Entre le 6 et le 17 avril, trente salariés, notamment des aides-soignantes et des infirmières, se sont confinées sur leur lieu de travail, un Ehpad de Beauvais, dans l’Oise, qui accueille 102 résidents.
Marie Anne Petrolesi, la directrice, leur a parlé de ce projet qu’elle a conçu après avoir vu comment un Ehpad de l’est de la France s’était confiné de cette manière. « J’ai organisé une réunion avec les professionnels pour savoir ce qu’ils pensaient de ce projet, raconte-t-elle. Beaucoup craignaient de contaminer leurs proches ou les résidents ».
Au fil des réunions, la grande majorité des professionnels adhère à l’idée : ainsi confinés, le risque de contaminer leurs proches ou les résidents était éliminé.
Protéger les résidents
Barbara, aide-soignante, n’a pas hésité : « on est là pour protéger les résidents », explique-t-elle.
Floriane, infirmière, s’est aussi décidée en faveur du confinement et a organisé la garde de ses enfants. En tout, 60 professionnels (sur 70) se sont portés volontaires pour se confiner pour les deux périodes de 15 jours prévues au départ. « On mettait notre vie entre parenthèses mais on avait toutes envie de protéger au maximum les résidents », souligne l’infirmière.
« Nous avons monté le projet en 15 jours », indique la directrice. Il a fallu prévoir les moyens de loger et de nourrir les professionnels : un concessionnaire de camping-cars en a prêté quatre, deux professionnels ont amené leurs caravanes et les chambres de l’accueil de jour, disponibles, ont été mobilisées.
Les repas ont été fournis par l’Ehpad ou grâce aux nombreux dons de restaurateurs et de supermarchés voisins.
Il a fallu aussi obtenir en amont l’autorisation de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) pour modifier les durées maximum de travail durant cette période limitée : les postes habituels de sept heures de Floriane sont passés à 12 heures, avec davantage de pauses (dans une salle dédiée).
Les professionnels pouvaient prendre une journée de congés la première semaine et deux la deuxième semaine, sur place naturellement.
Deux fois deux semaines
La première période de confinement des professionnels à l’Ehpad a commencé le 6 avril.
Dans une ambiance différente : plus de visites, de repas en commun ni d’animations collective… Et une surveillance de la température des résidents deux fois par jour.
Le rythme de travail était également différent : « physiquement le travail était plus long et intense », observe Marie Anne Petrolesi. Mais « on avait plus de temps que d’habitude avec les résidents et cela a renforcé nos liens avec eux », témoigne Floriane.
« J’ai l’impression de les connaître davantage », remarque Barbara. Certes, ils n’ont pas reçu de visites pendant cette période mais des séances de visioconférence étaient régulièrement organisées, notamment par la psychologue de l’établissement, également confinée.
S’il a fallu expliquer et réexpliquer à certains résidents la situation et les raisons de l’organisation différente ou du port du masque, d’autres « ont bien compris que que signifiait, pour nous, notre confinement avec eux », ajoute l’infirmière.
L’une d’elle a logé dans un camping-car, une autre dans l’accueil de jour, dans des espaces partagés avec des collègues.
Les tout premiers soirs ont été délicats pour Floriane « mais tous les jours je parlais à mes enfants et mon compagnon en visio, et finalement on était tout le temps en train de faire quelque chose ». Toutes savaient aussi qu’elles n’étaient là que pour deux semaines.
Et puis, poursuit Floriane, « en cas de coup de mou, on était toujours là pour rebooster les collègues ». D’ailleurs, « ce qui ressort surtout de cette période, selon l’infirmière, c’est la solidarité entre collègues. Ce confinement a créé des liens plus forts et plus solides entre nous. J’en garde un très bon souvenir. »
Les professionnels se retrouvaient en salle de pause pour prendre les repas et discuter, dans une ambiance assez « familiale », note la directrice. La vie en groupe a pu demander des ajustements à certaines. Mais Barbara l’a appréciée : « travailler et vivre 24 heures sur 24 avec des gens, cela ne peut que créer des liens ».
Elles pouvaient aussi trouver des moments de solitude durant leurs pauses, dans la journée, pour souffler et entrer en contact avec leurs proches…
Solidarité et fierté
Une intervention de l’inspection du travail a conduit la direction de l’Ehpad à interrompre le confinement des professionnels le 17 avril.
La seconde équipe prévue ne s’est donc pas confinée avec les résidents, ce qui a créé un sentiment d’inachevé. Mais celles qui l’ont fait « ont dit qu’elles étaient heureuses d’avoir vécu cette expérience hors du commun et partagé des moments inoubliables », souligne Marie Anne Petrolesi.
Et fières de constater qu’aucun résident n’a été touché par le Covid. « Le virus n’est pas entré dans notre établissement, observe Barbara. Personne n’a été touché parmi les résidents ni le personnel. Cela en valait donc la peine. »
Géraldine Langlois
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