Réhabilitation améliorée après chirurgie : un parcours de soins innovant

La Réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC) est implantée dans une centaine d’établissements en France. La clé de voûte en est une excellente coordination entre les différents corps de métier. Article paru dans le n°33 d’ActuSoins (Juin 2019). 

A l’hôpital Nord de Marseille (AP-HM). Au bloc, l’équipe utilise du matériel spécifique et des techniques adaptées pour la RAC. La chirurgie micro-invasive est ainsi privilégiée, l’usage des drains et des sondes est limité. Objectif : réduire les complications post-opératoires et favoriser une convalescence et une cicatrisation rapides. © Malika Surbled / ActuSoins

Le protocole existe depuis les années 90 et vient du Danemark. A l’époque, Pr Henrik Kehlet prend conscience de l’agression que représente la chirurgie chez un patient déjà agressé par la maladie.

Il met au point un protocole visant à limiter l’invasion de la chirurgie : la réhabilitation améliorée après chirurgie vit ses prémisses. La RAC arrive en France vers 2005 tandis que des parcours cliniques se formalisent au sein des équipes de chirurgie.

Le Dr. Karem Slim, chirurgien digestif au CHU de Clermont-Ferrand applique les premiers principes en 2006 en chirurgie colorectale, suivie par la bariatrique, la gynécologie…

L’implication de nombreuses ARS depuis 2016 permet le déploiement de la RAC un peu partout sur le territoire.

« Des services experts forment des services apprenant en rencontrant les équipes. », explique le chirurgien également président de GRACE[1]. Nous avons remarqué que ces formations entre pairs améliorent aussi les résultats des experts. »

Réduire les complications post-opératoires

L’objectif du protocole – applicable à toute chirurgie programmée et variable d’un établissement à l’autre – est de réduire les complications post-opératoires du patient via une prise en charge pluridisciplinaire, mini-invasive et associant le patient en le mobilisant dès que possible.

« Une des résultantes de la RAC est la réduction de  la durée moyenne de séjour (DMS) mais ce n’est pas l’objectif premier. », précise le Dr. Slim. Un patient « RAC » sortira s’il peut manger et boire normalement, se déplacer sans souci, prendre son traitement per os, et ne présenter aucun signe biologique d’infection.

« L’anesthésie est minidosée pendant l’intervention pour pouvoir y arriver. On n’enlève pas encore les anti-coagulants, mais cela viendra peut-être un jour », indique le Dr. Zieleskiewizc, responsable de l’unité fonctionnelle au département d’anesthésie-réanimation de l’Hôpital Nord. La chirurgie RAC se veut aussi micro-invasive avec des drains posés plus petits ou sans aucun drain ni poche.

« Le malade peut être un frein, confirme le Dr. Slim. Il faut démonter ses croyances. A Clermont-Ferrand, les infirmières référentes montrent aux patients une vidéo sur la RAC[2] via des tablettes ou les téléviseurs des chambres. Il faut préparer la sortie avant l’entrée ! »

Un parcours de soins optimisé

Ce patient, accompagné du Dr Zieleskiewicz, monte à pied dans le service de chirurgie digestive, après son passage en salle de réveil. Les levés précoces en lien avec le dispositif RAC réduisent notamment le risque thromboembolique. Deux heures après son retour en chambre, il pourra boire, puis manger. © DR

A l’hôpital Nord de Marseille, la RAC est entrée dans les services de chirurgie digestive et thoracique en 2015 : en pré-, per- et post-opératoire pour réduire le stress chirurgical. « La RAC concerne environ 300 patients par an à l’hôpital Nord. », explique la Dr. Laura Beyer avant d’entrer en salle d’opération pour une chirurgie digestive sur une patiente atteinte d’une maladie de Crohn.

La patiente a été préparée par les infirmières et l’équipe d’anesthésie.« La veille de l’opération, elles jouent un grand rôle éducatif », explique la chirurgienne.

