Les députés votent la suppression de l’Ordre infirmier

Facebook

Les députés ont supprimé dans la nuit du 9 au 10 avril l’ordre infirmier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de santé. Un amendement avait été déposé par une dizaine de députés socialistes avec en chef de file Annie Le Houérou (apparentée socialiste, Côtes-d’Armor). Le texte doit encore passer au Sénat, puis être voté dans les mêmes termes par les deux chambres, faute de quoi le dernier mot revient à l’Assemblée.

Les députés ont adopté au début du titre III (Innover pour garantir la pérennité du système de santé), contre l’avis du gouvernement, un amendement de la députée  supprimant le chapitre du code de la santé publique relatif à l’ordre infirmier, créé par la loi du 21 décembre 2006.

32 députés sur 577 ont pris part au vote

Ils étaient peu nombreux dans l’hémicycle au moment du vote ! La suppression de l’ordre infirmier a en effet été votée par 19 voix pour (groupe socialiste, écologistes, Front de gauche) et 10 contre (UMP, UDI, radicaux de gauche). Trois députés socialistes se sont abstenus. Soit 29 députés sur les 577 que compte la Chambre !

Plusieurs députés de droite ont exprimé leur soutien à l’ordre infirmier, dont Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), considérant qu’il fallait un cadre pour la profession et que la suppression comportait un risque de faire s’écrouler « le château de cartes » des ordres professionnels.

A l’inverse, Michèle Delaunay (PS, Gironde), Jacqueline Fraysse (Front de gauche, Hauts-de-Seine) et Jean-Louis Roumegas (écologiste, Hérault) se sont félicités de l’initiative d’Annie Le Houérou.

La majorité de droite au Sénat devrait en toute logique voter contre l’amendement, mais dans le cadre de la procédure accélérée demandée par Marisol Touraine, Les deux Chambres n’ont ainsi droit qu’à une seule lecture et le dernier mot reviendra à une commission mixte paritaire ou, en cas d’échec d’un vote conjoint,  à l’Assemblée.

Les dés ne sont donc pas jetés, ni dans un sens, ni dans l’autre…

L’amendement pour la suppression de l’Ordre national des infirmiers

L’amendement  517 « supprime l’ordre infirmier et corrélativement supprime l’inscription automatique des infirmiers au tableau de l’ordre. Seule l’obligation d’enregistrement auprès de l’autorité compétente est maintenue pour tous », explique Annie Le Houérou dans l’exposé des motifs.

Elle précise qu’en l’absence d’ordre, les infirmiers doivent être contraints de s’inscrire sur le fichier Adeli, et souligne que les agences régionales de santé (ARS) « pourront dès lors poursuivre leur travail annuel de recensement des professions de santé ».

Elle avance de nombreux arguments, comme l’opposition constante d’une grande partie de la profession à cet ordre, le faible taux de participation aux élections, la mise en cause de la gestion de l’ordre et les tensions induites par sa mise en place.

« Certaines des missions dévolues à l’ordre n’apparaissent pas opportunes. Tel est le cas, à l’occasion de l’inscription au tableau, de la vérification par l’ordre des garanties ‘de compétence, de moralité et d’indépendance’ requises pour l’exercice de la profession après que les contrôles d’identité et de casiers judiciaires aient été effectués à l’inscription à la formation », écrit-elle notamment dans l’exposé des motifs de l’amendement.

A la suite de l’adoption de son amendement, Annie Le Houérou a retiré un autre amendement visant à rendre facultatif l’Ordre infirmier (une solution de repli ?) et deux amendements visant à rendre facultatifs l’adhésion aux ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues.

Seul l’Ordre infirmier est donc concerné. Du côté de Résilience, le syndicat qui milite ardemment pour la suppression de l’Ordre, on reste « prudent » avant de « fêter la victoire », une fois le texte paru au J.O. Resilience s’attendait plutôt au vote des amendements rendant facultatifs les trois Ordres paramédicaux.

Marisol Touraine contre une suppression

La ministre de la Santé qui n’a jamais caché son peu de soutien pour l’Ordre infirmier -en mai 2014, elle avait estimé que l’avenir de l’ordre était « clairement menacé » – semble cette fois plus modérée et s’est opposée à la suppression devant l’Assemblée.

