Les Infirmiers libéraux ont peur pour l’avenir de leur mode d’exercice

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Avec la loi Santé votée en décembre dernier et le récent rapport de la Cour des Comptes qui préconise le développement des HAD, nombreux sont les infirmiers libéraux qui ont peur pour l’avenir de leur mode d’exercice dans la profession. Explications. 

© Jose Oto/BSIP

L’activité libérale de la profession infirmière serait-elle amenée à disparaître? C’est en tout cas ce que craignent de nombreux professionnels qui estiment ne presque plus avoir de place dans les projets politiques de Santé. En cause notamment : la volonté politique (loi de santé) de développer des maisons de santé ainsi que le récent rapport de la Cour des Comptes  qui préconise le développement de l’HAD, avec une « intervention coordonnée de professionnels libéraux de santé« .

Dans une lettre ouverte datée du 31 janvier, adressée à Marisol Touraine, le collectif IDEL Cotentin en colère (voir encadré ci-dessous),  reproche entre autres à la ministre d’avoir fait « complètement disparaître les libéraux de ses préoccupations« .

Le même collectif dénonce aussi le traitement médiatique des décisions politiques de santé. « Tandis qu’au journal national de France 3 du mardi 26 janvier, un reportage était consacré à la volonté de développer les HAD, leur coût étant 4 fois moindre que celui d’une hospitalisation, il a été omis de dire que ces mêmes soins pouvaient être pris en charge par des infirmiers libéraux divisant leur coût par 20! Quel mauvais choix pour illustrer ce sujet, mais quelle réalité » explique dans la lettre Florent Régal, président du Collectif.

Collectifs Vs Syndicats

Depuis quelques mois, plusieurs collectifs d’infirmiers libéraux voient le jour. Parmi ces groupements d’infirmiers qui se mobilisent et essayent de mutualiser leurs idées, le collectif La Grève c’est maintenant. A l’initiative de plusieurs manifestations et opérations escargot en 2015, le collectif regroupe  à ce jour 3273 membres sur le réseau social Facebook.

En marge des syndicats et de l’Ordre National des Infirmiers, sur les réseaux sociaux, se trouvent aussi les collectifs « Touche pas à nos IDEL’S« ,  « Infinidel« , « Informidel » … Autant de groupements qui permettent aux professionnels d’échanger et de se regrouper pour se défendre.

Le Collectif des IDELs du Cotentin, lui, justifie la création de tous ses groupes par une « inaction des syndicats« .

« Aujourd’hui, 4 grandes formations syndicales s’auto-déclarent représentatives de notre profession… En 2012, la somme de l’ensemble des adhérents représentait approximativement 10000 personnes pour un total d’environ 110000 Idels sur le territoire, soit 9% des effectifs.  Aucune des 4 formations ne se pose jamais la question de comprendre pourquoi! » interpelle Florent Régal, dans une lettre adréssée aux syndicats.

Si le collectif attend une réponse du ministère de la santé suite aux 2 lettres successives qu’il lui a adressées, il espère aussi une réponse et des actions des syndicats qui aux yeux du collectif « méprisent » les collectifs indépendants.

En attendant, le collectif effectue une campagne de lobbying pour informer le plus grand nombre. La presse grand-public devrait d’ailleurs recevoir dans les prochains jours des communiqués pour être informée de cette  inquiétude grandissante des Idels, et traiter le sujet, si bon lui semble…

Rédaction ActuSoins

Encadré : Les IDEL du Cotentin s’adressent directement à Marisol Touraine, dans une lettre ouverte.

Cherbourg-Octeville le 31 janvier 2016

Madame la Ministre,

Le 15 décembre dernier, nous, « collectif Idels cotentin en colère » vous adressions une lettre ouverte afin de vous faire part de notre colère et de notre inquiétude face à votre projet dit de « modernisation » de la loi santé.

Inutile donc, d’en reprendre les termes.

Suite à ce courrier, Madame Gosselin-Fleury, notre députée relayait notre demande d’entrevue auprès de Monsieur Attal conseiller parlementaire et de vous même par lettre en date du 22 décembre.

A ce jour et selon nos craintes, vous avez choisi de ne pas donner suite à ces demandes en outre, de ne pas même avoir la simple délicatesse d’y répondre ce qui marque un peu plus le mépris porté à notre profession. D’autres collectifs ces derniers mois tentaient l’ouverture d’un dialogue avec vous et jamais vous n’avez donné suite.

