La ponction artérielle par l’infirmière : petit tour d’horizon

Acte sur prescription médicale, la ponction artérielle est un geste fréquent dans le quotidien de l’infirmière. Pourtant, le cadre juridique est imprécis concernant les divers sites de ponctions possibles et plusieurs interrogations restent en suspens.

Rappel d’un point de vue réglementaire

La ponction artérielle : petit tour d'horizonL’acte de ponction artérielle par l’infirmière est prévu par l’article R. 4311-7 36e du Code de la Santé publique. « L’infirmière est habilitée à accomplir sur prescription médicale écrite quantitative et qualitative, datée et signée, les actes et soins infirmiers suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment ».

Le site de ponction fait généralement débat et la question est de savoir si l’infirmière est autorisée à ponctionner une artère autre que l’artère radiale. Aucun texte réglementaire n’est venu éclairer ce sujet. L’infirmière est amené à prélever la voie radiale afin de réaliser une gazométrie. Cette voie a l’avantage d’être sécurisée par le test d’Allen, ce qui n’est pas le cas pour les autres. La prise de risque de l’infirmière, en ponctionnant d’autres sites n’est pas nul. Cette initiative pourrait conduire le juge à s’intéresser sur le choix du site en cas de dommage. Il ne faut pas perdre de vue qu’il sera toujours demandé à l’infirmière, s’il avait l’habitude de ponctionner les autres artères, la charge de la preuve revenant à celui-ci.

En résumé, il parait opportun de réaliser les ponctions artérielles par voie radiale afin de minimiser les risques de fautes. Cette approche de la ponction artérielle est conforme au référentiel infirmier, particulièrement la compétence 4 (mettre en oeuvre les actions diagnostiques et thérapeutiques) et de l’unité d’enseignement EU 4.3 S2 S4.

Indications

La ponction artérielle est un prélèvement de sang artériel à visée diagnostique. Elle permet essentiellement une analyse des gaz du sang artériel mais aussi le prélèvement de bilans sanguins chez des patients dont le capital veineux est très pauvre.
Les sites de ponction sont variés : le plus commun est l’artère radiale, l’artère fémorale, l’artère humérale (très rare) ou temporale superficielle chez le nouveau-né (acte médical). L’analyse des gaz du sang a pour but d’évaluer la qualité et l’efficacité des échanges gazeux pulmonaires et l’équilibre acido-basique. Il permet de détecter des troubles respiratoires (décompensation respiratoire, patient sous ventilation artificielle) et métaboliques (coma, intoxications…).

Un incontournable de la ponction radiale : le test d’Allen. Il a pour but de vérifier la suppléance de l’artère ulnaire (cubitale) en cas de thrombose ou de spasme de l’artère radiale suite à la ponction, afin d’assurer la vascularisation de l’arcade palmaire, conformément à la réglementation prévue par l’arrêté du 28 décembre 2009 relatif à la ponction artérielle.
Après fermeture de la main afin de chasser le sang, les deux artères (radiale et ulnaire) sont comprimées simultanément pendant une minute environ. Après réouverture de la main et après décompression de l’artère ulnaire, la paume doit se recolorer en rouge en moins de 5 secondes, témoin d’une bonne circulation collatérale.
Autre variante du test d’Allen, l’utilisation d’un oxymètre de pouls permet aussi d’évaluer la perméabilité des artères de la main après compression de celles-ci. La courbe de SpO2 ( pléthysmographie) va s’applatir lors de la compression des deux artères, lors de la levée de la compression de l’artère cubitale, la courbe va de nouveau se redessiner, témoin d’une circulation collatérale efficace.

Le prélèvement

L’installation du patient et du soignant est un facteur de réussite. Les règles d’asepsie sont très rigoureuses avec l’utilisation de gants stériles et d’antiseptiques. Le patient est installé confortablement, le bras en supination, tout en maintenant une dorsiflexion modérée du poignet grâce à un petit billot placé sous le poignet.

