Des infirmières sur les rails

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Au sein de la SNCF, les infirmières multiplient les casquettes entre prévention, soin, et médecine du travail. Ce métier diversifié offre des formations en interne pour se spécialiser. Article paru dans le n°32 d’ActuSoins Magazine. 

Au premier étage, la salle d’attente du cabinet médical de la SNCF. Avec près de 4000 agents travaillant sur la région Bretagne, les rendez-vous se succèdent. © Natacha Soury

A quelques pas de la gare de Rennes, le cabinet médical de la SNCF occupe un étage entier. Adeline Frangeul en est la dirigeante paramédicale régionale. Entourée de huit infirmiers, treize médecins et dix-huit médecins spécialistes, elle gère le secteur breton, soit près de 4 000 agents sur la région.  « Nous faisons de la prévention pour éviter des pathologies liées au port de charge, aux troubles musculo-squelettiques… Nous prenons également en charge tout type de blessures en service et les personnes en situation de stress, raconte Adeline Frangeul, Ce matin, nous avons eu une crise d’épilepsie et un doigt coupé, par exemple. »

Travailler à la SNCF comme infirmier c’est être touche-à-tout, polyvalent. Ils s’adressent à six catégories de métiers : les postes administratifs, commerciaux, ceux liés aux infrastructures, aux équipements, aux matériaux et à la conduite. Pour répondre à l’ensemble de ces besoins, les infirmiers bénéficient d’un parcours de formation complet en interne.

Les profils recrutés sont souvent issus du milieu hospitalier et libéral. Ainsi, l’une des infirmières est passée par les maisons de retraite, une autre par les crèches. Adeline Frangeul a fait ses classes en milieu hospitalier avant d’être embauchée à la SNCF en 1991. Peu de profils sont d’entrée de jeu formés sur la médecine du travail. « Parce qu’il y a peu de personnes recrutées avec ce profil, la première année est consacrée à l’intégration et au travail en équipe, détaille Anne-Sophie Jouannon, dirigeante du secteur paramédical Ouest qui s’étend des Hauts-de-France à l’Occitanie.  Ensuite, nous lançons les formations pour que la personne affine son profil et puisse se spécialiser. On avance pas à pas »

Se spécialiser

Olivier fait parti des infirmiers au parcours atypique. Il a été contrôleur avant de se tourner vers le domaine médical. Cette connaissance du terrain lui permet, d’autant plus facilement, de dialoguer et d’établir une relation de confiance avec les employés. © Natacha Soury.

Le parcours de formation en interne se compose d’un tronc commun pour apprendre les bases de la médecine du travail dans le secteur. Ce qui comprend les risques ferroviaires, la formation incendie, l’accueil d’agents agressés…

Par la suite, des modules spécifiques sont proposés : inaptitude, législation, évaluation des risques ou encore prévention. Les infirmiers peuvent poursuivre leur formation en se spécialisant sur l’alcoologie, l’équilibre alimentaire, l’ergonomie des postes de travail ou suivre une formation pour être formateur secouriste. Chacun de ces modules s’étale sur quelques jours.

« Il y a également des thématiques transversales à tous les métiers, comme l’alcoologie, explique Anne-Sophie Jouannon, elle-même référente nationale sur cette question. Nous sommes un réseau national au sein de l’entreprise. Nous nous réunissons pour croiser nos expériences et améliorer les animations régionales sur la prévention et les risques liés à l’alcool, mais aussi à l’usage de médicaments ou de cannabis. » Un réseau national d’infirmiers SNCF existe également autour des gestes et postures adaptés dans les technicentres.

Qualité de vie

« Chacun peut se spécialiser en fonction des besoins du site mais aussi de ses envies, c’est très riche », résume Françoise Dandine, conseillère nationale paramédicale, basée à Saint-Denis.

Être infirmier à la SNCF, cela permet de pratiquer sous trois angles différents. En effet, chaque infirmier aura sa spécialité : médecine du travail, soins ou prévention. « Mais pour des questions d’emploi du temps, il arrive qu’un ou une infirmière de santé au travail assure un remplacement en médecine de soins », explique Adeline Frangeul qui apprécie cette polyvalence.

