Choisir des produits bio ?

Alors que la santé environnementale gagne du terrain, les infirmières modifient progressivement leurs pratiques, en axant leur action davantage sur la prévention. L’utilisation de produits certifiés bio ou le recours à des méthodes alternatives de nettoyage en font partie.

© Stock/kupicoo

Si Philippe Perrin a fait figure d’avant-gardiste en devenant le premier « éco-infirmier », il a, depuis, fait bien des émules. Il officie aujourd’hui dans différents instituts de formation en promulguant des formations en santé environnementale, qui participe « à diffuser dans la population des connaissances sur les sources de pollution, leurs risques pour la santé et les moyens d'en réduire les expositions », explique-t-il. Au cœur de ce diptyque gagnant, quelle est la marge de manœuvre pour les soignants et quels sont les les produits qu’ils utilisent dans l’exercice de leur fonction ?

Les solutions hydroalcooliques en question ?

Détergents, désinfectants, nettoyants, cosmétiques, les soignants sont concernés en premier lieu par l’utilisation de produits quotidiens, solutions hydroalcooliques en tête. Philippe Perrin s’inquiète notamment de la présence d’isothiazolinone, un puissant irritant contenu dans certaines de ces solutions, même s’il reconnaît une amélioration générale des formulations, certaines adoucies.

Selon une étude américaine, le recours à ces solutions augmente « la perméabilité de la peau. La barrière cutanée se fragilisant, dès lors, toute utilisation de particules toxiques va être majorée, comme le bisphénol A ». Une autre étude montre que certaines solutions hydroalcooliques contiennent du triclosan [un pesticide qui affecte le fonctionnement thyroïdien, ndlr]. « Il faudrait aussi bannir tout produit contenant des phtalates »,recommande Philippe Perrin.

Pas de secret, pour réduire son exposition, il faut donc modifier les pratiques : pas besoin de faire cinq pressions, une seule suffit. Le rinçage sera plus efficace, les résidus moins nombreux pour la même quantité d’eau utilisée. Par ailleurs, l’établissement dépensera moins, et comme ce sont aussi de très puissants polluants, cela sera donc aussi meilleur pour l’environnement.

Dans les cas où il n’y a pas de « besoin de désinfection plus poussée »,de l’eau et du savon peuvent être suffisants, sans remettre en question « les protocoles d’hygiène ».Dans tous les cas, pour limiter les risques, il faut respecter les conditions d’utilisation (quel type de surface, les températures, éviter les mélanges…) et fermer systématiquement les flacons et bouchons.

A la sortie, « il est très important que les soignants utilisent des crèmes très protectrices régénérantes pour compenser l’agressivité des produits utilisés pendant leur service »,précise l’éco-infirmier.

Privilégier des solutions alternatives de nettoyage 

© Samsic

Afin d’éviter les produits d’entretien classiques, il est possible d’opter pour des « détergents avec l’écolabel européen », précise l’éco-infirmer. Pour aller plus loin, « on peut avoir recours à la vapeur », mais cela dépend de la politique d’achat de l’établissement. C’est pourtant « la pierre angulaire »des changements de pratiques. « Le recours à la vapeur est totalement écologique, très efficace pour nettoyer les blocs opératoires et obstétricaux, sans exposer les utilisateurs aux polluants volatiles des produits ménagers ».

« Le coût d’achat est plus important et les formations représentent un investissement plus lourd, mais sur le long terme, cette solution revient moins cher et est bien plus sanitaire »,éclaire Philippe Perrin, qui déplore que « la culture de l’hôpital privilégie une vision à court terme ». Dommage, car la vapeur évite d’éventuels problèmes respiratoires.  Aurore Chesnay, ancienne infirmière de réanimation, aujourd’hui en agence régionale de santé, en témoigne. « Dès que j’arrivais dans le service, je ressentais une gêne quand je respirais ».Après avoir quitté la réanimation, ces soucis ont complètement cessé.

Des initiatives innovantes, mais aussi des résistances

Certains exemples d’établissement innovantes sont encourageants. La Clinique de l’Essonne, a lancé une maternité douce, avec analyse des composés organiques volatiles, analyse des risques chimiques, des matériaux (recherche de matériaux), analyse complète des cosmétiques, achats de produits d’entretien écolabellisés et de cosmétiques bio ou encore la clinique de Turin (Paris) qui a mis en place une charte d’achats de produits de papeterie et d’entretien écolabellisés, avec limitation des produits utilisant des phtalates. « Je connais des établissements qui fabriquent eux-mêmes le liniment pour bébé, à base d’huile d’olive et de chaux, ou encore une gynéco, qui recommandait l’usage d’une crème à base de cire d’abeille et d’huile d’olive sur des sutures de césarienne », explique encore Philippe Perrin.

Pour lui, si les directeurs d’établissement se montrent parfois réticents, c’est à cause d’un « manque de culture en santé environnementale »,mais aussi d’une recherche du plus bas coût, motivée par des budgets serrés.

Dans tous les cas, il n’est pas facile pour les infirmières engagées en santé environnementale de s’affranchir des marchés conclus par leurs établissements de santé, rappelle Aurore Cheynay, contrairement au libéral, où « l’on peut plus facilement choisir des composés »[sans les composants problématiques, ndlr], précise Philippe Perrin. Il faut contacter les responsables de l’hygiène, leur montrer quels intérêts ils ont à opter pour d’autres produits, leur apporter des éléments de questionnement qui peut les amener à faire évoluer leur position. S’il existe une commission durable dans l’établissement, c’est aussi une voie par laquelle passer, recommande l’éco-infirmier. Il faut développer les actions citoyennes et auprès des politiques, car la santé environnementale devient une question de citoyenneté ».

Delphine Bauer

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est paru dans le numéro 26 ActuSoins magazine 
(Sept/Oct/Nov 2017).

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Pour aller plus loin : 

Eco-infirmier : comment faire de la prévention en santé-environnement

David, "éco-infirmier" à domicile

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