La Fédération hospitalière de France veut sortir des 35 heures

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La Fédération hospitalière de France (FHF) propose de plafonner à 15 le nombre de jours de réduction du temps de travail par an et par agent, a annoncé son président, Frédéric Valletoux, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail.

Lors de l’audition, Frédéric Valletoux a expliqué que la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux était à l’origine de « difficultés organisationnelles et financières dont les établissements peinent à se remettre, plus de 10 ans après ». Pour autant, la FHF « ne demande pas le retour des 39 heures mais de la souplesse et de l’adaptabilité », a-t-il souligné.

Elle émet trois grandes propositions pour permettre plus de souplesse.

Elle suggère en particulier de soutenir la révision des accords locaux et, dans ce cadre, de limiter le nombre de jours de RTT à 15 jours par an et par agent. Selon la FHF, un alignement à ce plafond pour l’ensemble des agents hospitaliers permettrait de réaliser un gain de plus de 640.000 jours, soit 3.200 équivalents temps plein (ETP), soit l’équivalent de 400 millions d’euros d’économies.

Le nombre de jours de RTT accordés aux agents varie sensiblement selon les hôpitaux, montre une enquête réalisée par la FHF du 20 août au 11 septembre, auprès de 152 établissements et regroupant 321 941 agents.

Si 59% des établissements ayant répondu ont signé des accords reposant sur 15 jours de RTT ou moins, 38% ont des accords prévoyant plus de 15 jours de RTT (dont 12% plus de 20 jours). Les établissements dont les accords octroient plus de 20 jours de RTT sont majoritairement des hôpitaux psychiatriques.

Renégocier les accord locaux

La FHF estime également que la renégociation des accords locaux devrait être l’occasion de rationaliser et simplifier les organisations, de mettre en place des horaires adaptés aux prises en charge (en 7 heures ou en 12 heures), de mettre fin aux jours de congés extra-réglementaires (jour de rentrée des classes, jour de médailles, jour du maire…).

Sur l’échantillon des hôpitaux interrogés, 44% ont déjà procédé à une renégociation de leur protocole. Dans la majorité des cas, les renégociations portaient sur le nombre de jours de RTT et sur la durée quotidienne du travail. Dans d’autres cas, mais minoritaires, elles étaient aussi relatives au temps de repas, aux droits extra-réglementaires et au temps d’habillage et de déshabillage.

« Ces démarches doivent être soutenues par les pouvoirs publics même lorsqu’elles sont impopulaires auprès des organisations syndicales », a insisté Frédéric Valletoux devant les députés. « En effet, selon notre enquête, une des principales raisons évoquées lorsque le protocole n’a pas été négocié, est le risque de conflit social majeur », a-t-il affirmé.

Recentrer sur la prise en charge

La FHF fait une deuxième grande proposition pour « assouplir » le dispositif.

Elle suggère ainsi que les organisations de travail soient « recentrées » sur la prise en charge du patient.

Depuis 12 ans, les organisations internes des établissements de santé et médico-sociaux reposent sur une structuration horaire des journées de travail, c’est-à-dire qu' »on planifie le temps de travail, ensuite on planifie les prises en charge », a expliqué son président. Désormais il faut « recentrer les processus organisationnels autour du soin en veillant à l’articulation avec le temps médical ».

Il s’agit, estime la FHF, d’évaluer les organisations requises, les prestations de soins à effectuer et de planifier les temps de travail qui vont permettre de les réaliser. Cette nouvelle donne permettra de « moderniser les organisations et de redonner du sens au travail des personnels », assure-t-elle.

La fédération préconise aussi de « créer une stratégie territoriale« , a indiqué Frédéric Valletoux.

Pour la FHF, pour être « cohérente et ne pas se traduire par une concurrence sociale entre les établissements », la révision des organisations doit obéir à un cadrage général. Les travaux doivent donc être conduits dans un cadre territorial, dans lequel les hôpitaux d’un même territoire « définissent ensemble de nouvelles règles et de nouvelles organisations », a expliqué son président.

Globalement, pour la fédération, les hôpitaux n’ont d’autres choix que de s’interroger sur leur temps de travail et leur organisation de travail, à l’heure où on leur demande de réaliser 5 milliards d’euros d’économies, de mener à bien des réformes structurelles (partage d’équipements, modernisation des organisations, développement de la chirurgie ambulatoire…).

Rédaction ActuSoins avec APM

Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi, souhaite à son tour que la durée légale du temps de travail puisse être revue. « Les 35 heures dans la santé sont un non-sens et nous nous félicitons des propos du président de la FHF [Fédération hospitalière de France], qui vient de reconnaître qu’elles ont été une source d’injustice également dans les hôpitaux publics », affirme le patron des cliniques dans un entretien avec « Décision santé ».

Les réactions syndicales

La Fédération CGT de la santé et de l’action sociale et l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) s’élèvent vivement contre les propositions de la Fédération hospitalière de France (FHF) pour réformer les 35 heures à l’hôpital.

Pour la fédération CGT, les propos tenus par le président de la FHF sont « inacceptables » et constituent « une véritable provocation envers les personnels hospitaliers ».

Ces propos « ne peuvent que nuire au climat social et en rajouter à la tension extrême que connaît actuellement l’hôpital », affirme-t-elle.

Pour le syndicat, « ce n’est pas les 35 heures qui ont désorganisé l’hôpital mais l’insuffisance des créations d’emplois et le passage du travail en 12 heures impulsé par les directions pour faire l’économie d’une équipe par rapport aux trois-huit ».

Il observe également que les agents ont subi un « blocage des salaires ». « Si les 35 heures étaient remises en cause, ils seraient doublements perdants », affirme-t-il.

La CGT appelle les personnels à « réagir avec leur organisation syndicale, en faisant connaître à leur direction, leur opposition aux propos de la FHF ». Elle demande également aux agents de « s’inscrire en nombre » à la journée d’action interprofessionnelle du jeudi 16 octobre.

De son côté, l’Amuf se déclare « consternée » par les propos de la FHF et observe que 48.000 nouveaux emplois devaient être créés pour accompagner cette réforme des 35 heures…

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