Consultation plaies et cicatrisation : un suivi coordonné

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 La clinique Conti située à l’Isle-Adam (Val d’Oise) a ouvert en juin 2018 une consultation plaies et cicatrisation. Les patients, le plus souvent orientés par leurs professionnels de santé, reçoivent un suivi adapté et coordonné afin d’éviter une hospitalisation. La place de l’infirmière est centrale. Cet article est paru dans le n°36 d’ActuSoins Magazine (mars 2020). Le reportage et les photos ont été réalisés avant la crise sanitaire. 

Le Dr Hirad Farghadani, Aline (à droite), infirmière, et Amandine, prestataire de santé à domicile (PSAD), échangent sur la prise en charge et le protocole élaboré pour la plaie d’Eric, patient de la consultation. ©Ayoub Benkarroum

Ce matin, Eric se rend à la consultation de plaies et de cicatrisation de la clinique Conti pour son suivi.

Six mois auparavant, il découvre du sang dans ses chaussettes. Diabétique, il a l’habitude de contrôler attentivement ses pieds. « La plaie ne faisait que quelques centimètres, mais deux jours plus tard, elle avait considérablement grossi », témoigne-t-il.

Il consulte son médecin traitant qui lui prescrit un suivi infirmier libéral pour la réalisation de pansements. « L’infirmière vient tous les jours pour les faire mais elle a des difficultés à résorber la plaie, poursuit Eric. C’est elle qui a eu l’idée de me mettre en relation avec la consultation plaies et cicatrisation. » Depuis, il est suivi par le Dr Hirad Farghadani et son équipe. 

Consultation plaies et cicatrisation : répondre aux demandes des soignants

Aline prépare le pansement dans le cadre d’un protocole défini lors de la consultation. © Ayoub Benkarroum

Ce chirurgien vasculaire est à l’origine de l’ouverture de la consultation. « Les médecins traitants et les infirmières libérales (idel) ont parfois des difficultés à savoir quel type de protocoles mettre en place pour parvenir à la guérison de leur patient, explique-t-il. C’est à leur demande que nous avons ouvert la consultation. »

Dès la première semaine, le succès est au rendez-vous puisque trois patients demandent une consultation. Depuis, elle affiche complet. Le temps d’attente est variable, de deux à trois semaines, mais sur demande d’infirmières ou de médecins, l’équipe s’arrange pour voir le patient rapidement.

 « Avec cette consultation, il ne s’agit pas de dire que nous savons mieux ou plus que les médecins généralistes et les idel, souligne le Dr Farghadani. C’est juste que nous assurons la coordination des différentes spécialités, nous échangeons nos points de vue sur la plaie, cherchons son origine qui, dans 80 % des cas est un ulcère veineux, essayons de comprendre les causes de retard de cicatrisation, établissons un diagnostic. Ensemble nous trouvons le protocole personnalisé qui nous semble le mieux correspondre au patient pour permettre une cicatrisation rapide. »

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L’objectif principal est d’optimiser la prise en charge pour diminuer la durée des soins, éviter les hospitalisations et préserver l’autonomie, les patients les plus concernés étant les personnes diabétiques, artéritiques et les personnes âgées.

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Consultation plaies et cicatrisation : une prise en charge coordonnée

L’infirmière commence par enlever le pansement effectué par l’infirmière libérale d’Eric. © Ayoub Benkarroum

Après avoir obtenu un rendez-vous lors de l’une des deux journées de consultation hebdomadaire, le patient est reçu par le Dr Farghadani, en présence d’une infirmière et d’un prestataire de santé à domicile (PSAD). « Lors du premier rendez-vous qui dure en moyenne 45 minutes, nous reprenons l’intégralité des examens du patient auquel nous avons accès via son dossier patient, rapporte le chirurgien. Nous observons l’évolution de la plaie sur photos lorsqu’un suivi a déjà été effectué par des confrères. Nous pouvons également demander au patient d’effectuer des examens complémentaires comme un bilan sanguin ou des examens radiologiques à la suite de la consultation, au sein même de la clinique, dans d’autres établissements ou auprès de confrères libéraux. »

Le Dr Farghadani n’hésite d’ailleurs pas à avoir recours aux avis d’autres spécialistes tels que des dermatologues, des phlébologues, des angiologues, etc. « A titre d’exemple, pour Eric, nous avons soupçonné une ostéite du talon,poursuit le Dr Farghadani. Nous lui avons fait passer une IRM et des analyses biologiques qui ont confirmé notre diagnostic. » Le patient a alors reçu un traitement antibiotique intraveineux – après avis d’un infectiologue – et la pose d’un cathéter longue durée afin qu’il puisse rester à domicile.

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En fonction des résultats d’analyses, l’équipe réfléchit au traitement à mettre en place. « Lorsqu’une première prise en charge a eu lieu notamment par des infirmières libérales, nous leur demandons le protocole appliqué, et nous décidons soit de le poursuivre, soit d’en tester un nouveau », explique le chirurgien.

