, depuis les pieds jusqu'au sommet de la tête, c'est une danse construite de l'intérieur qui passe par le squelette.

 « Au bout du compte, je ne suis pas malade, ici je vis. » Georges, 69 ans, visage souriant, vient de passer une heure et demie à évoluer aux pas du tango sous la férule d'un chorégraphe argentin. Il est venu en couple pratiquer cette danse complexe, basée sur la marche à deux, où il faut régulièrement changer de pas, de rythme et qui nécessite une vraie implication physique et mentale.

Six autres patients font partie du groupe. Ils sont parkinsoniens et sont venus, comme lui, avec un aidant. « Cette pathologie est précisément la maladie du mouvement », rappelle Danièle Tritant, déléguée départementale de France Parkinson. « Quand elle est déclarée, 80 % des neurones sont détruits et ces patients sont amenés à faire de la rééducation, deux à trois fois par semaine jusqu'à la fin de leur vie », précise-t-elle.

Il y a quelques années à peine, il aurait paru inconcevable de faire danser ces patients. « Ils sont souvent démotivés, voire dépressifs, et la maladie provoque chez eux une rigidité, de la lenteur et des tremblements », ajoute Danièle Tritant. Alors que leur rééducation était jusque-là axée sur les bénéfices de la kinésithérapie et de l'orthophonie, la tango-thérapie s’inscrit désormais dans un parcours de soins qui innove.

Agir sur le mouvement et les déplacements

La méthode a été mise en oeuvre à Montpellier, depuis 2016, par France Parkinson, en partenariat avec l'association MA Vie qui propose des activités physiques adaptées pour les seniors et personnes atteintes de maladies chroniques, la clinique mutualiste Beausoleil et le chorégraphe en danse contemporaine, Leonardo Montecchia. Les vertus thérapeutiques du tango sur la maladie de Parkinson sont étudiées depuis plusieurs années par un neurologue de Marseille qui a, au préalable, expliqué la démarche à l'équipe. Elle s'appuie sur un tango adapté, conçu comme une thérapie non médicamenteuse, que les patients pratiquent à raison de douze séances par trimestre.

« Le tango est une posture du corps, depuis les pieds jusqu'au sommet de la tête, c'est une danse construite de l'intérieur qui passe par le squelette », résume le chorégraphe. « Nous travaillons beaucoup sur la position du bassin, la construction du dos, sur le déplacement du poids d'un pied à l'autre, le tango proposant une façon de marcher très carrée... », ajoute-t-il. L'enseignant argentin a beaucoup travaillé avec Euromov, une école doctorale en sciences du mouvement humain qui fait des recherches sur la maladie de Parkinson, notamment à l'université de Montpellier.

Dans le cours de tango-thérapie, tout un travail est ainsi fait sur la verticalité et ces patients, qui ont tendance à se recourber, apprennent à s'étirer et à se redresser. Ils travaillent aussi sur les déplacements - changer de pas, de direction...

Des bénéfices thérapeutiques

Du tango sur ordonnance pour les parkinsoniens

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Au fil des séances, le chorégraphe a observé de vraies évolutions, les patients retrouvant de l'équilibre dans la marche et aussi dans l'élocution. Et les premières améliorations sont déjà sensibles dès la troisième ou quatrième séance. « Selon les constats scientifiques déjà éprouvés, le tango (avec le tai chi) se révèle être l'activité qui a le retentissement le plus intéressant sur l'équilibre et la posture », confirme le docteur Emilie Guettard, spécialiste en médecine physique et de réadaptation à la clinique mutualiste Beausoleil (Languedoc Mutualité). Sa spécialité promeut toutes les activités ou thérapies non médicamenteuses.

« Après trois mois de pratique ces bénéfices sont évidents », indique la praticienne qui évalue chaque patient avant et après, dans un partenariat où est également impliqué un médecin du pôle gérontologie et neurologie du CHU de Montpellier.

Selon les constats faits au sein de ces groupes de tango-thérapie et au delà des premiers bénéfices observables sur le corps, la pratique de cette danse argentine s'avère aussi intéressante sur la qualité de vie et sur l'estime de soi. Et, d'un avis commun, sur l'envie de pratiquer à nouveau une activité physique et de partager avec son aidant et avec d'autres gens, le plaisir de la danse et de la musique.

Georges qui aimait beaucoup danser autrefois, le rock notamment, fait un petit retour aux sources. « Je retrouve ce que me dit mon kiné : tenez vous droit, imaginez la petite corde qui vous tire vers le haut... c'est mieux de le dire en musique. » La socialisation et les temps de convivialité, pour des personnes que la maladie isole, sont capitaux. Avec le tango, contrairement aux danses de salon, on ne change pas de cavalier ou de cavalière, on tourne, on fait des pas avec son aidant mais aussi avec d'autres personnes.

Danièle Tritant évoque, avec une certaine fierté, cette senior qui venait danser dans ce groupe, avec son aidant. « Elle ne marchait pas sans lui et elle arrivait à danser. Elle participait en tout cas, elle se reposait parfois mais elle y arrivait. »  Des patientes redeviennent même coquettes. Elles font un effort de toilette en retrouvant le plaisir de pratiquer une activité en couple, comme tous les couples qui vont à des ateliers ou des clubs de danse. « Le tango m'a apporté deux équilibres, le maintien du corps et un équilibre mental, confie Colette, 68 ans. En marchant dans les bras de mon partenaire, j'oublie ma solitude et après le cours je me sens moralement plus tonique. »

Un plus pour les aidants

Des aidants justement, il est aussi question. «  On en parle de plus en plus, eux aussi sont en souffrance, ils n'ont pas de répit », note Emilie Guettard. Mari, ou femme, ils sont souvent fatigués et isolés. Le projet mis en oeuvre a aussi été pensé pour eux.

« Cette action qui s’adresse aux deux publics est très pertinente en matière de prévention parce que cela permet aux aidants de prendre aussi du temps pour eux », explique Raphaëlle Cadenas, responsable de l'activité prévention à la Mutualité française, dans l'Hérault.

« Là, il n'y a plus un malade et un aidant mais deux personnes qui dansent. Il y a une réelle appétence et manifestement beaucoup de plaisir », assure-t-elle. Dans le tango, l'un est celui qui guide, l'autre celui qui est guidé. « Mais nous jouons beaucoup sur le changement de rôle », précise Leonardo Montecchia. Cela modifie le relationnel entre aidant et patient, les deux s'accompagnant ici, en bouleversant parfois leurs habitudes.

Myriem Lahidely

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Cet article est paru dans le n°31 d'ActuSoins Magazine.

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Réactions

1 réponse pour “Du tango sur ordonnance pour les parkinsoniens”

  1. christine fillancq dit :

    bonjour je suis fan du tango argentin et des bienfait qu il procure a des pratiquands tres heureuse de lire cet article merci
    christine fillancq 82 ans

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