Maud, infirmière de nuit : après deux ans, j’ai atteint mes limites

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Se lever à l’heure du goûter, prendre sa pause déjeuner à minuit, croiser les joggeurs matinaux en rentrant se coucher… Pendant deux ans, Maud a « vécu à l’envers ». Infirmière, elle a choisi la nuit pour gagner en expérience. Ses gardes l’ont privée des fêtes du samedi soir et des brunch du dimanche. Pourtant, si c’était à refaire, elle foncerait tête baissée. Témoignage paru dans Obs Plus.

©Pixabay

La nuit, je l’ai choisie. Lorsque j’ai fini mes études d’infirmière en 2013, j’ai postulé avec enthousiasme pour un job qui m’a obligée à arriver au boulot à 21 heures et à en repartir à 7 heures du matin. Mon rythme était particulier : j’alternais entre une semaine de cinq jours et une de deux jours.

C’est comme ça que, pendant deux ans, j’ai pris mon petit-déjeuner à l’heure du goûter, j’ai sauté dans le bus direction l’hôpital pendant que mes amis profitaient de l’happy hour et je suis rentrée me coucher devant une série juste à temps pour voir le soleil se lever et les fêtards se traîner jusqu’à chez eux.

Infirmière de nuit : J’ai atteint ma limite

Plus de vie sociale, un organisme déréglé, des poches sous les yeux, une lutte permanente pour ne pas s’endormir au travail, un sentiment d’ennui et de régression à force d’être peu sollicitée intellectuellement, une angoisse latente de se faire agresser en pleine nuit… Les concessions étaient nombreuses.

En 2015, j’ai atteint ma limite.

Éreintée, j’ai décidé de sacrifier 200 euros de salaire et mes 15 semaines de « vacances » par an – obtenues en posant deux jours de RTT sur une semaine de deux nuits – et je suis passée de jour.

Cependant, si c’était à refaire, je foncerais les yeux baissés. Je ne regrette rien. Mon choix était le bon. Travailler de nuit a ses avantages. Surtout à l’hôpital.

Infirmière de nuit : La nuit, c’est bien pour les débutants

J’ai choisi la nuit pour une raison en particulier : un rythme moins intense qu’en journée, ce qui est favorable à l’apprentissage lorsque l’on est jeune diplômée. Et c’est pour cette même raison que j’ai décidé de changer pour le jour deux ans plus tard, j’avais acquis l’expérience nécessaire pour assumer cette tâche plus lourde et plus stimulante.

En sortant d’école, je ne me sentais pas l’assurance d’une infirmière expérimentée. J’ai donc préféré travailler de nuit où les sollicitations des patients et les soins à prodiguer se font plus rares. Entre 21 heures et minuit, lors de mon premier tour, l’activité est à son maximum.

Lorsque j’y étais, je passais voir chaque patient dans sa chambre, je changeais les perfusions si besoin et donnais les médicaments. A 5 heures du matin, je recommençais mon tour de surveillance et prodiguais les soins nécessaires. Entre temps, pendant 6 heures donc, il ne se passait pas grand-chose. Entre temps, c’est surtout de la surveillance et la gestion de situations d’urgence.

Bien sûr, il y a des exceptions, mais le plus dur la nuit, c’est de ne pas céder à l’appel de Morphée. Ne pas dormir de la nuit, ce n’est pas naturel. On s’y fait, mais on ne s’habitue jamais vraiment. C’est donc une lutte permanente qui puise chaque nuit un peu plus dans nos réserves.

Infirmière de nuit : Une vraie entraide au boulot

L’avantage d’avoir du temps devant soi, c’est que l’on peut bien faire son travail.Penser que la flemme pousse à choisir ce style de vie est une erreur.

Lorsque j’étais de nuit, je pouvais accorder des dizaines de minutes au même patient. J’étais là pour calmer les angoisses des malades insomniaques, pour prendre des décisions posément et pour aider les nouveaux infirmiers de nuit à s’acclimater.

Si la nuit vous empêche d’avoir une vie sociale en dehors du boulot, elle vous offre en revanche la possibilité d’en avoir une plutôt riche sur votre lieu de travail. Parce que je commençais à l’heure où tous mes amis finissaient, j’en profitais souvent pour prendre mon café « matinal » avec mes collègues. Un genre d’apéro à l’envers où l’on apprend à se connaître.

Une fois en service, nous sommes sollicités mais pas submergés, nous avons donc le temps de nous entre-aider et de discuter. Les conseils de mes collègues m’ont énormément aidés et m’ont permis de prendre confiance en moi et en mes choix.

Infirmière de nuit : J’ai pris confiance en moi

La nuit m’a également permis d’acquérir plus d’indépendance.

De nuit, il faut réfléchir à deux fois avant de déranger un médecin de garde à 4 heures du matin. J’ai donc appris à demander à mes collègues et à prendre des initiatives. Finalement, être de nuit m’aura rendu débrouillarde. Ce qui n’est pas plus mal vu la réaction de certains médecins lorsque vous osez les réveiller en pleine nuit !

