Edito – Malaise des infirmières : Pourquoi Marisol Touraine se trompe

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Attendue avec impatience par un grand nombre de professionnel, l'interview de Marisol Touraine sur France 5 le 27 novembre dernier a laissé de nombreux IDE sur leur faim. En présentant la délégation de compétences comme solution au malaise infirmier, Marisol Touraine fait fausse route.

Edito - Malaise des infirmières : Pourquoi Marisol Touraine se trompeQu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, une mutation profonde  de la profession infirmière est en marche et ne s'arrêtera pas. La création de masters avec extension d'actes et droit de prescription limité associé au domaine de compétence des IDE formés n'est qu'une question d'années.

Des dizaines de projets de coopération entre paramédicaux et médecins sont déposés auprès des agences régionales de santé, et voient progressivement leur périmètre géographique s'élargir au gré de leurs validations.

Actuellement, les diplômes universitaires n’apportent trop souvent aucune revalorisation aux IDE formés, et la mise en œuvre de leurs nouvelles compétences reste soumise au bon vouloir de leur encadrement et du corps médical. En ce sens, toute validation universitaire nationale de compétences supplémentaires est une amélioration, susceptible d'amener une perspective de carrière intéressante pour celles et ceux qui ressentent l'envie de compléter leur cursus sans pour autant renoncer aux soins.

Ne soyons toutefois pas dupes : ce train de réformes n'est en marche que parce que les revendications de certains professionnels infirmiers rejoignent momentanément les intérêts financiers et gestionnaires. Une infirmière, même spécialisée, coûtera toujours moins cher qu'un médecin. Poussons le cynisme un peu plus loin et osons ajouter qu'une IDE sera souvent considérée comme moins encline à discuter, refuser, négocier, et que son pouvoir de lobbying ou de représentation est actuellement quasi nul.

Une vision de la profession infirmière loin de la réalité

Présenter ce développement de compétences comme la solution au malaise infirmier démontre de toutes façons une méconnaissance profonde des réalités de terrain. Tout simplement parce qu'une majorité d'infirmiers et d'infirmières ne demandent qu'une chose : Exercer leur métier actuel, mais dans des conditions correctes.

Percevoir un salaire à peu près compatible avec une vie de famille, passer quelques minutes avec un patient anxieux en dehors d'un soin, déjeuner en plus de cinq minutes, avoir le temps d'échanger avec ses collègues ailleurs que dans le vestiaire... Ces revendications sont de loin les plus présentes dans les commentaires publiés sur ActuSoins.

Pour Marisol Touraine, "il n'y a pas de fatalité à faire 40 ans le même métier". Cette vision de l'aide-soignante ou de l'infirmière ne trouvant son épanouissement que dans l'abandon de son métier actuel est symptomatique d'une vision étriquée de la profession infirmière, où le seul échappatoire à une profession difficile résiderait dans l'hyperspécialisation.

Ce terme particulièrement mal choisi de "fatalité" pose en outre le postulat, particulièrement gênant, que les AS et IDE n'auraient choisi leur métier que par défaut, attendant désespérément la moindre formation complémentaire pour échapper à leur condition peu enviable.

Lorsqu'une infirmière est seule pour 30 patients, voit ses repos annulés pour remplacer au pied levé des collègues épuisés, termine chaque jour avec la désagréable sensation d'inachevé ou de travail mal fait, il est illusoire voir insultant de lui proposer, pour tout échappatoire, de réaliser des échographies cardiaques ou un myélogramme sans aucune contrepartie, après une formation "sur le tas" qui ne sera reconnue nulle part ailleurs que dans son établissement.

La même infirmière bénéficiant de conditions de travail plus dignes verra sans doute sous un meilleur jour l'opportunité de d’accroître son expertise par une formation universitaire de bonne qualité, reconnue nationalement, associée à un élargissement de ses actes et à une revalorisation salariale en rapport avec ses nouvelles responsabilités.