Après repérage des pulsations de l’artère radiale, la ponction peut débuter. L‘aiguille est orientée selon un angle de 45° par rapport au plan de la peau, la pointe de l’aiguille face au courant artériel. Un retour franc et pulsatile de sang rouge doit être obtenu, la seringue à gaz du sang se remplissant toute seule. D’autres tubes à prélèvements sont connectés au besoin. Une fois l’aiguille retirée, une compression immédiate et franche de l’artère pendant 5 min avec une compresse est réalisée. Celle-ci est maintenue plus longtemps en cas de traitement anticoagulant. Un pansement compressif non circulaire est mis en place en absence de saignement.

Quelques mots sur la ponction artérielle fémorale

La contre-indication absolue est la présence de matériel prothétique vasculaire (pontage aorto-fémoral…) et une pathologie vasculaire périphérique sévère. En cas de thrombose, il n’y a pas de circulation collatérale. De plus, il existe un risque plus élevé d’infection de la région du pli de l’aine très contaminée.

Le repérage de l’artère fémorale est plus aisé, l’artère étant plus grosse. Elle est entourée du nerf fémoral (en externe) et de la veine fémorale (en interne). Une aiguille IM est utilisée de préférence (ponction plus profonde). Ce site de ponction sera réservé aux infirmiers ayant déjà effectué ce geste à plusieurs reprises. En l’absence d’expérience, l’encadrement par un médecin est recommandé, la ponction étant plus profonde et la compression étant maintenue plus longtemps.

Le prélèvement

Plusieurs paramètres peuvent venir perturber les résultats de la gazométrie.
*Il faut éliminer les bulles d’air de la seringue immédiatement (PaO2).
*Il faut homogénéiser le prélèvement pour éviter la formation de petits caillots (même si la seringue est héparinée).
*il faut noter la température du patient.
*Il faut acheminer le prélèvement rapinfirmièrement car le métabolisme cellulaire continue et les hématies risquent de s’hémolyser (?K+).

D’un point de vue pratique …

  • La collaboration du patient est indispensable à la réussite de la ponction.
  • L’utilisation d’Emla (1 h 30 avant le geste) est recommandée pour les ponctions itératives.
  • Attention à l’utilisation de Kalinox ou Méopa (mélange équimolaire d’azote/oxygène), spécifier l’apport de 50% d’O2 sur la demande d’examen.
  • Lors d’un test de sevrage en oxygène, réaliser celui-ci 15 minutes avant le prélèvement.
  • Le débit d’oxygène en l/mn ou la FiO2 et la température sont notés sur la demande d’examen.

Laurence PIQUARD, Infirmière Anesthésiste - Formatrice
Article paru dans Actusoins magazine

Bibliographie

Arrêté du 28 décembre 2009 relatif aux modalités de prélèvements par ponctions artérielles au niveau de l’artère radiale ou de l’artère fémorale en vue d’analyses de biologie médicale par le pharmacien biologiste - 6 janvier 2010 - Journal Officiel de la République Française.

Manuel Pratique d’anesthésie
E. Albrecht, J.-P. Haberer, E. Buchser - Edition Masson

Atlas de poche d’anesthésie
N. Roewer, H. Thiel - Médecine- Sciences Flammarion

Réalisation d’une gazométrie pour les patients adultes
CHU Saint Etienne - Dec 2008

La ponction artérielle : technique et prévention de la douleur
C. Legrand, H. Guerrini Réanimation pédiatrique et néonatale – Hopital de Bicêtre - Nov 2003

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Réactions

47 réponses pour “La ponction artérielle par l’infirmière : petit tour d’horizon”

  1. sancho dit :

    Bonjour,
    Un cadre imprécis ?
    Arrêtera-t-on un jour de prendre les infirmiers pour de simples exécutants écervelés. Le pire c’est que de temps à autre ce discours émane de professionnels infirmiers.

