Infirmiers sapeurs-pompiers : une formation méconnue

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Ils sont infirmier(e)s en Ehpad, en pédiatrie ou aux urgences, et veulent devenir aussi infirmiers sapeurs-pompiers. Par complémentarité ou comme continuité, la formation Pisu leur permet d’afficher cette double casquette.

 

©Natacha Soury

Franck Pilorget, chargé de formation et Nicolas, stagiaire.

« Vite, aidez-moi, j’ai trop mal! » Une jeune femme à terre vient de chuter et se plaint de violentes douleurs à la hanche. Elle garde son sérieux, mais ne peut s’empêcher un petit mot complice aux sapeurs-pompiers et infirmiers présents sur place. Car Mélanie, 26 ans, n’est pas une « vraie » victime, mais une infirmière en exercice de simulation.

Elle suit la formation Pisu (protocoles infirmiers de soins d’urgence), passage obligé pour les infirmiers qui exerceront comme volontaires au Sdis.

Parmi les autres stagiaires infirmiers, Nicolas, 27 ans, déjà familier de l’urgence, puisqu’il exerce au Smur du Havre. Ce dernier joue son propre rôle dans au sein de cette simulation hivernale.

Il débarque donc sur les lieux de l’ “accident », calme, mesuré, se présente, se renseigne auprès des pompiers déjà présents sur la situation. Sous le regard concentré de Franck Pilorget, son formateur, qui prend minutieusement des notes. Trente minutes après, l’exercice est terminé. Il est l’heure de réaliser un debriefing.

« Qu’en pensez-vous? » demande Franck Pilorget à ses stagiaires. Les élèves semblent convaincus de la prestation de Nicolas. Sauf sur un point : la « patiente » évaluait certes son mal à 5, mais elle se tordait de douleur. « En effet, tu aurais sans doute pu la mettre sous morphine », estime Franck. Il note positivement son attitude non paniquée, un gros plus, et la pertinence de ses questionnements.

Ce petit exercice fait suite à une semaine de théorie (Pisu 1), qui sera complétée, en juin, par une semaine de cas pratiques (Pisu 2). Pendant cinq jours, les stagiaires ont reçu une série de cours, avec des pharmaciens, des médecins, pour compléter leurs connaissances. A la fin, une évaluation écrite permet à Franck Pilorget de mettre leurs connaissances à l’épreuve.

Apporter une première réponse médicale

©Natacha Soury

Franck Pilorget est un homme occupé, qui se partage entre ses fonctions professionnelles au CHU de Rouen, où il exerce comme infirmier anesthésiste, celle de président de l’Association des infirmiers sapeurs-pompiers (Anisp) et ses « loisirs » comme volontaire sapeur-pompier.

Ce travailleur infatigable est aussi chargé de la formation au Sdis. Plusieurs facettes bien distinctes mais une même volonté d’apporter la meilleure prise en charge possible au malade.

A ses yeux, il est dommage que la formation d’infirmier sapeur-pompier (ISP) soit encore trop peu méconnue. Selon lui, « c’est une solution peu chère, à l’heure où les économies sont de mise dans le secteur de la santé, et surtout efficace. » Mais qui, parfois, fait grincer des dents. « Certains pensent que nous cherchons à remplacer les médecins urgentistes, mais pas du tout, rappelle bien Franck Pilorget.

« Je pense que l’ISP est un bon système. C’est un intervenant de proximité en complément des pompiers ou des médecins urgentistes, qui peut apporter une première réponse médicale. Car l’ISP peut exercer en autonomie, sans nécessairement besoin de renforts si la situation ne l’exige pas. Il peut faire des gestes, sur protocoles (comme la pose d’une voie veineuse périphérique, l’administration de médicaments, voire intubation trachéale en fonction de leur formation ndla…) en pleine légalité, selon le code de la santé publique », précise-t-il.

Face aux éventuelles contestations, il estime que lors d’une simple hypoglycémie, mieux vaut « envoyer un ISP qu’un médecin urgentiste, qui sera plus habilité à des situations plus graves. »

Une formation pour passionnés

©Natacha Soury

Parmi les sept apprentis sapeurs-pompiers de cette session, les profils sont bien différents. Mélanie, qui est infirmière libérale, s’intéresse particulièrement au secourisme, et moins aux soins purs. Elle aime l’idée “d’arriver sur le moment présent et de prodiguer les gestes adaptés tout de suite.”

A ses côtés, Katy, 32 ans. Avec cette formation, elle espère “mieux comprendre ce qui se passe avant l’arrivée aux urgences”, exerçant au CHU de Rouen. “Il faut saisir quelle est la place d’un infirmier dans un milieu pompier”, précise la jeune femme.

Quant à Laetitia, 30 ans, mère de deux enfants, elle travaille dans un Ehpad, mais est pompier volontaire depuis ses 18 ans. “J’attends plus d’autonomie, vu qu’on assure les premiers soins seuls”, explique-t-elle.

La journée se termine. Franck s’apprête à rentrer chez lui. A ce moment précis, un appel du Sdis. Une urgence. Un corps sur les rails à la gare d’Yvetot. Aussitôt, Franck embarque en courant dans son véhicule, allume le gyrophare et la sirène, fonce. Trop tard. C’est un suicide.

S’il ne peut pas apporter de soins médicaux, sa parole réconforte néanmoins une femme, choquée, qui a assisté à la scène. « Vérifier que la personne peut verbaliser, qu’elle n’est pas dans le mutisme, et s’assurer qu’elle ne reste pas seule le soir », voilà ce que vient de faire Franck. A ses côtés, Laetitia. Une action « surprise », à laquelle elle sera malheureusement de nouveau concernée. Mais la prochaine fois, en tant qu’ISP autonome.

Delphine Bauer/ Youpress
Article paru dans ActuSoins magazine

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