AP-HP : quand les soignants en ont ras-le-bol

La pression exercée par l'AP-HP sur les retenues pour journées de grève fait craquer plus d'un soignant alors que 5 000 à 8 000 personnes (1500 à 2000 selon la Préfecture) ont défilé ce 25 juin, de Montparnasse au ministère de la Santé à l'appel de la CGT, FO et SUD.

AP-HP : quand les soignants en ont ras-le-bol

©Cyrienne Clerc

A 14h, les manifestants arrivent devant le ministère de la santé. Certains font le pied de grue, d'autres quittent la manifestation, tandis que deux représentants de chaque syndicat attendent d'être reçus par Christine Gardel, conseillère en charge des ressources humaines au ministère.

Nayla Arigui, aide-soignante  à l'hôpital Saint-Louis, en suppléance, a franchi le barrage des forces de l'Ordre. Entourée de responsables syndicaux et de membres de forces de l'Ordre, cette soignante non-syndiquée piétine devant l'entrée du ministère. "Je veux participer à la discussion, je veux être entendue. J'en ai marre d'être considérée comme une sous-merde", répète-t-elle.

"Je n'en dors plus la nuit"

"J'ai fait grève à chaque fois. C'est mon combat. Pour la première fois de ma vie, j'ai même été gazée. Mardi, j'ai appris que les jours de grève seront retenus sur le salaire. Là, j'ai craqué. J'ai trois enfants et c'est si difficile de trouver des moyens de garde quand je travaille un dimanche sur deux. J'ai essayé d'expliquer à mes enfants pourquoi je manifeste, ce que nous allons devenir et je ne dors plus la nuit", explique-t-elle.

Nayla Arigui a quitté le service de réanimation où elle était ce matin pour manifester. "Quand je suis partie, il restait deux aides-soignants pour douze patients. C'est inadmissible. La réglementation prévoit un aide-soignant pour quatre patients. Un troisième, prévu, a du partir en infectiologie. C'est cela la suppléance et le manque d'effectifs. Avant, quand j'entrais dans une chambre, je demandais au patient comme s'était passé la nuit. Ils sont seuls car les visites sont interdites de 20 h à 13 h le lendemain. Maintenant, j'ai à peine le temps de dire bonjour", raconte-t-elle.

Des soignants en souffrance

Les représentants syndicaux entrent dans le ministère pendant que Rose-May Rousseau de la CGT reste à l'extérieur avec cette soignante lambda qui crie son ras-le-bol et sa volonté d'être entendue. Personne de la DGOS n'est présent (ou accepte d'être présent) pour recevoir cette soignante.

"C'est cela la souffrance des soignants", remarque Rose-May Rousseau qui négocie pour que les salaires des jours de grève soient versés ou les retenues au moins étalées "alors que certains soignants sont payé 1 300 ou 1 400 euros par mois".

"Ce n'est pas la charité que nous demandons. Les collègues ont des milliers de jours de RTT qu'elles n'arrivent pas à prendre ! La direction joue la-dessus pour casser le mouvement. Les jours correspondants aux grèves de mai sont déjà passés en retenue alors que, d'habitude, cela se négocie. Le responsable des RH a promis de faire une note pour demander l'étalement. Rien n'a été fait. Lors d'un dernier rendez-vous, il a même dit sur le ton de la plaisanterie "signez en bas du papier" et on discutera des jours de grèves. On ne plaisante pas avec cela", s'insurge cette syndicaliste.

Le projet de Hirsch toujours sur la table

Le retrait du projet de Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, annoncé le 18 juin ? les syndicats y ont cru... "Mais c'est de l'enfumage", s'exclame Rose-May Rousseau qui indiquait pourtant le 18 juin : "tout est revu".

"Sur la forme, cela bouge, mais sur le font, rien n'a changé. La direction profite de l'été pour mener ses expérimentations sur un temps de travail en 7h30 dans plusieurs services. Passer à 7h30 quand on est déjà à flux tendus, c'est une vraie mise en danger des patients", ajoute-t-elle.

Une manifestation anti-austérité

Si les revendications, ce 25 juin, étaient plus larges que lors des manifestations estampillées AP-HP, avec des mots d'ordre contre les plans d'économies et pour le retrait de la loi de santé, la situation à l'AP-HP est restée au coeur des discussions dans la manifestation.

"Nous avons demandé l'effacement de la dette des hôpitaux et le retrait du plan d'économies de 3 milliards d'euros sur la période 2015-2017 sur les hôpitaux ainsi que l'abandon de toute suppression de postes", indique Denis Basset, secrétaire général FO secteurs publics et santé. Le chiffrage des suppressions d'emploi dans les hôpitaux est de l'ordre de 22 000 sur les trois ans.

"La représentante du ministère nous a expliqué que les hôpitaux doivent participer aux réductions des dépenses publiques et que les efforts demandés sont moins importants que dans les autres ministères. Un discours difficile à entendre alors que le ministère de la Défense vient de recevoir une rallonge substantielle. Tout est une question de priorité", réagit Denis Basset qui souligne que les suppressions d'emploi envisagées représente le plus grand plan social national.

"Il nous a été dit que dans la conjoncture actuelle, les hôpitaux regardent de plus près les organisations du travail. Mais ils soutiennent que l'intention n'est ni de restructurer ou de réduire la masse salariale", explique Mireille Stivala, secrétaire générale de CGT-Santé.