Jamais un Ministre d’état représentant notre profession n’avait fait montre de tant de dédain…

Vous vous revendiquez en femme politique de dialogue, vous ventez les vertus des choix que vous faites envers et contre tous les avis contradictoires des professionnels de santé, vous affichez encore aujourd’hui lors des questions au gouvernement un triomphalisme et une autosatisfaction sans limite au regard « d’avancées historiques » quant à la multiplications des structures ambulatoires de soins palliatifs, vous ne tarissez pas d’éloge pour la multiplication des HAD et nous constatons que les infirmiers libéraux, déjà absents de vos discours, ont définitivement disparu de vos préoccupations…

Alors, Madame la Ministre, tandis qu’au journal national de france3 du mardi 26 janvier un reportage était consacré à la volonté de développer les HAD, leur coût étant 4 fois moindre que celui d’une hospitalisation, il a été omis de dire que ces même soins pouvaient être pris en charge par des infirmiers libéraux divisant leur coût par 20 ! Quel mauvais choix pour illustrer ce sujet mais quelle réalité !

Pour rappel , Madame la ministre ou pour information, un infirmier libéral aujourd’hui, assure la continuité des soins 7 jours/7 et 365 jours par an, ne peut pas faire valoir ses horaires de nuit, se déplace pour 2,50 euros, assure des soins d’hygiène, de nursing, des pansements , des prélèvements et injections sur une séance d’une heure pour la somme de 18,40 euros brut déplacement compris soit environ 9 euros net !!!! Comment ne pas comprendre notre colère ?

Alors que les citoyens sont entièrement attachés à notre cause et savent notre dévouement, alors que nos hôpitaux publics (et celui de notre ville en est un exemple) sont à l’agonie, que l’état sanitaire du pays n’a jamais été aussi alarmant, vous persévérez sur votre ligne dogmatique par des projets que nous savons chaque fois plus mortifères pour notre si respectable profession.

Dernier point, Madame la Ministre, vous avez à maints reprises vanté les vertus du tiers payant généralisé que nous pratiquons pour la plupart, garantissant le paiement des actes dans des délais très court… Aujourd’hui, force est de constater que non seulement les remboursements de nos actes se font de plus en plus difficiles dans une totale opacité mais que lorsque nous pouvons détecter l’impayé d’une caisse complémentaire il est pratiquement impossible de régulariser la situation tant le labyrinthe des plateformes téléphoniques est fastidieux et inefficace !

Nous vous demandons donc instamment de prendre les mesures nécessaire afin de faire respecter le paiement par les caisses et les dites mutuelles et ainsi d’apporter un peu de crédit aux promesses tenues sans quoi nous appellerions fortement l’ensemble de la profession à se désengager des conventions passées et à vous adresser en masse les impayés fallacieux de nos chères multinationales afin que vos services en assurent la garantie des règlements, ceci, bien sûr au détriment, une fois de plus, des patients bénéficiaires de soins…

Nous demandons en outre la mise en place de services téléphoniques dédiés aux professionnels ayant la capacité de répondre rapidement et de manière efficace à ces graves dysfonctionnements qui épuisent notre quotidien …

Nous renouvelons, Madame la ministre, notre demande à vous rencontrer, à être entendus, à vous faire part de notre réalité de terrain et de notre droit au respect et à la considération.

Sollicitant vivement une réponse de votre part, veuillez agréer, Madame la Ministre nos respectueuses salutations.

Pour le collectif Idelcec : Florent Regal

Voir les commentaires (136)

  • Étant donné qu'en milieu rural l'had ne se déplace pas (chez moi en tout cas) a plus de 10km de la ville. Ils font appel aux libéraux pour ceux plus loin

  • L had n'a pas signé les accords pour les cotations donc applique leur propre cotation, pas de mci sur les patients en fin de vie car considère que c'est eux qui gère la coordination ce qui est faux car le week end ils sont aux abonnés absent....donc oui l had est dangereux pour notre exercice!

  • Je travaille en had ( je suis as), on collabore très bien avec les libéraux, de toute façon la prise en charge en had reste une décision médicale! Et les patients et leurs familles ont leurs mots à dire!

  • Je trouve personnellement que ce genre de pratique (idel) coûte un pognon fou. Cela ne pourra pas durer éternellement. La France a intérêt à developper les HAD et offrir davantage de soins à domicile à partir de structures publiques. En Suisse et au Québec l'infirmière libérale n'existe pas. Tous les soins à domicile complexes ou non sont assurés par des infirmières ou aide soignantes oeuvrant dans une structure appelée CMS (centre médico-social) ou CLSC (centre local de santé communautaire). Elles y ont leurs bureaux, leur matériel, elles passent de nombreuses heures de formation continue pour se mettre constamment à jour. Certe leur salaire n'est pas comme dans le libéral, il est fixé selon l'ancienneté par heure, les kilomètres parcourus sont comptabilisés sur leur salaire. Bref, ça leur fait moins de paperasses à gérer et plus de temps à se consacrer aux malades et aux familles. Je dis ça je dis rien mais je pense qu'il faut revoir un peu tout ça! Bonne journée.