    Pour une fois, notre décret d’actes infirmiers est édicté sous forme de compétence (Comme la formation actuelle), on ne va pas se plaindre !!
    Nous avons, de part ce décret, la compétence de faire une ponction artérielle donc, assumons les responsabilités et les conséquences.
    L’infirmier à donc le choix de l’artère à ponctionner quand il agit sous la prescription médicale.
    Le site de ponction doit être choisi en fonction de nos connaissances (3 ans d’études ce n’est pas rien me semble t il …). Connaissance en anatomie, connaissance du patient (Antécédents / Pathologie, recommandation de bonne pratique, etc,… .

    L’artère radiale sera ponctionnée préférentiellement, après test d’allen, l’artère cubitale peut aussi être ponctionnée.
    Par la suite, il est préférable de ponctionner l’artère fémorale (Si absence de chirurgie vasculaire) plutôt que l’artère humérale car la sténose post ponction de l’artère fémorale est réduite.
    Pour ce qui est de l’artère temporale superficielle, cette restriction n’est pas d’actualité pour les infirmiers (DE / Anest / Puer / …) dans les textes qui nous régissent (A ma connaissance). L’article ci-dessous, note une restriction (Acte médicale) mais sans confirmation juridique. (J’aimerais bien connaître la source)
    L’arrêté de 2009 en bibliographie s’applique au pharmacien biologiste.
    Cordialement

  2. Elo Elo dit :

    J ai fait mon TFE en 2014 sur le test d’Allen lors d’une gazometrie. Et effectivement il est méconnus, et lorsqu’il est connus, bien souvent il n’est pas réaliser ou mal réaliser.

  3. Huet Bruno dit :

    je rajouterai que comme il n’existe pas de précision sur l’artère à ponctionner, tout IDE peut la réaliser sur toute l’artère ponctionnable ( Faut il que le choix soit justifiable).
    Donc, pas d’interdiction réglementaire à la réaliser sur l’artère éventuellement temporale en pédiatrique.
    Comme pour tous gestes infirmiers, il faut en avoir la maitrise et la prescription.

    • Little_asa dit :

      Euh, si vous lisez l’arrêté mis en lien dans l’article, il est dit: « Le geste ne peut s’appliquer qu’au sujet adulte et ne peut être réalisé sur une personne mineure qu’en situation d’urgence justifiée par le médecin prescripteur. » De plus, l’article dit que l’artère temporale est un acte médical. Donc perso, je comprends que ce n’est pas à l’IDE de ponctionner une artère en pédiatrie, mais bien au médecin. Après, je ne sais pas pour les puer.

  4. Sansebastien dit :

    Il y a des limites à l’exercice infirmier. Je ne crois pas que la ponction artérielle soit dans notre Décret de compétences. Si ce n’est pas le cas, DANGER, car notre responsabilité serait mise en cause en cas de problème, et toute la hiérarchie se défilerait…
    A salaire limité, exercice limité, non?

    • Article R4311-5 alinea 36 (presciption ou protocole) :  » Prélèvements de sang par ponction artérielle pour gazométrie »

      A la différence de la pose de perfusion qui est limitée aux « veine superficielle des membres ou dans une veine épicrânienne », aucun site de ponction artériel n’est précisé dans notre décret. Celui-ci étant précis et chaque terme étant pesé, ce sont les consensus et les bonnes pratiques qui guideront donc l’IDE pour cet acte.

    • Huet Bruno dit :

      Bonjour
      je crois qu’il est urgent pour vous, de consulter le décret qui régit votre profession.

  5. Pour le test d’Allen, disons la vérité celle de tous les jours : quasiment personne (médecins y compris, iade y compris, IDE super cowboys des urgences y compris…) Certains le font vous allez me dire (gna gna gna) mais c’est une grande minorité disons le. Je suis d’accord il faudrait insister en IFSI. Encore faut il que les dit cadres formateurs diplômés soient au courant de l’existence du test d’Allen, ces formateurs sont tellement occupés à nous faire des heures et des heures de cours sur les sciences humaines pseudo-psychologisés… Alors… Alors… Merci Actusoins… Un rappel non négligeable du coup…

  6. Lore Couderc dit :

    Y a quoi de très clair et cohérent (à l’hôpital) je parle de ce que je connais…

  7. En fémoral c’est le médecin… En tout cas c’est ce qui s’est passé dans le service où je suis. En effet piquer en fémoral c’est pas rien !!