"La colère et il va falloir qu'elle soit entendue", ajoute cette ancienne aide-soignante qui rappelle que "l'indice des salaires est gelé depuis cinq ans". 

L'intersyndicale devrait se réunir le 3 juillet pour faire le bilan de cette journée et envisager des actions pour la rentrée.

Des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes. A Morlaix où l'hôpital qui accuse un déficit de 2 millions d'euros, 800 personnes ont défilé.

Cyrienne Clerc

 

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Réactions

19 réponses pour “AP-HP : quand les soignants en ont ras-le-bol”

  1. La souffrance des soignants n’intéresse personne !!!
    Le publique ne réagira pas faute d’information et puis on ne gêne personne car le service publique est quand même assuré
    La preuve en est que toutes les manifestations sont apparues sur les chaînes publiques mais pas celle des hospitaliers !!!!
    Rien depuis le début du mouvement

  2. Je partage tout à fait votre point de vue Plethoria Plethoria! On a passé l année a trimballer notre fils chez les psy et autres spécialistes parce que l éducation nationale s’est déchargé de son cas!! Ils n’ont pas assumé leurs responsabilités et c’est bien dommage,surtout quand on sait que le budget de l E.N est largement supérieur a celui de la santé!!

    • la plupart sont u deviennent des planqués du système, preuve en est de cette instit qui s’en est pris à ces pauvres petits bouts de chou, couverte évidemment par la hiérarchie…. genre personne ne savait rien ! Minable !

  3. L opinion public réagira quand les médias feront leur travail et révéleront la situation dans laquelle se trouve le système de soins et ses acteurs ….

  4. Le burn out n’est pas une maladie professionnelle dixit nos chers sénateurs … Très chers … Aller hop circulez y a rien a voir ….

  5. Gisele Barbot dit :

    De tout coeur avec vous tous!

  6. Yvette Faire dit :

    Quand l’opinion public va réagir quand il sera trop tard?

  7. Je suis aide soignante en maison de retraite et pas ds le public et venez faire un tour ds ns service ! !!!!

  8. C même plus ras le bol c épuise de ce système

  9. pour certains je comprends pour d’autres bcp moins!!

  10. soignants, enseignants, travailleurs sociaux …. le ras le bol est généralisé

    • je ne vois pas en quoi les enseignants ont à se plaindre… ils ont fait un seul mouvement de grève important sous flamby et ont eu le droit à une prime annuelle de 400 euros

    • La prime annuelle concernait-elle tous les enseignants ? surement pas …. mais je ne vous en veux pas , c’est difficile de lutter contre le stéréotype prof=nanti

    • Faut arrêter de taper sur les profs, les gosses d aujourd’hui sont le reflet de l éducation des parents qu on a ds les services des hôpitaux. Je vous entends vous plaindre parfois de ces gens qui en veulent tjrs plus alors leurs gosses c est pareil et les profs et instituts bossent ds conditions tt aussi tendues avec parfois la boule aux ventre comme les soignants car il ne peuvent exercer leur métier correctement comme les soignants car on leur pond des programmes tt aussi débiles qu ils doivent appliquer . Alors au lieu de cracher et dénigrer les autres concentrons nous sur nos acquis pour les défendre! !!!

    • bah oui tient.. les profs envoient tous les gosses voir des psychologues, orthophonistes, psychomotriciens… en clair ils leur faudrait faire classe qu’à des premiers de la classe… c’est tellement plus facile de se décharger sur de professionnels de santé que de se remettre en cause et pour info, les professionnels de santé commencent à être lassés de ce genre de comportement de la part des profs… à vous lire tous les gosses sont mal élevés… mais remettez vous en question un peu, vous n’avez aucune notion de la psychologie de l’enfant. Vous vous comparez aux soignants mais vous ne manquez franchement pas de culot vous, vous avez nos horaires ? nos heures sup ? notre paye de misère ? des vies entre vos mains ? vous faites 56 trucs en même temps en manipulant des produits dangereux ? Non alors gardez vous de comparer votre métier au nôtre SVP ayez cette décence je vous prie et arrêtez de geindre un peu c’est usant, vous avez le droit de faire grève, on ne vous rappelle pas sur vos RTT (qui sont des récup d’heures travaillées mais non payées) vous avez des vacances sans qu’on vous regarde de travers parce que vous osez prendre presque deux semaines une fois dans l’année, vous ne taffez pas les week end et jours fériés alors gardez vous de vous comparer à nous. Et bien que ces derniers éléments ne me dérangent pas, je vous demande juste d’avoir l’honnêteté de reconnaître que vous êtes loin d’exercer l’un des métiers les moins confortables qu’il soit. Pour info, j’adore mon métier mais ce sont les conditions qui se dégradent et qui sont dégradantes qui me minent ! Je n’ai jamais vu de profs dans la rue pour les soignants donc non désolée, ne me demandez plus d’être solidaires de ceux qui n’en n’ont cure de nous et de leur système de santé et qui osent en parallèle être exigeants à l’hôpital !

    • il s’agit bien de tous les instituteurs non pour tenter de combler un fossé entre eux et ceux du secondaire et du lycée ? oui ? et elle existe toujours

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