A Ouessant, une infirmière libérale sur l’île du bout du monde

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Sur l’île d’Ouessant, dernière terre avant l’Amérique, Isabelle Le Vourc’h, infirmière libérale, sillonne quotidiennement les routes étroites du « caillou », au milieu des moutons. Cet article est paru dans le n°35 d’ActuSoins Magazine (janvier 2020). Il a été rédigé avant le début de la crise sanitaire, ndlr. 

Isabelle Le Vourc’h reçoit rarement les patients dans son cabinet, au bourg de Lampaul. Elle se déplace au domicile des patients. Plus de 20 % des habitants ont plus de 75 ans. © Céline Diais

Dernière sentinelle en mer d’Iroise, Ouessant se dresse à l’Ouest de la Bretagne après une heure et demie de bateau. Dès l’arrivée, la puissance des éléments frappe le visiteur. Les mauvais jours, le vent, la houle et les courants forts rendent difficile son accès. C’est ici qu’Isabelle Le Vourc’h, 33 ans, exerce. La jeune infirmière connaît le caillou comme sa poche. Elle y a passé toutes ses vacances, enfant. Après avoir exercé trois ans à l’Ehpad de l’île, elle a ouvert l’été dernier le deuxième cabinet infirmier de l’île. Elle partage dans le bourg des locaux avec le médecin généraliste et la kinésithérapeute de l’île.

L’été, quand la population de Ouessant quadruple, les vacanciers font appel à elle. A l’année, 871 Ouessantins y vivent. La quasi-totalité des soins se fait à domicile. Des liens forts se sont créés avec les anciens, d’autant qu’Isabelle a fait le choix de vivre à Ouessant. Elle s’est aussi beaucoup impliquée dans la vie locale en s’engageant comme infirmière sapeur-pompier à l’unique caserne de l’île.

Dans un tel environnement, assurer la continuité des soins impose une organisation sans faille. « Je ne compte pas mes heures », raconte Isabelle qui travaille sept jours d’affilée, à raison de deux semaines par mois. Deux remplaçantes la relaient, chacune pendant une semaine entière. Elles arrivent du continent et sont hébergées à petit tarif au sein d’une maison des saisonniers. Une solution qui permet de faire face à la pénurie de logements alors que la moitié des maisons sont des résidences secondaires.

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Confrontée au quotidien à l’isolement géographique, son seul mot d’ordre, c’est « toujours anticiper ». « Ma voiture c’est mon bureau. C’est sûr, je ne suis jamais bloquée dans les bouchons. Mais quand les conditions météos se dégradent, l’île n’est plus approvisionnée en carburant. Alors, dès que mon réservoir arrive à la moitié, je file faire le plein à la station essence », s’amuse la jeune femme.

Texte et photos Céline Diais

Cet article est paru dans le n°35 d’ActuSoins Magazine (décembre-janvier-février 2020)

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Une fois par semaine, l’infirmière rend visite à Vanda, 91 ans. Elle surveille sa tension et vérifie ses médicaments. « Bon pied bon oeil », la Ouessantine les prépare elle-même avant l’arrivée de l’infirmière. Pour les anciens, les visites d’Isabelle sont autant d’occasions de parler de la pêche, des transports et de la vie de tous les jours. © Céline Diaismore
Sous dialyse depuis 27 ans, Katia a pu enfin séjourner à Ouessant cet été grâce à un appareil de dialyse portatif fourni par la fondation AUB (Association des urémiques de Bretagne) Santé. Isabelle et ses deux collègues ont suivi une formation pour utiliser l’appareil. Seule contrainte : il nécessite une dialyse six jours sur sept. Depuis cette première, d’autres patients se sont manifestés et espèrent pouvoir être dialysés sur l’île. © Céline Diaismore
En plus des soins, l’infirmière conseille, rassure. Parmi les anciens, comme Maggie, certains ont connu l’infirmière toute petite. « Il paraît qu’à cinq ou six ans, je sautais sur les genoux d’une de mes patientes », raconte Isabelle. © Céline Diaismore
La plaie de Guylaine cicatrise mal. Isabelle change chaque jour le pansement et applique une mèche souple pour absorber les sécrétions. La question des liaisons bateau entre Brest et Ouessant et au coeur des discussions. En cas de rendez-vous auprès d’un spécialiste, il faut souvent partir la veille et dormir à l’hôtel. Les Ouessantins peuvent faire l’aller et retour dans la journée uniquement le vendredi. © Céline Diaismore
Changement de pansement post-intervention pour Françoise. Cette dernière a exercé comme infirmière sur l’île. Elle est aujourd’hui à la retraite. © Céline Diais
Isabelle passe plusieurs fois par semaine récupérer les prélèvements des patients de la maison de retraite. Elle en profite pour saluer ses anciennes collègues. « C’est important d’être solidaires, explique-t-elle. En cas de gros problème d’approvisionnement en matériel médical, je sais qu’on pourra s’entraider avec la maison de retraite ». © Céline Diaismore
Sept heures du matin, prise de sang chez Yves. © Céline Diais
Isabelle se rend ensuite au petit aéroport pour y déposer les prélèvements. A neuf heures, un avion relie Ouessant à Brest une fois par jour, du lundi au samedi, quand il n’y a pas de brume… Cela évite aux 0uessantins des déplacements sur le continent. © Céline Diaismore