Pratiques avancées et conditions de travail : Ces deux combats sont loin d'être opposés et doivent être menés de front. Mais par qui ? Se pose de nouveau l'éternel problème de la représentation infirmière et de sa capacité de lobbying, qui reste désespérément à l'état embryonnaire.

Thomas Duvernoy

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Réactions

44 réponses pour “Edito – Malaise des infirmières : Pourquoi Marisol Touraine se trompe”

  1. Marc dit :

    il faut un reveil de la coordination infirmière!! mobilisons nous!!!!

  2. gefou dit :

    en soit non… car éparpillées les infirmières ne sont rien…
    le nombre ne fait pas tout, si chacun(e) suit sa trajectoire sans cohésion, on n’est ni un groupe encore moins une force.
    500000 pour l’instant c’est juste un nombre.
    Il y a des milliers de lobby plus puissant qui ne représente meme pas un centième de notre nombre.
    500000 c’est beau pour défiler mais le travail de fond de l’amelioration des conditions se fait sur un travail quotidien par des représentants (sous quelque forme que ce soit).

    Mais c’est l’avis d’un homme…

  3. Sansebastien dit :

    Et représenter 500 000 infirmières, tu crois que ça ne pèse rien???

  4. la fee calome dit :

    L’Ordre des Infirmières est inutile et coûteux, il ne peut rien faire dans les négociations pour la profession. Il n’a qu’un pouvoir de représentation et en aucun cas de décision.

    • gefou dit :

      la représentativité est la base du lobbying

      pour l’instant on a rien (ni ordre, ni syndicat, ni élu ou porte parole avec impact médiatique)

      A chaque événement nous concernant, on a un avis d’une personne isolée qui n’a aucun poids

      Sans représentativité, toutes nos plaintes ont autant de valeurs qu’une discussion de pilier de bar

      Pour l’instant la personne qui nous représente et qui a un pouvoir de décision c’est notre charmante ministre….

  5. gefou dit :

    On manque clairement de représentativité
    on a pas de porte parole de notre profession
    on ne pèse rien dans les négociations

    Il faut dire que l’ordre n’a pas fait son travail

    Avec une profession clairement représenté on pourrait avoir un poids (tel que les médecins, la scnf ou les routiers)
    mais on pourrait surtout être à l’origine des changements et non les subir au gré du vents des décisionnaires

    Tant que nous seront pas rassemblé sur une meme bannière, on sera les rustines du systeme de santé

    • eusebe dit :

      L’ordre n’était pas là pour revendiquer mais pour acquiescer à la parole gouvernementale du précédent quinquennat : il n’y avait rien à attendre d’une telle structure pour l’amélioration de notre quotidien et sa disparition sera salutaire.

      • gefou dit :

        je pense que l’on a laissé l’ordre devenir ce qu’il est…
        alors que l’on aurait pu se l’approprier …
        ce qui aurait pu être une bien meilleure utilisation de nos deniers

        –> la meilleure facon de détourner un avion, est d’etre a l’intérieur

      • Sansebastien dit :

        L’imparfait pour parler de l’Ordre n’est pas approprié, sauf dans tes rêves les plus fous!!!
        Tu es de plus en plus drôle!

      • eusebe dit :

        Ton ordre est dans un tel état de décrépitude que sa fin sera une délivrance pour tous. Il va bientôt avoir 6 ans : un bel âge pour mourir.

  6. Lesinfirmières Encolère en ont marre de leur galère !

    pendant que quelques dizaines d’infirmières iront demain 04 décembre 2012 à Paris et à l’invitation sélective de 3 syndicats participer aux états généraux proclamés honteusement de « la profession infirmière », les professionnelles et étudiantes infirmières que nous sommes continuent de trimer – au quotidien – sur le terrain du soin, au chevet des patients …

    la ministre de la santé devrait participer à cette mascarade infirmière pour une fois de plus ne pas répondre aux vraies questions que nous posons et qui sont par exemple :

    – à quand le retour de la prise en compte de la pénibilité infirmière dans le calcul des années de retraite ?

