Crise sanitaire : l’impact sur la coordination en soins primaires

La crise sanitaire a-t-elle ou non encouragé à la coordination des professionnels de santé sur le territoire ? L’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) a publié le 13 juillet une étude sur le sujet après avoir analysé le fonctionnement de six structures coordonnées.

Dans ce premier volet de son enquête sur l’Exercice coordonné en soins primaires face à l’épidémie de Covid-19, intitulé Les soins primaires face à l’épidémie de Covid-19, entre affaiblissement et renforcement des dynamiques de coordination territoriale, l’Irdes se concentre sur les reconfigurations de l’organisation des soins primaires durant la première vague de l’épidémie (mars à juin 2020), au sein de six territoires aux caractéristiques contrastées.

Elle repose sur une étude de cas comparative auprès de membres d’équipes pluriprofessionnelles de soins primaires et de leurs partenaires dans la réponse à l’épidémie. D’après l’étude, à la phase initiale de l’épidémie, la réorganisation précipitée des soins primaires a dépendu de trois types de dynamiques antérieures : coopération pluriprofessionnelle (division du travail au sein des groupes et entre groupes professionnels) ; coordination (entre les différentes organisations en charge des soins primaires) ; intégration territoriale (constitution d’un réseau d’acteurs, publics et privés, œuvrant à la production de normes pour organiser les soins primaires sur un même territoire).

L’intensité de ces pratiques varie selon qu’il s’agisse de dynamiques impulsées par le haut ou, à l’inverse, portées localement et de longue date par des professionnels de santé et des collectivités territoriales.

Une dynamique antérieure

Ces six configurations organisationnelles de soins primaires montrent que, là où les dynamiques de coopération pluriprofessionnelle, de coordination intersectorielle et d’intégration territoriale existent le plus fortement, elles reposent sur des territoires qui font sens pour les acteurs impliqués. C’est sur ces territoires vécus que vont s’appuyer la mobilisation et la coordination des soins primaires face à l’épidémie de Covid-19.

Néanmoins, toujours d’après l’étude, l’épidémie active et amplifie des dynamiques préexistantes de coordination des soins primaires plus qu’elle n’en crée de nouvelles. Les formes de coordination des soins primaires les plus poussées face à l’épidémie reposent, selon l’Irdes, sur des équipes déjà engagées dans des dynamiques locales et participant au déploiement d’instruments d’action publique à l’échelle des territoires, notamment des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Dans cette configuration, le contexte épidémique accroît la coordination des soins primaires et révèle le rôle de l’intégration territoriale dans ces dynamiques de coordination. En revanche, en l’absence de dynamiques de coordination préexistantes avant l’épidémie, la mobilisation des équipes de soins primaires dans ce contexte n’impulse pas de processus de coordination à l’échelle des territoires.

Un bouleversement organisationnel

Dans les territoires enquêtés, le contexte sanitaire entraîne toutefois un bouleversement des dynamiques antérieures de coopération et de coordination.

D’après l’étude, deux tendances sont alors observables, simultanément ou successivement. Tout d’abord un mouvement global de repli sur des logiques professionnelles ou des routines organisationnelles.

Ces replis ravivent, selon l’Irdes, les hiérarchies structurelles existantes entre les groupes professionnels, et entre le secteur de l’hôpital et celui de la médecine de ville. L’épidémie est ainsi, sur certains territoires, à l’origine de coopérations entre membres du même groupe professionnel, parfois au détriment de dynamiques de coopération pluriprofessionnelles antérieures.

Ils organisent leur espace de soin et leurs pratiques à l’échelle de leur groupe professionnel. Côté infirmière par exemple, au mois de mars 2020, la mobilisation des réseaux professionnels permet aux infirmières de s’organiser en l’absence d’instructions claires de la part des tutelles. Cette mobilisation leur permet souvent de s’affranchir des relations de concurrence qui préexistent à l’épidémie.

Deuxièmement, les équipes de soins primaires, déjà coordonnées, amplifient leurs coordinations, en particulier autour du recueil et de la distribution de matériels de protection ou en créant des liens avec les hospitaliers et les municipalités, ce qui accroît les dynamiques d’intégration territoriale.

Ainsi, l’étude conclut que si les projets préexistants ont permis la construction d’une culture commune, des tensions demeurent, même sur les territoires où l’intégration est la plus forte, autour de rapports de force politiques et institutionnels, entre alliances et concurrences pour assurer le contrôle de l’organisation territoriale des soins primaires.

Laure Martin 

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Pour aller plus loin : https://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/260-les-soins-primaires-face-a-l-epidemie-de-covid-19.pdf

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