Le métier offre aussi plusieurs avantages non négligeables. Au premier rang desquels des horaires fixes de travail. « C’est très confortable, j’ai une vie de famille, je laisse mon travail au bureau, et je peux continuer à faire des soins », raconte-t-elle.

Polyvalence

Consultation de médecine du travail : l’infirmier réalise un contrôle ophtalmologique et fait le point sur le dossier du patient. © Natacha Soury

Les entretiens réalisés avec les agents rythment l’organisation des journées. A commencer par les entretiens obligatoires d’aptitude pour les métiers de la sécurité, la vue, l’audition et la capacité cardiaque étant examinées avec un médecin expert.

La prévention est un autre axe essentiel pour le personnel médical et paramédical et il est bien visible jusque dans la salle de pose où cette maxime apparaît, répétée sans cesse sur des affiches de prévention : « Respectons les règles qui sauvent ».

Les infirmiers peuvent aussi être amenés à se rendre sur le terrain pour visiter les postes de travail. En effet, le décret d’application de la loi travail du 1er janvier 2017 autorise le corps paramédical à effectuer des visites d’information et de prévention. « L’objectif, c’est que le poste de travail ne nuise pas à la santé des salariés et, dans certains cas, des aménagements sont nécessaires et possibles », explique Adeline Frangeul. Par exemple, si une équipe se plaint d’un bruit ambiant trop présent, les équipements de protection peuvent être adaptés. Une telle visite doit être menée par un médecin, mais il peut déléguer cette tâche à un infirmier, en fonction des formations suivies.

La prévention est une des trois compétences des infirmiers avec la santé au travail et les soins. Elle est au coeur du travail de l’équipe médicale. © Natacha Soury.

Les infirmiers se déplacent également sur le terrain en cas d’urgence. Lors d’un accident ou d’un malaise sur le lieu de travail, à proximité des cabinets médicaux de l’entreprise, ils sortent la trousse d’urgence et, selon les cas, appellent le Samu.

Toucher à la fois à la santé au travail, aux soins et à la prévention, offre une diversité des tâches pour l’infirmier concerné. « Il y a certes un cloisonnement strict entre ces trois médecines, rappelle Adeline Frangeul. Cependant l’infirmier reste polyvalent et doit pouvoir s’adapter aux contraintes des emplois du temps. » On peut être un jour en médecine de soin et l’autre en médecine du travail. La confidentialité est alors strictement respectée et reste omniprésente dans toutes les têtes. « Le personnel y est très attentif, à chaque rencontre avec un agent », assure-t-elle.

Julie Lallouët-Geffroy

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La SNCF recrute

Malgré la diversité des tâches, les possibilités de formation et la qualité de vie qu’offre un poste au sein de la SNCF, le turn-over est important. En particulier, à Paris et Bordeaux, les deux plus importants pôles de l’Hexagone. La santé au travail n’est pas la médecine la plus étudiée par les infirmiers et ils pensent peu à se tourner vers la SNCF. Pourtant, la taille de l’entreprise permet de suivre un parcours de formation diversifié qui donne un niveau licence et permet de valoriser son salaire.

La psychologie, nouvelle carte à jouer

Au-delà des soins et de la prévention, les infirmiers ont désormais une nouvelle corde à leur arc : la psychologie. Cela concerne évidemment les agressions d’agents en gare, verbales ou physiques, et les accidents sur les voies qui ont de quoi traumatiser les agents présents sur place. Mais il y a aussi les tensions internes inhérentes à toute entreprise et à tout travail en équipe. Françoise Dandine, conseillère nationale paramédicale, se déplace régulièrement dans les différentes régions pour faire du lien et expliquer les évolutions internes à l’entreprise. « Celles-ci créent des tensions et du stress socio-professionnel ; des agents s’interrogent sur leur avenir. Cela fait désormais partie des besoins auxquels nous devons répondre », analyse-t-elle. Le parcours de formation a d’ailleurs intégré plusieurs modules consacrés à ces thématiques comme celui intitulé « agents agressés » ou celui dédié à la « relation d’aide ».

Cet article est paru dans le N°32 d’ActuSoins Magazine. 

Il est à présent en accès libre. 

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