    • Je crois surtout que vous ne connaissez rien aux tarifs des idel et des had !!!!!
      Aberrant de lire des conneries pareil

    • Renseignez vous sur les prix de journées en HAD et vous constaterez que votre réponse n est pas très crédible !!!

    • C'est carrément l'inverse....les HAD coûtent un argent dingue, ce sont, et de très loin les IDEL qui reviennent le moins cher à la collectivité.

      Quant )à l'Amérique du Nord et la Suisse, bien piètres exemples: la Suisse importe massivement des IDE françaises et l'Amérique du Nord cite le système des IDEL comme étant une nette avancée.Ne parlons même pas des USA, où les touristes américains sont sur les fesses quand ils voient cela, l'IDEL qui passe à la maison...

      Et dans ces deux payes, les revenus des IDE n'ont rien de comparable....ils sont tirés par le haut.

      Après tout, l'HAD ne fonctionne que aprce qu'il y a des IDE qui acceptent d'y bosser comme salariées...

  • Chez nous l'HAD fait sortir les patients hospitalisés sans même prévenir les idel en vendant du rêve aux familles qui s'imaginent avoir une prise en soins de qualité à la maison et un soutient. Or c'est faux bien souvent quelques jours après la sortie les idel sont appelées pour les prévenir de la sortie du patient (c'est pas trop tôt) mais surtout pour leur dire que l'HAD ne peut plus s'occuper du patient (trop lourd donc pas assez rentable) et qu'ils passent donc le relais à l'idel sans même demander son avis ni même celui du patient ou de sa famille.
    Et encore c'est dans le cas où l'HAD est le plus correct....
    L'autre jour j'ai reçu un appel du fils d'un patient qui n'était pas encore suivi par des idel et qui cherchait des Ide pour s'occuper de son papa sorti avec l'HAD 1 semaine plus tôt. Son papa (patient lourd) avait besoin de 3 passages par jours et l'HAD a donc dit au fils de se trouver des idel parce qu'ils ne s'occuperaient plus de son papa.
    QUELLE HONTE
    Et après on remet en doute le travail des idel au profit de ces escrocs.
    Ça fait bien longtemps maintenant que je refuse toute collaboration avec l'HAD et je ne m'en porte que mieux

    • Il faudrait d'ailleurs voir le cadre juridique qui leur permet de se "débarrasser" des patients ainsi...

  • Had une très belle réussite des personnels attentifs et qualifiés ...j vous trouve remarquables collègues ....

  • Aujourd'hui il est illusoire de croire à une possible collaboration entre HAD et IDEL !! Le respect des règles de la concurrence est inexistant, notre voix est inaudible et notre visibilité inexistante ! Le réveil est urgent , le réflexion nécessaire ... Arrêtons de privilégier le profit au péril ! Stop à l'HAD ✋

  • Que dire de plus tout a bien été expliqué dans ce courrier. Merci de partager
    Au plus grand nombre car
    C'est un sujet qui vs concerne tous.

  • Collaboration... Mon œil... Aujourd'hui je me rend chez un patient pour une injection de granocytes ( phase terminale d'un cancer du foie chez un patient de 55 ans).
    Depuis plus de trois ans nous accompagnons ce monsieur dans son combat contre la maladie avec ma collaboratrice. Il a été hospitalisé la semaine dernière et je me trouve ce jour nez à nez avec l'had qui comme d'habitude n'a rien demandé concernant l'équipe en place.
    Aujourd'hui j'ai dit adieu à mon patient les larmes aux yeux. Je refuse de me battre devant lui et sa famille alors qui sont totalement anéantis et déboussolés et ne comprennent pas pourquoi on ne pourra plus venir. Les patients sont pris "en otage", on leur vend l'hôpital à la maison, ils pensent avoir une présence 24/24 bin voyons 2 passages par des équipes qui changent sans arrêt et basta!
    Les médecins prescripteurs sont désinformés la plupart ne connaissent même pas le fonctionnement des Had... Ah c'est certains ils se vendent bien mais que font-ils de plus ou de mieux que nous??? Bin rien ils ne connaissent pas les patients ( personne n'était au courant qu'il avait ces injections 1 fois par semaine) et arrivent comme des " sauveurs"
    Je suis triste de voir combien on méprise les libérales, aujourd'hui j'ai le coeur lourd car j'ai été forcée d'abandonner mon patient au moment où il a le plus besoin de moi...

    • C est vrai que c est le bazar avec l had,moi quand je peux les éviter, je les évite!
      Désolée pour votre patient.Bon courage à vous.

    • Ton message est très touchant et tellement vrai! Courage ma belle..gros bisous et continues à te battre pour les autres patients qui ont besoin de toi.