« Infirmiers libéraux : nous sommes les oubliés »

« Infirmiers libéraux : nous sommes les oubliés »

Le Collectif des infirmiers libéraux en colère appelle à une manifestation à Marseille le 1er octobre afin de dénoncer les conditions d’exercice des infirmiers libéraux et obtenir des revalorisations. Le point avec Émilie Sehili, vice-présidente du collectif.
Émilie Sehili, vice-présidente du collectif des infirmiers libéraux en colère
Émilie Sehili, vice-présidente du collectif des infirmiers libéraux en colère. © DR

Pourquoi organiser cette manifestation ?

Le Collectif est né à Marseille en décembre 2022. Et depuis que nous l’avons créé, peu de choses ont changé pour les infirmiers libéraux. Nous n’avons obtenu que 0.25 centime brut d’augmentation sur l’indemnité forfaitaire de déplacement (IFD).  Il ne faut pas oublier que, certes, nous sommes soignants, mais nous gérons aussi des entreprises. Avec l’inflation, tout a augmenté : nos charges, les prévoyances, l’essence, les loyers. Et côté infirmier, notre lettre clef est gelée depuis 15 ans. Les cabinets infirmiers ne rentrent donc plus dans leurs frais. Pour maintenir nos revenus, nous réduisons nos charges notamment les montants de nos prévoyances, et en parallèle, nous n’avons même pas de reconnaissance de la pénibilité. Pour partir à taux plein, nous allons devoir attendre 67 ans. La situation commence à devenir compliquée.

En parallèle, l’hôpital a opéré un transfert des prises en charge des patients vers la ville. Les hospitalisations sont de plus en plus courtes pour privilégier le domicile, et nous nous retrouvons donc à assurer l’éducation des patients, la coordination des soins, etc. Nous sommes au cœur des prises en charge, pourtant, notre expertise est loin d’être reconnue alors même qu’elle coûte moins chère que des journées d’hospitalisation. Aujourd’hui, nous avons la sensation d’être méprisés et de ne pas être reconnus dans nos compétences.

Comment tenir ?

Deux solutions s’offrent à nous : soit effectuer des soins à la chaîne, mais avec une qualité moindre, soit les sélectionner. Dans mon cabinet par exemple, nous avons fait le choix de ne plus effectuer de prises de sang sauf pour nos patients. La cotation de cet acte est de 8.83 euros bruts avec l’indemnité de déplacement. Or, cela nous prend du temps, du matériel, un déplacement jusqu’au laboratoire pour apporter les tubes, et un autre déplacement pour poursuivre la tournée. Ce n’est pas rentable.

Vous demandez également une reprise des discussions politiques sur les dossiers concernant la profession, actuellement à l’arrêt…

Effectivement, l’ancien ministre délégué en charge de la Santé, Frédéric Valletoux, avait engagé des chantiers, notamment la réingénierie du diplôme. Pour le moment, nous ne savons toujours pas quand les travaux reprendront puisque nous n’avons plus d’interlocuteur. Ce dossier est pourtant essentiel, notamment pour l’attractivité du métier.

Des négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie avaient également été annoncées pour l’automne. Mais nous n’avons plus de nouvelles.

Et qu’en est-il des décrets d’application pour enfin acter la création de l’infirmier référent ou pour nous donner de l’autonomie dans la prise en charge des plaies et cicatrisation ?

Cette situation nous fragilise et nous tire vers le bas. Sans parler des tutelles qui nous méprisent avec les demandes d’indus.

En résumé, que réclamez-vous ?

La reprise des discussions concernant le projet de loi sur la réingénierie de la formation, l’ouverture des négociations conventionnelles, la reconnaissance de la pénibilité, la reconnaissance de notre expertise avec la mise en place de la consultation infirmière et de notre rôle dans l’éducation et la prévention, et le renforcement du binôme médecin-infirmier.

Propos recueillis par Laure Martin

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Quel soutien de la part des syndicats représentatifs ?

[Encadré mis à jour le 27 septembre 2024 avec l’ajout de la fonction de président du Sniil]

La Fédération nationale des infirmiers (FNI) ne participera pas à la manifestation du Collectif des infirmiers libéraux en colère, et n’appelle pas à y prendre part. « Nous sommes un syndicat représentatif, nous avons des contacts avec les instances et c’est dans ce cadre que nous allons régler les problèmes d’autant plus que certaines revendications du collectif s’affranchissent de la soutenabilité du système », estime Daniel Guillerm, président.

Côté Convergence infirmière, pas de soutien national officiel, en revanche, « nous allons appeler les infirmiers du secteur à s’y rendre, et nos responsables régionaux seront également présents », indique Ghislaine Sicre, présidente.

Enfin, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) relaie et soutient la manifestation « car la colère est justifiée et nous la partageons », fait savoir John Pinte, président.

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