En PMI (Protection Maternelle Infantile), accompagner toute la famille

Les centres de protection maternelle et infantile (PMI) constituent des lieux d’accès à la santé et à l’information, essentiels aux usagères. En leur sein, les infirmières puéricultrices jouent un rôle déterminant, s’intéressant autant à la santé des nourrissons qu’aux familles dans toutes leurs composantes. Article paru dans le numéro 28 d'ActuSoins Magazine (mars 2018).

Nathalie Carnier, infirmière puéricultrice et directrice de la PMI des Papillons, à Montreuil

© Delphine Bauer. La pesée du nourrisson vient d'être effectuée. Nathalie Carnier, infirmière puéricultrice et directrice de la PMI des Papillons, à Montreuil, écoute les questions de la main et lui donne quelques conseils.

C’est une petite salle toute simple, aux murs pâles, avec quelques affiches et surtout, la balance pour nourrissons. « C’est la salle clé de la PMI », déclare Peggy Alonso, infirmière puéricultrice passée directrice de la PMI du Gros Saule, à Aulnay-sous-Bois, deuxième ville la plus grande de Seine Saint-Denis. Au moment où nous la rencontrons, cette quarantenaire aux longs cheveux bouclés, vient tout juste de devenir conseillère technique de PMI et assure ainsi le lien entre terrain et politique du département. Elle reprend, en désignant la salle de pesée : « c’est là que l’on fait toutes les premières pesées et que l’on accueille les nouveau-nés. Finalement, la pesée et la mesure sont presque anecdotiques, ce n’est pas cela qui est compliqué. C’est tout ce qu’il y a autour : le bébé qui n’a pas pris de poids, le bébé qui est ramollo ou son état cutané qui est sec. Peut-être faut-il alors chercher ailleurs?».

Ainsi, l’infirmière puéricultrice souligne un rôle crucial, situé au croisement des actes techniques et de l’observation. Quand les infirmières puéricultrices reçoivent les mères, elles doivent faire attention à la « façon dont la mère regarde son bébé, s’il se passe des choses, comment elle en parle et ce que cela peut renvoyer. Les bébés sont des éponges émotionnelles », rappelle Peggy Alfonso.

Une attention particulière pour les mères

Parfois, souligne-t-elle, « on croit que la fusion avec l’enfant va être immédiate et c’est de là que part ce grand bouleversement : on se retrouve avec un bébé qu’on ne maîtrise pas, qu’on ne connaît pas. Le bébé n’est pas forcément le même que le bébé idéal imaginé ». Aussi, faut-il inviter les mères à s’exprimer, par des questions ouvertes de préférence, pour ne pas les laisser dans le silence. Les mères nécessitent une attention particulière : parfois, elles ne s’autorisent pas à parler d’elles et focalisent sur leur enfant, en s’oubliant complètement.« Pourtant, elles ont le droit de pas aller bien, d’être fatiguées », estime Peggy Alonso.

C’est un constat qui est partagé par Nathalie Carnier, directrice de la PMI des Papillons, à Montreuil. En cette froide matinée de février, une maman arrive pour la pesée de sa fille emmitouflée et âgée d’un mois. Nathalie Carnier, infirmière puéricultrice de formation, s’occupe de l’accueil. « Comment allez-vous ? »,demande-t-elle, avec son ton jovial et bienveillant. La maman, épuisée par l’arrivée de sa seconde fille, doit assurer les allaitements, supporter les nuits sans sommeil de l’aînée, complètement bouleversée, et faire face à une situation économique précaire : elle s’est fait licencier alors qu’elle était enceinte. Alors ce matin, elle craque.

Nathalie Carnier recueille cette parole et ses larmes, apporte du réconfort et l’exhorte à « passer le relais ». Après quelques conseils concernant les yeux de son bébé, qui coulent depuis sa naissance, et une pesée rassurante, la maman repart, un peu soulagée. Elle a au moins pu échanger et partager ses angoisses.

Respecter les différentes cultures

Les infirmières puéricultrices sont habilitées à réaliser des tests d'audition et de vue pour les enfants qui consultent

© Delphine Bauer. Les infirmières puéricultrices sont habilitées à réaliser des tests d'audition et de vue pour les enfants qui consultent. Elles disposent du matériel nécessaire.

La PMI d’Aulnay, nichée entre les barres d’immeubles, dans une zone située zone sécuritaire, a une histoire qui remonte à l’âge d’or de l’industrie automobile, avec la présence historique des usines de Renaut PSA. « Cette zone était située proche des usines qui faisaient abondamment appel à de la main d’œuvre étrangère. C’était pratique pour les vaccinations, les familles », rappelle Peggy Alonso.

Dans un cadre où les populations viennent de dizaines de pays différents, « ce sont les échanges passés avec les familles qui permettent d’apprendre des codes culturels différents. On ne peut pas travailler en PMI si l’on n’a pas ces différentes représentations culturelles en tête », explique-t-elle. « Nous utilisons traditionnellement des pipettes pour aspirer le nez des bébés, mais les mamans africaines que nous recevons aspirent directement, et cela fonctionne très bien ! Hors de question d’imposer quoi que ce soit », affirme-t-elle. L’essentiel est de se concentrer sur l’enfant et son bien-être. « Si l’enfant est épanoui, se développe bien, est en bonne santé, on se trompe rarement », ajoute Peggy Alfonso.