Il est vrai que le patient peut être troublé par un protocole leur permettant de boire des boissons claires jusqu’à deux heures avant l’opération et de repartir à pied dans sa chambre en sortie de salle de réveil (dans le meilleur des cas!). « Avant l’opération, l’IDE fait attention à ce que le protocole soit respecté : nous vérifions les prescriptions médicales, administrons la solution sucrée qui évite de mettre le corps à jeun et l’hypoglycémie après l’opération. Cela va permettre de remonter plus rapidement en chambre à pied ou en fauteuil », explique la cadre de santé du service.

 « La RAC limite les problèmes post-opératoires et convient aux plus faibles, confirme le Dr. Zieleskiewizc,. En post-opératoire, on travaille à augmenter la capacité de réserve pulmonaire pour limiter les complications cardio-pulmonaires. En temps normal, les patients ont peur de tousser, restent allongés et leurs poumons se ratatinent. On perd un temps précieux… en expliquant au patient comment tousser, marcher, nous agissons contre ce problème. »… en procurant au patient un appareil pour effectuer des exercices respiratoires.

Dès la salle de réveil, lorsque cela s’avère possible, le patient est donc appelé à pratiquer des exercices de respiration, à solliciter ses membres, à marcher (pour diminuer la douleur), à se tenir debout (pour dégager les poumons et prévenir les maladies trombo-emboliques)…

Un chariot « RAC » a été mis en place : chaussons, blouses boissons sucrées et traitements per os « Nous travaillons avec le médecin de la salle de surveillance post-interventionnelle  pour savoir si on peut donner à boire au patient, le lever. Nous sommes aussi en contact quotidien avec l’anesthésiste et l’interne. », indique une infirmière anesthésiste (Iade) à Marseille.

Attention. Tous les patients ne peuvent être pris en charge en RAC.

« Bien que la RAC devienne un principe de prise en charge, certains troubles psychiques peuvent l’empêcher. Elle ne s’adapte pas non plus aux patients ayant des difficultés de compréhension ou un alzheimer avancé », précise Isabelle Lafortune, infirmière coordinatrice RAC aux Hospices civils de Lyon, en chirurgie digestive.

Comme ailleurs, c’est ici aux chirurgiens à déterminer si la RAC est adaptée.

Infirmière coordinatrice RAC

De retour dans le service de chirurgie digestive depuis la veille au soir, cette patiente va pouvoir rentrer chez elle après ce dernier soin. Pour la même intervention sans dispositif RAC, elle serait restée quatre jours à l’hôpital. © Malika Surbled / ActuSoins.

Chaque service RAC a développé son expertise et son mode de fonctionnement sur base d’un chemin clinique proposé par l’association GRACE ou la Eras Society.

Des postes sont créés pour une meilleure coordination : une infirmière référente (dans le soin), un kiné (respiratoire) et une infirmière coordinatrice pour les patients mais aussi les équipes. « C’est essentiel puisqu’il s’agit d’une révolution culturelle, d’un véritable changement de paradigme. Certaines infirmières perfusent encore des patients alors que le per os est jugé possible par le médecin. », regrette le Dr. Zieleskiewizc de l’AP-HM où un poste d’infirmière coordinatrice devrait prochainement être créé.

Elles mettent en contact les différents acteurs et rassurent les patients, informent les familles. Elles tiennent également un rôle important dans l’éducation thérapeutique des patients (ETP) avec le kinésithérapeute.

Dans certains établissements, l’IDE d’ETP peut travailler en lien avec l’infirmière coordinatrice de la RAC « afin d’optimiser des aspects spécifiques d’éducation du patient au regard de sa pathologie », indique l’association GRACE.

Les équipes de l’AP-HM bénéficient d’un large soutien de la direction, notamment de Magali Guerder, directrice de l’Hôpital Nord qui évalue les investissements positifs : « Ce type de parcours coûte en temps de travail et en force vive dans un premier temps mais il est gagnant assez vite. Les DMS sont plus courtes. On sait la tension sur les lits dans notre hôpital. Cela pourra permettre de fluidifier la rotation des lits. On voudrait développer la chirurgie ambulatoire et les parcours RAC. » Une opération gagnante autant pour les patients que pour les finances de l’hôpital.

