CNDEPAH : « Il est indispensable de revoir significativement les ratios » dans les Ehpad publics

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La CNDEPAH (Conférence nationale des directeurs d’établissements publics pour personnes âgées et handicapées) estime à 36 000 le nombre de postes d’agents à créer dans les EHPAD publics. 

Dans un communiqué, la CNDEPAH chiffre ce besoin, en s’appuyant sur une enquête lancée en octobre 2019 auprès de ses membres « représentant un panel diversifié d’Ehpad, sur tout le territoire de France« , et dont les résultats sont cohérents avec les chiffres de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). 

« Si tous les récents rapports, ainsi que l’étude publiée par la Drees en septembre 2016, font état de personnel soignant très engagé et dévoué à cette noble fonction qu’est l’accompagnement de nos aînés, il est tout aussi évident aujourd’hui que leur épuisement professionnel appelle une réponse claire et volontariste », explique la CNDEPAH. 

Au delà  de la vision statistique des Ehpad, La CNDEPAH a, entre autres, cherché à objectiver les temps de présence soignants (hors IDE) en journée (de 7h à 21h) et la nuit (de 21h à 7h), constituant le plus souvent peu ou prou les bornages horaires des soignants. 

Elle s’est concentrée sur les AS/AMP/ASH/Auxiliaires de vie accompagnant directement les résidents et a donc exclu de son calcul dans un premier temps les ASH/Auxiliaires qui assurent exclusivement des fonctions hôtelières dans le cadre d’équipes hôtelières dédiées, et les agents travaillant la nuit. 

Actuellement, « pour une unité de 26 lits, taille médiane des unités des Ehpad, 4,67 agents se répartissent les 14 heures de travail entre 7h et 21H. Ce qui confirme ce que les établissements constatent tous les jours : trois soignants le matin, deux soignants l’après-midi pour une unité d’environ 30 lits ». Un peu moins pour une unité inférieure. 

Effectifs insuffisants pour répondre aux besoins

« Bien sûr les soins de base attendus, l’accompagnement pour les actes essentiels de la vie courante, sont réalisés, incluant la toilette, le lever, l’aide au repas et le coucher, notamment pour les résidents ayant besoin d’accompagnement« , indique le communiqué. 

« La toilette est un temps important de la matinée : mais les ratios en personnel actuels amènent à ce que chaque soignant accompagne environ 10 résidents. Un temps long, donc, qui ne permet pas de terminer la prise en charge des résidents au titre de leur toilette (incluant le lever, la toilette à proprement parler, l’habillage et la réfection du lit) que vers 11H30. Et d’y consacrer environ une vingtaine de minutes pour chaque résident…« 

Des douches et des bains sont proposés aux résidents. Dans la majeure partie des Ehpad, l’ambition est de proposer un bain ou une douche par semaine. Cet objectif ne peut pas être atteint à ce jour, pointe la CNDEPAH. 

« Les soignants assurent la prise en charge de l’incontinence des résidents, dont, selon les EHPAD 70 à 90% présentent une incontinence. Les effectifs moyens ne permettent pas de développer une véritable politique de mobilisation des capacités résiduelles des résidents, ni de prévention, pas plus que des actions régulières visant à chercher la rééducation des résidents incontinents« . 

« L’aide au repas, pour les trois repas de la journée, et pour désormais un nombre croissant de résidents, est également une mission importante et chronophage« . 

Par délégation des infirmiers, les aides-soignants participent à la  distribution des médicaments, explique aussi la CNDEPAH. 

Accompagnement des résidents en fin de vie, transmissions quotidiennes, projets individualisés, lien avec les familles, fonctions liées à l’hôtellerie : les tâches des soignants ne se limitant pas aux soins et à l’hygiène, le temps direct auprès des résidents diminuent. 

Un travail encore trop « taylorien »

« D’une manière générale, les soignants concentrent leur temps auprès des résidents les plus dépendants et/ou en fin de vie, mais ne parviennent pas à proposer une individualisation suffisante de la prise en charge, à respecter le rythme de vie des résidents, ni à mettre des actions de prévention à destination des résidents les plus autonomes. La course quotidienne contre le temps ne permet pas de dédier de temps relationnel de qualité et génère de la frustration mais aussi de l’épuisement par un travail encore trop taylorien« , indique la CNDEPAH. 

Pour accomplir toutes ces missions, les ratios en personnel ne permettent de consacrer, en moyenne, que 43 minutes par résident le matin. L’après-midi, incluant le début de soirée et donc le repas du soir et le coucher, ce sont 28 minutes dont bénéficie en moyenne chaque résident. 

« Il est indispensable de revoir significativement les ratios« 

Objectif : 65 minutes par résident le matin

La CNDEPAH prône des « unités de 20 lits, une présence de trois soignants le matin et deux soignants l’après-midi ». Pour un établissement de 100 lits constitués de 5 unités de 20 lits, 25 agents soignants sont attendus tous les jours donc, représentant 43,06 ETP (équivalent temps plein) annuels. « Si nous ajoutons les 5 ETP de nuit ainsi que les 9,6 ETP d’ASH/Auxiliaires non soignants, la somme globale des effectifs est ainsi de 57,6 ETP« . 

C’est donc, pour un Ehpad de 100 lits, une augmentation de 12,1 ETP qui est nécessaire pour atteindre la cible visée par la CNDEPAH, qui demande que « la totalité de ces créations de postes soit constituée d’aides-soignants« . 

Avec ce niveau d’effectif, « on passerait de 43 minutes à 65 minutes par résident en moyenne en matinée et de 28 minutes l’après-midi à 43 minutes« . 

« C’est évidemment mieux et cela permettrait d’améliorer l’aide aux repas, de rendre au temps du repas toute son importance, d’atteindre l’objectif d’un bain ou d’une douche par semaine, de mieux respecter le rythme individuel des résidents de développer un temps relationnel plus satisfaisant, incluant des temps d’animation thérapeutique« . 

A titre d’exemple, il serait ainsi possible de consacrer une trentaine de minutes le matin à la toilette des résidents, et de finir vers 10h50. Chaque soignant prendrait en charge environ 7 patients et non 10. 

« Cela permettrait par voie de conséquence de développer les suivis nutritionnels, d’hydratation, d’améliorer le suivi bucco-dentaire des résidents, trop souvent délaissés. Cela permettrait aussi de renforcer les temps de prévention à destination des résidents les plus autonomes qui n’en bénéficient presque pas à ce jour. Cela permettrait de renforcer significativement les temps de stimulations des capacités restantes des résidents et de moins ‘faire à leur place’, faute de temps. Cela permettrait de proposer à la fois une présence plus humaine, plus réconfortante et rassurante, mais aussi plus professionnalisée. Le soignant serait plus disponible et moins stressé« 

Dans ce schéma de service, on inverserait une tendance, explique la CNDEPAH : dans une logique plus domiciliaire, c’est le soignant qui doit s’adapter aux résidents et non le contraire. 

« 65 minutes de présence en moyenne ne permet pas de tout faire de façon optimale. Mais ce serait néanmoins une avancée évidente. Cette avancée serait d’autant plus constatée, si, par ailleurs, les soignants pouvaient encore davantage se libérer des tâches hôtelières et centrer leur travail sur le coeur de métier« . 

La CNDEPAH chiffre à 1,446 milliards d’euros annuels ce changement être appelle à ce que des arbitrages soient « rapidement faits, dans le cadre de la future loi autonomie« . 

Rédaction ActuSoins

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