Le premier jour comme infirmière libérale : La petite infirmière dans la prairie [Blog]

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Dans son billet « Le premier jour en libéral », la petite infirmière dans la prairie nous fait partager sa première expérience en tant qu’infirmière libérale remplaçante. C’était il y a bientôt dix ans.

Aujourd’hui, c’est mon premier jour en tant que remplaçante. Il y a quelques semaines, une infirmière libérale m’a contactée. Elle a su par hasard qu’une infirmière habitait dans le coin. Comme elle cherchait quelqu’un pour quelques jours par mois, elle m’a appelée pour la rencontrer et m’a proposée de faire une tournée avec elle. Moi j’avais envie de changer de crémerie alors ça tombait bien. Je travaillais en clinique et j’en avais marre d’être un pion dans l’immensité hospitalière. Je décidais donc de me lancer, un peu par hasard dans l’aventure du libéral.

J’attends sur le bord du trottoir, dans le froid de l’hiver que l’infirmière me prenne en passant. Un soupçon d’anxiété pointe le bout de son nez et j’ai une boule dans la gorge. La voiture arrive et je plonge à l’intérieur pour une matinée en doublure. L’infirmière me vend le libéral comme une destination de rêve pour passer ses vacances. Pour l’instant, je ne trouve rien de paradisiaque au fait de me lever au beau milieu de la nuit, et d’arpenter les routes désertes avec une inconnue mais bon, on verra dans quelques heures ou quelques jours. Je me serai fait une idée un peu plus précise de la situation. Pour l’instant, c’est un monde inconnu qui s’ouvre à moi, avec toutes ces maisons, tous ces chemins et tous ces nouveaux visages. Je note avec assiduité toutes les informations qui me seront utiles lorsque je serai seule à la barre : Tourner après le petit bois, la maison est au fond ; là, prendre la tension artérielle une fois par semaine ; ici, venir avant 7 heures car le monsieur part travailler. Mon cerveau se remplit d’informations. J’évolue dans un univers étrange où je n’ai aucun repère. J’enregistre, j’écris, je regarde, je fais des sourires et parle un peu, pas trop, juste ce qu’il faut.

L’infirmière me raconte son quotidien. Elle parle de ses patients (elle dit « mes » patients, à tout bout de champ comme s’ils lui appartenaient). Son cabinet, c’est sa vie alors elle me fait comprendre qu’il va falloir que ça se passe bien. Je ne bronche pas, ne veux pas la froisser tout de suite.

Les visites s’enchaînent. À midi, je suis fatiguée et mon cerveau est prêt à exploser. La tournée se poursuit jusqu’en début d’après-midi. Mon estomac montre des signes évidents d’affaiblissement et me fait comprendre en gargouillant bruyamment que le casse-croûte serait le bienvenu. J’ai pourtant l’habitude des rythmes décalés mais je me sens dérouté par ce milieu si particulier. Peut-être à cause de la voiture, du froid, des réflexes à acquérir et du rythme soutenu de ce premier jour.

Le lendemain, je suis seule aux commandes. Je commence très tôt pour garder une marge de manœuvre assez large. On ne va pas tenter le diable en ce premier jour. La tournée est plutôt légère, ce qui n’est pas un mal pour un début. Je suis tendue comme un string, les mains crispées sur le volant mais je ne m’en sors pas si mal malgré quelques demi-tours et marches arrière. Les patients sont plutôt accueillants. Ils ont été briefés par l’infirmière et c’est bien normal. Tous m’expliquent que madame l’infirmière est très courageuse, « vous savez, elle travaille tout le temps ». C’est flippant, il va falloir faire son trou pour se faire accepter. La p’tite jeune qui arrive, cela ne rassure pas toujours…

Les difficultés commencent au premier appel. Eh oui, j’ai hérité pour la journée de la précieuse ligne téléphonique du cabinet. La personne au bout du fil a besoin d’anti-inflammatoires. Elle m’indique son adresse et là, grand moment de solitude, je ne sais pas mais alors pas du tout comment me rendre à l’adresse indiquée. Et plus elle m’explique, moins je comprends. Heureusement le mari vient me sortir du pétrin en m’attendant au bout du chemin. Plus de peur que de mal. La journée s’enchaîne en rythme des visites. Je prends mes marques et me détends. À la fin de la tournée, je n’ai oublié personne, n’ai pas fait de bêtises (du moins, je ne crois pas) et suis plutôt contente de moi. Le fait d’être seule ne m’inspire pas plus que cela, je préfère le travail en équipe. Par contre, j’aime aller chez les gens et j’apprécie de pouvoir m’organiser comme je l’entends. Le soir, je retrouve l’infirmière libérale. Elle ne semble pas inquiète. Pour elle qui en est à sa quatrième remplaçante, c’est la routine. D’ailleurs, tout semble pour elle un peu routinier, peut-être à cause de ses nombreuses années d’exercice et sa solitude professionnelle. Je décide d’accepter sa proposition. Je vais tenter de m’installer en libéral, d’abord en remplacement puis après on verra. Ce que je sais, c’est que je ne travaillerai pas seule parce que cela ne me correspond pas. Je préfère partager les problèmes comme les bons moments.

Voilà, c’était il y a bientôt dix ans que je me suis installée en tant qu’infirmière libérale. Dix ans qui sont passés à la vitesse de la lumière, la faute au temps qui file. La faute aussi, à ce métier à la fois passionnant et envahissant. En dix ans, je me suis demandé des centaines de fois ce que je faisais dans cette galère. En dix ans, je me suis dit des centaines de fois que j’étais fière de mon parcours. Un parcours d’infirmière semé d’embûches que j’ai très souvent envie de quitter. Pourtant, je continue, parce que pour l’instant, cela me convient. Après, on verra, demain est un autre jour….

Ce billet a été publié le 21 décembre 2016. ActuSoins remercie la petite infirmière dans la prairie pour ce partage. D’autres articles – des tranches de vie, des réflexions,…- à lire (presque tous les jours) sur son blog la petite infirmière dans la prairie.

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