Je me souviens encore de cette nuit où il m’a fallu convaincre un médecin de garde pendant des dizaines de minutes de bien vouloir se rendre dans le service à 2 heures du matin pour ausculter une patiente qui saignait du nez plus qu’abondamment. J’avais beau lui décrire l’épistaxis importante et la présence de gros caillots de sang, son sommeil restait prioritaire. Ennuyé de devoir se déplacer, il avait même levé la voix sur moi au téléphone : « Vous me réveillez pour ça ?? ».

J’ai tellement insisté qu’il a fini par venir. Heureusement, sur place, il a constaté l’urgence. J’ai eu la preuve que j’avais bien fait de suivre mon instinct lorsqu’il a été question de transférer la patiente dans le service ORL de l’hôpital. Tenir tête à un médecin lorsque l’on est infirmière, ce n’est pas toujours évident mais c’est parfois vital.

Infirmière de nuit : C’était comme vivre dans un tunnel

La nuit, c’est donc l’école de la vie dans un hôpital. Ca l’a du moins été pour moi.

Cependant, je ne pourrais pas revivre les week-ends sacrifiés, le petit déjeuner à 16 heures et le manque de lumière en hiver. Etre de nuit m’a donné le sentiment de traverser un tunnel pendant toute la durée de ma semaine de travail. Rien d’autre n’a le temps d’exister. Dormir était la seule activité que je m’accordais en dehors de mes heures.

Heureusement, cette situation était éphémère. Après deux ans d’expérience de nuit, j’ai eu suffisamment confiance en moi pour commencer à travailler de jour. Aujourd’hui, je suis davantage au cœur de l’action et dans la pratique. Je me sens encore plus utile en tant qu’infirmière et à ma place dans cet hôpital.

Propos recueillis par Barbara Krief dans Obs Plus que nous remercions pour ce partage 

Voir les commentaires (69)

  • qu'elle me donne l'adresse, j'y vais tt de suite !! Nous, c'est plutot, boulot d'enfer, pas le tps de discuter, la galere !! 30 vr 32 patients pour une inf avc une as, c'est plus que juste !! Et on va encore dire, qqu'on ft rien la nuit !!

  • qu'elle me donne l'adresse, j'y vais tt de suite !! Nous, c'est plutot, boulot d'enfer, pas le tps de discuter, la galere !! 30 vr 32 patients pour une inf avc une as, c'est plus que juste !! Et on va encore dire, qqu'on ft rien la nuit !!

  • C'est bizarre qu'elle n'ait pas précisé le service !!! J'ai travaillé de nuit, je " tournais " dans plusieurs services, le seul où je pourrais qualifier de 'calme' et pas toutes les nuits, était le service de psychiatrie ! Je travaillais en 10h, je peux vous assurer que le temps passait tellement vite que nous nous demandions ma collègue et moi si nous arriverions à tout faire !!

  • Je ne pense pas que ce témoignage reflète la vraie vie....Tout est déformé....
    Encore de la désinformation, actusoins n'aurait pas dû reprendre cet article !

  • Mouais, un cas qu'il ne faut généralisé. Pour ma part j'ai jamais eu autant de vie sociale quand étant de nuit. Vu le ressenti de Maud après 2 ans elle n'était tout simplement pas fait pour bosser de nuit.

  • "15 semaines de « vacances » par an" je sais pas ou elle bosse mais ça en fait pas en plus pareil qe pour dire qu'entre 0h et 5h il n'y a rien à faire. Quand à dire qu'en débutant de nuit c'est là qu'on se forme j'en doute, il faut d'abord apprendre tous les soins spécifiques du service en intégration de jour avant d'être larguée dans le service de nuit. Et quand elle parle des we ça me fait rire, il lui restait tout de même un we sur deux ou elle pouvait faire la fête je suppose qu'elle ne bossait pas tous les we. Moi, j'ai bossé pas mal d'années de nuit et je me levais bien avant l'heure du gouter et je profitais pleinement de mes après midi pour faire des choses, me promener

  • Entre minuit et 6h il n'y a rien à faire ... Euh c'est quoi son service que je postule tout de suite !!! C'est à cause de témoignages comme cela que dans l'esprit des gens la nuit on fait rien... Bah oui les patients dorment !!!

    • pour avoir basculé de jour à la nuit. Je peux dire une chose. Que les équipes de jour cessent de casser du sucre sur la nuit en disant qu'il travaille moins. C'est très petit cette logique et fausse de surcroît. mais voila, le réflexe et bien sur de déplacer les problèmes plutôt que de les affronter. Le rythme de nuit de par le système biologique humain ne peut être de même intensité et une vigilance moins performante dans la durée. La nuit, vous êtes un peu plus seul à gérer les problèmes et à prendre les décisions adaptées avec un médecin de garde que l'on ne peut dérager à tour de bras dès qu'il y a un soucis. Oui, il faut être compétent. Et si novice dans le métier vaut mieux être bien entouré par de l'expérience.