Parfois les infirmières puéricultrices suivent tous les enfants d’une même famille. La PMI peut assurer des visites à domicile (VAD), organisées dans le cas d’un accompagnement de fin de grossesse ou juste après la naissance d’un enfant, si la mère a besoin d’un accompagnement renforcé (accouchement difficile, problèmes psychologiques…).

Mission spéciale : la protection de la jeunesse

© Delphine Bauer. Nathalie Carnier a aussi un rôle d'encadrement. Ici, elle supervise une étudiante en stage, dans la salle de pesée.

Comme l’intitulé de leur poste l’indique, l’une des missions des infirmières puéricultrices est d’assurer la protection des enfants, de recueillir et de traiter les informations préoccupantes et, en cas de danger grave, de lancer ou d’assurer le suivi des signalements. « Quand une information préoccupante nous a été transmise, nous mettons en place des rencontres avec les familles, pour voir quelle stratégie adopter », explique Nathalie Carnier.

Afin d’évaluer au mieux la situation, l’essentiel est de faire appel à des professionnels extérieurs, par exemple « les médecins, les sages-femmes, les auxiliaires, l’Aide sociale à l’enfance (ASE), les services sociaux, l’assistante sociale scolaire…», détaille Peggy Alonso.

Cette mission d’évaluation est très délicate. « Une fois j’ai fait un suivi sur une famille, dont les enfants étaient très sales. En réalité, les parents n’avaient pas de logement adapté, les lessives étaient mensuelles mais la mère était très à cheval sur les études… en attendant d’obtenir un autre logement, se rappelle Peggy Alonso. Inversement, dans une très belle maison étincelante, il y avait de la violence dont la mère n’avait pas su protéger son enfant ».

Il faut toujours obtenir deux regards au moins avant de statuer sur une situation, affirme-t-elle. Une fois l’évaluation rendue, plusieurs solutions se présentent : le classement de l’information préoccupante, une orientation vers un dispositif de proximité pour un suivi social et éducatif, une prestation d’aide sociale à l’enfance avec l’intervention de travailleurs sociaux à domicile, une saisine de l’autorité judiciaire…

Mais les mineurs ne sont pas les seuls sur lesquels les professionnelles de la PMI veillent. « Quand ça chauffe à la maison, nous nous posons comme lieu de ressources »,explique Peggy Alonso. Car en plus des missions purement techniques, « la PMI est là pour traiter du conflit conjugal, des violences domestiques. Et sur ce dernier point, le 93 est à la pointe des innovations ».

Les enjeux de la contraception

 Nathalie Carnier insiste également sur la mission en faveur de la jeunesse, évoquant les partenariats mis en place en faveur du collège voisin. « Nous accueillons des classes entières, d’abord filles et garçons séparés, puis ensemble », explique-t-elle. Ces moments essentiels permettent d’aborder la question de la contraception, des cycles, de l’appareil génital féminin, des infections sexuellement transmissibles, de l’utilisation des préservatifs, etc. Ensuite, le moment commun permet de répondre à une boîte à questions. « C’est quoi la libido ? », « Peut-on être amoureux de deux personnes en même temps »ou encore des questions sur les différentes sexualités, autant de problématiques qui préoccupent et interrogent les adolescents.

« Madame Veil s’est battue avant nous, mais il y a encore du travail ! »,lâche-t-elle, en mentionnant les stéréotypes forts qui entourent les relations filles-garçons. « Cependant, ici, chacun vient avec son histoire et sa culture »et Nathalie Carnier n’est pas là, elle le répète, pour donner des leçons, mais plutôt pour ouvrir le dialogue, désamorcer des clichés ou des tabous. Ainsi, elle « explique ce qu’est un hymen, ce que signifie être vierge, la définition d’un rapport sexuel… »Nathalie Carnier sait qu’elle a « remporté »la partie quand elle revoit certains de ces jeunes par la suite.

Et les adolescentes ne sont pas à l’abri de grossesses non désirées qui peuvent entraîner une IVG. « D’abord, elles font le test de grossesse. Nous essayons d’en savoir plus sur le rapport en question, s’il a été consenti ou non, et prenons un rendez-vous avec la gynécologue afin de mettre en place une consultation d’information. Si le test s’avère positif et que la jeune fille veut poursuivre sa grossesse, alors nous l’aidons à mettre en place le suivi nécessaire », explique-t-elle. Si elle souhaite réaliser une IVG, elle sera soit médicamenteuse, soit par aspiration si elle est majeure et, si elle est mineure, elle sera orientée vers l’hôpital. 

Mais les jeunes ne sont pas les seules « cibles » des PMI : les mères qui désirent changer de méthode contraceptive, les pères, de plus en plus investis dans la petite enfance de leur progéniture,... Tous peuvent bénéficier des services des PMI, à un moment ou à un autre. Un rôle de service public essentiel que Peggy Alonso définit très joliment : « il n’y a pas de petite pesée comme il n’y a pas de petit test de grossesse. En PMI, ce qui paraît anodin n’est pas anodin ».

Delphine Bauer

Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article est paru dans le numéro 28 d'ActuSoins Magazine (mars 2018)

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