« L’ordre a connu des débuts difficiles, et cela grâce à vous, mesdames et messieurs de l’opposition. Il y a eu un problème de gouvernance », a estimé Marisol Touraine, rappelant qu’il aurait sans doute été préférable de laisser monter en puissance le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) en lui confiant des missions déontologiques.

« La gouvernance initiale a été unanimement considérée comme préoccupante et problématique, et aujourd’hui c’est vrai qu’une nouvelle équipe se met en place, travaille mieux et un travail d’apaisement a été réalisé. Cela ne veut pas dire que l’ordre soit pour autant accepté par les infirmiers, le taux de participation aux élections le montre, il y a une contestation notamment presque exclusivement auprès des infirmières salariées », a observé la ministre.

« Pour autant, peut-on se passer d’un cadre de régulation déontologique et institutionnel? Je ne le crois pas. Nous avons besoin de structures qui permettent de réguler, d’accompagner la profession », a-t-elle souligné. « Nous en avons d’autant plus besoin que nous mettons en place le virage ambulatoire », a-t-elle ajouté, appelant les ordres paramédicaux à des évolutions.

Le contexte actuel

Ce vote de suppression intervient quelques jours après que le Conseil d’Etat a enjoint au gouvernement de publier d’ici au 31 décembre le décret édictant le code de déontologie des infirmiers, sous peine de devoir verser sous peine d’astreinte de 500 euros par jour de retard. Une épine dans le pied de la ministre.

Si la suppression de l’Ordre infirmier est votée, le code part « à la poubelle », se félicite (un peu vite ?) Resilience qui souligne que « la profession n’est pas pour autant laissée à l’abandon ». Les litiges pourraient être repris par les tribunaux sociaux, l’HCPP pourrait reprendre les missions déontologiques.

Par ailleurs un nouveau Collège infirmier français (CIF) vient d’être créé. Pourrait-il alors se charger des missions de défense de la profession, des questions relatives au DPC ?

Ce collège regroupe 17 structures nationales, comme le Syndicat National des infirmiers anesthésistes (SNIA), l’Association Nationale des Puéricultrices diplômées et des étudiants (ANPDE) mais aussi des syndicats comme le SNPI, le SNIIL et même l’Ordre infirmier…

Quid en revanche du contrôle de la moralité et des compétences des infirmiers, effectuée par l’Ordre lors de l’inscription au tableau ?

L’Ordre annonce actuellement 168 110 inscrits au tableau mais envoie régulièrement des lettres comminatoires aux établissements de santé pour gratter de nouveaux inscrits… Il est certain que cette inscription est loin d’être plébiscitée par les infirmiers, notamment la grande majorité des salariés.

L’article 30 bis retoqué

Ironie du sort, l’amendement visant à supprimer l’Ordre infirmier passe alors que l‘article 30 bis, prévoyant de déléguer des actes infirmiers à des non-soignants, contre lequel l’Ordre à fait un intense lobbying auprès des parlementaires, n’a pas été voté.

L’Ordre a donc fait supprimer l’article 30 bis mais assiste au vote d’un amendement qui pourrait entraîner sa propre suppression.

D’autres questions se poseront à terme si le texte définitif maintient la suppression de l’Ordre infirmier, notamment le sort de la cinquantaine de salariés…

A suivre !

Cyrienne Clerc

A lire : témoignages et réactions

Verbatim des débats à l’Assemblée : un sujet qui partage la majorité socialiste

Annie Le Houerou (PS) : Les missions dévolues à l’ordre peuvent être confiées à d’autres organismes comme l’Agence régionale de santé, la Haute autorité de santé ou le Haut conseil des professions paramédicales, composé de représentants de la profession, sur des questions touchant notamment aux pratiques professionnelles, aux compétences indispensables à l’exercice de la profession, aux bonnes pratiques des soins infirmiers, ou encore à la promotion de la profession. Concernant le recensement, le suivi démographique et la régulation de la profession, l’inscription obligatoire n’est pas un gage de fiabilité des statistiques, puisque seuls 30 % des infirmiers sont inscrits à l’ordre. Chaque année, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – élabore un rapport statistique sur la démographie et la situation des professionnels de santé à partir du fichier ADELI et du répertoire partagé des professionnels de santé. J’ai cité trois fichiers : il serait opportun de n’en avoir qu’un seul, qui soit fiable.