Partout les soignants soulignent les effets fédérateurs du chemin clinique RAC sur l’équipe. « Il ne peut pas fonctionner sans une vraie relation d’équipe. Les Ibode, Iade, Infirmier, AS et les chirurgiens communiquent et se réunissent pour discuter du protocole. », remarque la Dr. Beyer.

Même vision à Clermont-Ferrand et des membres de l’association GRACE : « L’esprit d’équipe est l’un des principaux acquis de la RAC », estime le Dr. Slim.

Sandrine Lana

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Actusoins

[1]          Association francophone promouvant la RAC. Des outils et protocoles sont accessibles en ligne une fois l’adhésion acquise. https://www.grace-asso.fr

[2]          Vidéo disponible sur le site de GRACE

Isabelle Lafortune, infirmière coordinatrice RAC aux Hospices civils de Lyon (CHU Lyon)

« La réhabilitation améliorée est arrivée d’abord en chirurgie colorectale en 2012. Elle a fait ses preuves à la fois en matière de bien-être chez le patient qu’en réduction du temps de séjour. Aujourd’hui, plusieurs services de chirurgie appliquent le protocole RAC dans les hôpitaux du CHU lyonnais. Je suis arrivée en tant qu’infirmière coordinatrice en 2016 alors qu’on étendait la prise en charge RAC à tout le service de chirurgie digestive. Je n’ai pas eu de formation spécifique. Elle n’existe pas mais je me suis formée sur le tas avec le chirurgien et l’anesthésiste référents qui avaient rédigé le chemin clinique duquel a découlé la prise en charge paramédicale.

J’ai trois unités de soins à charge, soit jusqu’à 60 patients. J’ai un rôle dans le chemin clinique du patient : éducation thérapeutique, écoute, organisation de la prise en charge à la ville après l’opération, octroi d’un appareil pour effectuer des exercices respiratoires,… En post-opératoire, j’essaye de voir les patients chaque jour, on évoque la douleur, la kiné,… je prends le temps de parler, notamment pour évaluer son état psychologique. Si nécessaire, je fais le relais avec les professionnels de soins de support (psycho, diététique, socio-esthétique). Je veille à la sortie sécurisée du patient, vers chez lui ou en centre de convalescence, en lien avec l’assistante sociale, les services de la sécurité sociale (PRADO) présents à l’hôpital… »

Se former à la RAC… en ligne !

En plus des formations par les pairs experts, les soignants se forment à la réhabilitation améliorée après chirurgie en ligne grâce à des sessions développées par l’Institut Paoli Calmette, l’Université Aix-Marseille et l’AP-HM. Les cours en ligne sont de niveau universitaire, gratuits et destinés à tous les professionnels impliqués dans la RAC ou souhaitant créer un chemin clinique RAC mais aussi aux équipes libérales impliquées dans la prise en charge de patients « RAC ».

Les premières sessions ont été un succès selon les organisateurs : 4 200 inscrits, dont 50 % d’IDE, de 68 pays. En cinq semaines, ils ont parcouru les étapes du chemin clinique (pré, per, post-op) avec un temps de travail hebdomadaire d’environ deux heures nécessaire à l’acquisition des savoirs. Une dizaine de vidéo courtes est envoyée chaque semaine aux apprenants. Les enseignants et les professionnels de terrain qui assurent la formation répondent aux questions via un forum accessible en ligne. Le cours se clôture par un questionnaire à choix multiple à l’issue duquel, s’il est réussi, les apprenants reçoivent une attestation d’assiduité.

En savoir plus : http://mooc-raac.com/

Cet article est paru dans le N°33 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2019). 

Il est à présent en accès libre. 

ActuSoins vit grâce à ses abonnés et garantit une information indépendante et objective.

Pour contribuer à soutenir ActuSoins, tout en recevant un magazine complet (plus de 70 pages d’informations professionnelles, de reportages et d’enquêtes exclusives) tous les trimestres, nous vous invitons donc à vous abonner. 

Pour s’ abonner au magazine (14,90 €/ an pour les professionnels, 9,90 € pour les étudiants), c’est ICI

Abonnez-vous au magazine Actusoins pour 14€90/an