    – à quand des crêches abordables financièrement et ouvertes aux horaires « infirmiers » pour celles qui n’ont pas de mamie ni de nounou pour garder leurs enfants ?

    – à quand une augmentation réelle de notre pouvoir d’achat quand les médecins éternuent et obtiennent des subventions ?

    Oui à une révolution des blouses blanches et halte au massacre organisé de notre profession infirmière avec la complicité des pseudos syndicalistes qui n’ont pas vu un patient depuis des années et qui ne savent plus de quoi ils causent !

  7. Sansebastien dit :

    Bravo pour votre belle analyse Monsieur!

    « Pour Marisol Touraine, « il n’y a pas de fatalité à faire 40 ans le même métier ». Cette vision de l’aide-soignante ou de l’infirmière ne trouvant son épanouissement que dans l’abandon de son métier actuel est symptomatique d’une vision étriquée de la profession infirmière, où le seul échappatoire à une profession difficile résiderait dans l’hyperspécialisation. »
    Notre Ministre devoile toute son ambition pour notre profession après 7 mois de présence…
    Par contre pour passer la brosse à reluire aux pharmaciens en insistant sur « les nouvelles missions de santé publique » qui incombent aux pharmaciens dans l’accompagnement des patients, la prévention et l’éducation thérapeutique, elle ne tarie pas d’éloge!
    Notamment « pour les patients traités par anti coagulants », il est vrai que nous, petites mains, nous ne savons pas de quoi il s’agit.
    Et pour les infirmières  » le mépris, marisol a tout compris! ».

  8. Gerard dit :

    On veut pas plus de travail (surtout pas medical en +!), on veut juste + d’argent, de temps de repos, et de moyens en temps et en materiel afin de prendre en charge correctement les patients…!

  9. Isa dit :

    Mais lorsqu’on en arrive à la situation de demander aux étudiants de pallier au manque d’effectifs, on ne peut qu’être bien amer…
    Et pourtant, nous aussi on l’aime ce métier!!!! Alors on demande des mesures pour pouvoir l’exercer correctement… et qu’on puisse mettre en application ce qu’on a apprit au cours de nos DU ou formations.

  10. Sébastien dit :

    Il y a bien longtemps que les médecins se sont déchargés d’actes simples mais non légales dans le privé, dont le secrétariat. Une réforme viendra légaliser tout cela et donc permettra d’appliquer cette économie au public.Sauf que dans le public l’institution jettera un os en guise de compensation aux IDE, alors que dans le privé ou la licence n’est pas encore reconnue, les médecins le garderont pour eux comme toujours.

  11. Laura dit :

    Vous savez avec la nouvelle réforme y a pas que des gens qui font cette formation juste pour avoir un taf ! Y EN A AUSSI QUI AIME CE METIER. Je dis ça pour certains commentaires ! Ne nous mettez pas ts ds la mm panier , vous savez notre évolution dans la formation ne tiens qu’au savoir que vous nous apportez ! alors méditez

  12. Frank dit :

    Tjrs plus pr rien au final… Elle a tout compris, on veut récup la merde des médecins… Vs êtes trop bon mon seigneur !

  13. quichou13 dit :

    et profitez pour répondre à une grande enquête sur les revendications de soignants: ide, as, etudiants, tous unis: remplissez le questionnaire en ligne!
    Chargement en cours…

  14. quichou13 dit :

    presque 17000 soignants ont deja rejoint le groupe:
    http://www.facebook.com/groups/NiBonnesNiNonnesNiPigeonnes/
    ensemble nous pourrons agir: quasi 1 million de personnes : la plus grosse force de france.
    Bougez, go, go, go!!!