Jean-Louis Touraine, rapporteur (PS). Il est vrai que l’ordre a connu, notamment dans les premières années de son existence, de nombreux dysfonctionnements. Par ailleurs, il est clair que le besoin d’adhérer à l’ordre est moins ressenti chez les infirmiers salariés, qui représentent 80 % de la profession. Pour régler ces problèmes, diverses solutions ont été proposées, mais celles qui consisteraient à cliver la profession ne semblent pas opportunes.

Marisol Touraine : Des efforts sont à réaliser du côté des ordres – je tiens à le dire clairement. Le Gouvernement souhaite que les ordres soient très attentifs au montant des cotisations qui sont demandées, et qui ont parfois tendance à augmenter de manière trop importante. Le Gouvernement souhaiterait également que l’on se dirige vers une mutualisation des efforts et du travail effectué au sein des ordres paramédicaux. Des évolutions sont nécessaires, on le voit, mais peut-on se passer d’un cadre institutionnel, avant que ces évolutions aient été réalisées ? Le Gouvernement ne le pense pas, et c’est la raison pour laquelle, tout en entendant vos préoccupations, il donne un avis défavorable à votre amendement.

Jean-Pierre Door (UMP) : Il faut effectivement que cette profession, comme toutes les professions où l’on est au contact des malades, possède un cadre institutionnel et déontologique. Il faut qu’il y ait une barrière, qui permette de protéger à la fois le patient et le professionnel de santé.

Jacqueline Fraysse (« Ensemble », Front de Gauche) : Déjà présente dans cette assemblée lorsque l’ordre des infirmiers a été mis en place par la droite, je m’y étais opposé à l’époque, car je pensais que c’était une mauvaise idée. Vous l’avez dit : c’est une idée qui divise. Elle divisait à l’époque et elle divise encore aujourd’hui. Or, la source de cette division est bien l’existence même de l’ordre. Je considère donc que l’amendement présenté par notre collègue est légitime.

Philippe Vigier (UDI) :  ce qui me semble essentiel, c’est que l’ordre intervient dans la relation entre le patient et le professionnel de santé. Il est là pour cela. Je ne voudrais pas laisser aux tribunaux civils la responsabilité de juger d’une situation ressentie par le premier comme un dysfonctionnement de la part du second, sans même qu’une instance ordinale intermédiaire ait eu possibilité de vérifier si les bonnes pratiques médicales ont bien été suivies. C’est d’autant plus vrai que le rôle joué par les infirmiers – éléments déjà très important du maillage de notre territoire – va aller grandissant avec le développement de l’hospitalisation à domicile.

Michèle Delaunay (PS) : Pour recevoir bien souvent des membres du personnel soignant ou des équipes médicales, je peux affirmer que, malgré les efforts réalisés par ses responsables, cet ordre a auprès des professionnels une image tout à fait négative. Il ne valorise pas la magnifique profession des infirmiers, il ne parvient pas à régler les problèmes internes ni même ceux relatifs aux patients et à la déontologie.


Loi Santé – Amendement 517 – A. Le Houérou par annielehouerou

Voir les commentaires (208)

  • Arretons les balivernes. Cet ordre est un cancer. Il a été créé par une poignée de lobbyistes de droite pour le moins efficaces. Je conseille à tous les IDE (pas les cadres, on va se passer de vous une fois de plus) à se mobiliser en faisant du lobbying par mail auprès de leurs sénateurs respectifs. On peut gagner, on va gagner.

  • inscription à l'ordre national des infirmiers "obligatoire" pour s'installer en libérale... pas de justificatif de cotisation pas d'installation possible...et nos cotisations ? et pourquoi pas supprimer la carpinko et toutes ses cotisations "obligatoires"...mince il était sympa leur caducée....

  • Il nous faut un ONI qui défend la profession dans les deux sens. Il faut qu'il soit bien géré, efficace, éthique et entendu. L'union fait la force et il ne faut pas rentrer dans le jeu du "Diviser pour mieux régner" qui permet à notre gouvernement d'être liberticide. Nous sommes tous IDE avant d'être de la FPH, du privé, en libéral, en scolaire, militaires etc...

    • Les chiffres (diffusés par cet ordre honni) ne mentent pas eux : ordre infirmier minoritaire dans la profession ! 20% d'inscrites et 80% d'insoumises.

  • L'ordre qui sert a rien... euh pardon... qui servait a rien! Qd on voit qu'un ancien terroriste islamiste est diplomé malgré ses antécédents judiciaires... a aucun moment il a été inquiete par qui que ce soit! Inadmissible....