  8. Petit moyen mnémotechnique pour se souvenir à chaque fois de l’emplacement de l’artère fémorale par rapport à la veine et au nerf lors d’une ponction artérielle: IVAN (Intérieur, Veine, Artère, Nerf). De cette façon, on pense à orienter l’aiguille vers l’intérieur du membre, jamais vers l’extérieur pour éviter toute atteinte nerveuse.

  9. Little_asa dit :

    On peut arrêter de rabâcher l’ONI à toutes les sauces? Y a des articles précis pour ça, allez-y donc.

    Si il y a des opinions divergentes, c’est normal, les IDE ont toutes la même base de formation mais à force de bosser dans tel ou tel service, finalement on se « spécialise » un peu; les « réas » ont sans doute plus l’habitude des KTC, des ponctions artérielles, etc, celles qui sont en services plus « classiques » moins…

    C’est ça qui fait la richesse de notre métier finalement, c’est qu’avec les mêmes connaissances, on arrive à en faire chacun quelque chose de différent et d’unique non ? 🙂

  10. Les avis différent tans mieux tous s expriment et Ç est impressionnant les divergences d opinion ….

  11. Ah le test d’Allen!!! Peu d’IDE le font malheureusement

  12. Ahhh ben moi la gazo Ca m manque ! Je piquais en radial ou huméral… Mais y avait toujours un doc pas loin ..

  13. Il suffirait comme beaucoup d’autres gestes de former les professionnel(le)s, ca éviterait des débats stériles. Mais c’est sans compter la résistance du corps médical qui s’oppose systématiquement à toute évolution de notre profession. Le vrai problème est là.

    • Kittycat Mel dit :

      vous plaisantez ??? on aimerait nous coller la mise en place de picc line et pourquoi pas de VVC

    • Justement je ne suis pas d’accord … Pas mal de médecins souhaitent nous apprendre de nouveaux gestes et faire évoluer nos pratiques de soins ainsi que notre diagnostic.

    • Et bien foncez ! C’est le seul moyen de revaloriser la profession et d’évoluer. C’est une chance d’avoir des toubibs ok mais je ne suis pas sur que se soit la majorité, quand on voit qu’ils ont amendé le projet de loi sur l’infirmière clinicienne pour garder leur main mise je serais surpris que demain la pose de vvc fasse partie des compétences infirmieres ou alors de facon très isolée et toujours sur ordre et directives d’un médecin..

      • Little_asa dit :

        Euh, perso, j’ai pas envie de poser des piccline ou des vvc hein, j’ai déjà assez à faire avec mon « ptit taf d’IDE », pas besoin d’actes médicaux à faire en plus hein :p

  14. Laura Huber dit :

    Ponctionner une artere qu’elle soit fémorale, humeral ou même radiale est un geste qui comporte des risques, faut pas l’oublier. L’artère fémorale nécessite au minimum 15min de compression et encore plus longtemps si il y a des problèmes de coagulation, alors faut assumer. Et pas se dire on ponctionne, on comprimé et puis c’est fini. On parle de patient, de personne et pas d’un bout de viande. Alors faut pas se permettre de faire n’importe quoi. Que l’on soit en réanimation ou pas.
    Il faudra cadrer se soin si effectivement on a droit de ponctionner. Mais je me permettrais pas de mettre la vie d’un patient en danger juste pour un bilan sanguin artériel. Si je n’arrive pas en radiale ben je laisse la main au médecin, c’est leur boulot.

  15. Ce que je suis sur que ça fait hyper mal

  16. Cyril A-r dit :

    En attendant sa se fait

  17. Loïc Duloisy dit :

    En gros c’est toujours pas clair!

  18. Anis Souhil dit :

    Je pense que l’infirmier pourrait ponctionner meme l’artère femorale pour des prelevements sanguins sauf qu’il doit travailler dans un service de soins intensifs ou de reanimation

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