La CFDT Santé Sociaux s’est opposée clairement à la journée de douze heures lors de son dernier congrès fédéral. Mais le sujet divise la profession.
« L’article de la résolution qui a été voté et adopté à 80% réaffirme que le mode d’organisation du travail en douze heures est à moyen terme néfaste pour la santé », explique Clotilde Cornière, secrétaire nationale de la CFDT Santé sociaux en charge du développement de l’organisation et du renouvellement générationnel.
Pourquoi à moyen terme ? « De fait, lors qu’un soignant travaille selon ce mode d’organisation, les effets néfastes n’apparaissent pas tout de suite », explique-t-elle.
Ce qui explique que nombreuses infirmières, notamment les plus jeunes, plébiscitent dans un premier temps la journée de douze heures. « Ce sont les professionnelles les plus anciennes et les plus expérimentées qui sont d’emblée contre. Ce sujet crée des fractures dans les établissements », souligne Clotilde Cornière.
Cependant, les expertises réalisées par de nombreux CHSCT, notamment celui de Beaujon (AP-HP) le montrent : « la fatigue s’accumule, d’autant qu’il faut ajouter les temps de transport. Les amplitudes dépassent alors largement treize heures. Le stress s’accumule aussi. Ces horaires posent aussi des problèmes au niveau de la vigilance, surtout la nuit », ajoute-t-elle.
Au départ, les partisans des journées de douze heures mettaient en avant la diminution du nombre de jours travaillés et l’augmentation du nombre de repos, une plus grande disponibilité pour la famille, une diminution des déplacements et une gestion plus facile des frais de garde des enfants. « C’est une illusion. En pratique, après deux journées à douze heures, l’infirmière n’est pas vraiment disponible. Elle récupère. Elle est en phase de décompression », explique Clotilde Cornière.
Pour que ce système qui est loin d’être la panacée, soit supportable, des conditions strictes sont nécessaires : pas plus de deux journées consécutives de travail, une vraie sieste pour celles qui travaillent la nuit et un vrai repas. « Ce n’est pas ce qui se passe », remarque cette responsable de la CFDT.
A moyen terme, les dangers pour la santé sont flagrants : « les risques de maladies cardio-vasculaires augmentent de 64 %. Ceux liés à un accident en voiture progressent aussi fortement », explique Didier Lestang, responsable de la CFDT santé-sociaux dans le Morbihan.
Les pour…et les contre
Les commentaires sur les blogs des syndicats ou les réseaux sociaux montrent des avis radicalement partagés. « Travaillant moi même en 12h avec un planning normal avec tous mes temps de repos nécessaire je trouve ça super et génial pour ma vie personnelle », affirme une infirmière sur le forum de « Ni bonne, ni nonne, ni pigeonne ». « En ayant un cadre (ou roulement) bien fixé et une réglementation appliquée, je trouve que le travail en 12 h est le parfait compromis pour allier vie privée et vie professionnelle », avance une collègue.
Mais d’autres commentaires sont nettement plus négatifs : « je travaille théoriquement 12 heures par jour. En réalité, ma journée dure régulièrement 13 à 15 heures, heures supplémentaires non comptabilisées bien entendu. Je peux par exemple rester sept heures d’affilée dans la chambre d’un patient instable : ce sont alors mes collègues qui me ramènent à grignoter un bout de pain, un gâteau… ». « Je suis tellement fatiguée qu’il m’est impossible de prévoir, je pense juste à me reposer, je deviens irritable et ma vie familiale s’en ressent », raconte Annie sur le blog de FO. « On accumule la fatigue, elle est de plus en plus grande, je n’arrive pas à récupérer, je dors mal, et j’essaie au maximum de rester professionnelle mais jusqu’à quand ? », ajoute Fanny.
Une exception qui devient la règle
Depuis quelques années, le nombre d’établissements qui passent à l’organisation du travail par journée de douze heures s’accroît. L’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS), a publié une enquête révélatrice, lors de son colloque qui s’est tenu le 4 avril. Parmi les 49 structures franciliennes ayant répondu à leur enquête, 35 pratiquent une organisation en douze pour tout ou partie de leur personnel. Les deux secteurs d’activités les plus concernés sont la médecine-chirurgie-obstétrique d’une part, les soins de longue durée et les Ehpad, d’autre part.
Ce mode d’organisation qui devrait être exceptionnel, selon un décret du 4 janvier 2002, a en fait tendance à devenir la règle. Selon ce décret, la durée maximale quotidienne de travail est de 9 heures pour les équipes de jour et de 10 heures pour les équipes de nuit. Elle peut être portée à douze heures, à titre dérogatoire et après avis du comité technique d’établissement. Mais l’exception, limitée auparavant à la réanimation et aux urgences, tend à se généraliser à la chirurgie, la gériatrie, la médecine, la psychiatrie,…. Un mouvement “irréversible”, selon Jean-Marie Barbot, président de l’ADRHESS.
«Les établissements sont enclins à adopter la journée de douze heures pour des raisons de contrainte de maitrise budgétaire, pour pallier à la pénurie de personnel et à l’absentéisme », précise Clotilde Cornière. « Il ne faut pas se voiler la face, c’est avant tout une source d’économies pour les hôpitaux », estime Michel Dogué, directeur du CHS Théophile Roussel de Montesson (Yvelines) et guère partisan des douze heures, cité par Hospimedia.
Un débat similaire aux Etats-Unis
Selon une étude menée par des chercheurs de la Pennsylvania school of nursing auprès de 22 275 infirmières en 2012, 65 % des infirmières travaillent 12 ou 13 heures par jour (79,6 % dans les unités de soins intensifs), tandis que 26 % travaillent 8 à 9 heures ; 4 % font des journées de 10 à 11 heures et 5 % dépassent les 13 heures d’affilée. La part d’infirmières se déclarant proche du burn-out et affirmant vouloir démissionner augmente proportionnellement avec la longueur des plages horaires : celles qui travaillent plus 10 heures consécutives ont, ainsi, un risque 2,5 fois plus élevé de connaître le burn-out et l’insatisfaction au travail que celles qui travaillent 8 à 9 heures.
Un constat qui va à l’encontre de l’idée selon laquelle la journée de 12 heures serait un moyen de fidéliser le personnel soignant, note Amy Witkoski Stimpfel, chercheur au sein de cette école. « Les infirmières sous-estiment l’impact des longues journées de travail, car l’idée de travailler trois jours au lieu de cinq est tentante », conclut-t-elle.
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Claire Dubois
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