  15. Aleks dit :

    Ca c’est clair… J’ai passé un DU y a pas longtemps et c’est rare de se le faire reconnaître…

  16. Isa dit :

    Nous parler de transferts de compétence alors qu’on nous refuse de plus en plus de formations, que nos différents DU nous apportent quasiment rien… gonflée quand même!!!
    Quand est-ce qu’ils arrêteront de penser pour nous et qu’ils viendront réellement prendre la température de nos services???

  17. Coralie dit :

    il faut vous faire entendre faire gréve mobilisons nous car le métier d infirmière et t un très beau domaine il faut ce battre pour le garder

  18. Cindy dit :

    parce que ce n’est ni une priorité,ni une urgence et surtout pas une solution à nos problèmes…..

  19. Julie dit :

    parce que elle croit qu’on arien a faire, entre former des jeunes recrues qui font ce metier juste pour etre sures d’avoir un job, supporter des conditions de travail degradantes pour nous et nos patients, de macher le travil des docteurs qui en plus vont bientot nous refiler plus de taf, je crois que mme touraine comme les autres avant ni connait rien a rien

  20. Jean Charles dit :

    C simple de ce faire entendre…. MOBILISONS nous..c pas si compliquez que ça.. Si on attend après qlqun on aurai jamais si ce nest .. Du blabla

  21. Nicolas dit :

    Il était temps que quelqu’un s’occupe de nous !

  22. Leeloo Mina dit :

    pour l’instant, moi, ça ne m’intéresse pas de faire des échos ou des myélo, en plus en psy on a pas l’occasion d’en faire!! et puis reprendre encore des études, sacrifier 1 peu plus sa vie de famille?? non!! moi je veux juste faire mon métier dans de bonnes conditions et faire vivre ma famille et profiter 1 peu plus de celle-ci!!

  23. Leeloo Mina dit :

    pour l’instant, moi, ça ne m’inte

  24. Emilie dit :

    une revalorisation des salaires ne serait pas du luxe ça remotiverait en partie les troupes parce que le travail est de plus en plus pénible et la solution personne ne la

  25. line1472 dit :

    « Lorsqu’une infirmière est seule pour 30 patients, voit ses repos annulés pour remplacer au pied levé des collègues épuisés, termine chaque jour avec la désagréable sensation d’inachevé ou de travail mal fait, il est illusoire voir insultant de lui proposer, pour tout échappatoire, de réaliser des échographies cardiaques ou un myélogramme sans aucune contrepartie, après une formation « sur le tas » qui ne sera reconnue nulle part ailleurs que dans son établissement. »
    MONSIEUR DUVERNOY VOULEZ-VOUS ETRE NOTRE MINISTRE?

  26. Elisabeth dit :

    De toute façon à cause du système ns sommes occupés à former des IDE sans motivation, 1 peu de valorisation ds tous les domaines ferait 1 bien fou à la profession.

  27. Anne-Sophie dit :

    Est-ce la pire ? Citons Roselyne Bachelot répondant à une question sur les salaires IDE : « Vous êtes la profession préférée des français, et ça, ça vaut tous les salaires du monde »…

  28. Adeline dit :

    La question n’est pas quand elle part, mais comment se faire entendre.

  29. Céline dit :

    ça laisse peu d’espoir pour les années à venir.. je pense que c’est clairement un manque de volonté de ne pas se pencher sur les vrais problèmes de terrain, il est temps de dire haut et fort ce que l’on souhaite pour juste faire notre métier.

  30. William dit :

    Pourquoi se leurrer?
    La suivante sera aussi mauvaise ou pire; elle n’aura aucuns moyens

  31. Eric dit :

    Elle dégage quand elle ?????

  32. Adeline dit :

    et pouvoir en vivre..

  33. Anne-Sophie dit :

    Tout à fait d’accord ! Son discours, c’est « OK, votre métier est pourri, mais bientôt vous aurez la possibilité de faire des études pour faire autre chose »… Merci Madame ! Sauf que moi je veux juste faire infirmière…

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