Consultation plaies et cicatrisation : le rôle clef de l’infirmière

Elle défait délicatement les dispositifs au contact direct de la plaie. © Ayoub Benkarroum

« Sans l’infirmière à mes côtés, je ne pourrai pas organiser cette consultation », reconnaît le Dr Hirad Farghadani. Deux à trois infirmières tournent sur le poste avec une seule présence par consultation. Infirmière au service ambulatoire de la clinique, Elodie n’a pas hésité lorsque le Dr Farghadani a proposé aux infirmières de l’équipe de rejoindre la consultation « car j’aime pouvoir découvrir de nouveaux domaines d’intervention », témoigne-t-elle. 

Après avoir accueilli le patient, l’infirmière l’interroge sur sa plaie, ses antécédents, ses examens, ses traitements. Elle réalise l’intégralité des pansements avec son expertise et son expérience, adresse des propositions de protocoles dans le cadre d’un travail d’équipe, gère les patients et les rendez-vous avec une secrétaire dédiée, et prend du temps avec les patients.

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« Notre rôle est autant relationnel que technique, poursuit Aline, également infirmière. Lorsque nous accueillons le patient, nous cherchons à savoir comment il se sent physiquement et psychologiquement, nous lui demandons s’il a des questions sur sa prise en charge, nous le questionnons sur sa relation avec son infirmière. »

L’infirmière a également un regard sur l’évaluation de la plaie. « Nous observons les améliorations, les complications, effectuons le compte-rendu », ajoute-t-elle. Les infirmières organisent aussi, avec le patient, la suite des soins en s’assurant par exemple qu’il dispose d’une idel, en lui demandant s’il est d’accord pour qu’un PSAD intervienne à son domicile ou s’il préfère récupérer le matériel lui-même à la pharmacie.

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L’IDE échange par ailleurs avec l’idel du patient notamment « lorsque nous avons besoin d’en savoir plus sur le suivi ou lorsque nous constatons une évolution de la plaie, une odeur, indique Aline. Nous pouvons évoquer avec elle le changement de protocole. Nous sommes vraiment dans l’entraide. »

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 « J’ai parfois été confrontée à mes limites dans le cadre de cette consultation et la présence du PSAD m’a aidé car nous pouvons lui poser des questions sur les protocoles », rapporte Elodie, qui reconnaît avoir beaucoup appris sur l’intérêt d’utiliser de tel ou tel pansement en fonction d’un type de plaie. 

Le lien assuré par le PSAD

Pour un meilleur suivi du patient, des photos de sa plaie sont régulièrement prises. © Ayoub Benkarroum

Autre acteur clef de la consultation : le PSAD justement, présent dès le premier rendez-vous du patient à la consultation. Il encadre la réalisation du pansement par l’infirmière pour un bon usage du matériel puis assure le suivi à domicile. « Je prends rendez-vous avec les infirmières libérales, soit à leur cabinet, soit directement chez le patient lorsqu’il est d’accord, pour leur expliquer l’utilisation du pansement et la réalisation du protocole de soins qui a été décidé à la consultation », explique Amandine, PSAD en charge du suivi d’Eric.  

« Le rôle de la PSAD est fondamental car elle assure la coordination entre le patient, les infirmières libérales et moi »,affirme le Dr Farghadani. Et de poursuivre : « Lorsque les idel prennent en charge le patient à domicile, elles ont besoin d’échanger avec nous. Mais je ne suis pas toujours disponible du fait de mon activité au bloc opératoire. Comme elles ont besoin d’une réponse rapide, nous avons acté qu’elles joignent le PSAD, qui peut dans un premier temps leur donner une orientation dans la prise en charge du patient, si nécessaire. Puis, il me contacte pour faire le point. »

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Un compte rendu a lieu à chaque consultation avec photos à l’appui pour observer l’évolution de la plaie, et ce, jusqu’à guérison. Le patient, s’il l’accepte revient tous les quinze jours si besoin, sinon tous les mois. « Nous avons pris en charge des patients le jour même de leur rendez-vous pour se faire amputer et nous sommes en bonne voie pour la guérison de leur plaie », se félicite le Dr Farghadani. Le suivi personnalisé des patients n’a pas de limite dans le temps, la priorité étant donnée à la guérison de la plaie.

Laure Martin

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Le Dr Farghani a accès à l'ensemble des photos dans le dossier patient d'Eric pour constater l'évolution des plaies. © Ayoub Benkarroum
Aline réalise le nouveau pansement selon les recommandations et le protocole établis en commun accord. Amandine, PSAD, habituée aux différents dispositifs, conseille sur le bon usage de ces derniers. © Ayoub Benkarroummore
L'infirmière applique un pansement hydrogel sur la plaie. © Ayoub Benkarroum
Aline termine le pansement. © Ayoub Benkarroum
Amandine dispense des conseils sur sa bonne réalisation, qui consiste en un nettoyage simple au sérum physiologique, l'application d'un pansement hydrogel au contact direct de la plaie, la pose d'un pansement hydrocellulaire stérile non adhésif, puis d'un bandage tubulaire de confort. © Ayoub Benkarroummore



Cet article est paru dans le n°36 d’ActuSoins Magazine (mars-avril-mai 2020)

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