Psychiatrie : accompagner les proches pour mieux soigner les patients

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Et si le fait de prendre soin des proches de patients hospitalisés sans consentement en psychiatrie favorisait, par ricochet en quelque sorte, une meilleure prise en charge des patients ? C’est l’hypothèse d’une équipe d’infirmiers du CHU de Toulouse qui mène une étude sur le sujet.

Une équipe d’infirmiers des urgences psychiatriques de l’hôpital Purpan, au CH de Toulouse, mène depuis un an une étude pilote sur les bénéfices pour la prise en charge des personnes hospitalisées sans consentement d’un accompagnement spécifique de leurs proches. « Nous avons constaté qu’on s’occupaient peu, dans le remps de l’urgence, des tiers, qui doivent participer à la procédure d’hospitalisation sans consentement en rédigeant une demande manuscrite qui est associée à la décision finale », observe Alexandre Castanet, investigateur principal de l’étude.

Au moment de l’hospitalisation sous contrainte, ces « tiers » sont « épuisés car ils ont « tenu » au maximum les situations au domicile, ils se sentent impuissants par rapport à la maladie de leur proche, à ses propos peut-être délirants et à ses troubles du comportement, poursuit l’infirmier. Ils peuvent aussi ressentir de la culpabilité » par rapport à leur démarche qui privera la personne de liberté… Or dans la grande majorité des cas, les patients retournent vivre avec eux à l’issue de leur hospitalisation.

Les infirmiers qui ont monté ce projet font l’hypothèse que si ces aidants sont mieux accompagnés, le retour à domicile des patients se passera mieux, sur le plan de l’observance du traitement et de la prise en charge mais aussi sur celui de la dynamique relationnelle, souvent familiale, entre lui et ses proches. La fragilisation (voire l’explosion) de cet équilibre peut avoir des effets très destructeurs pour le patient…

Entretien précoce

Ils prévoient donc de proposer aux proches des patients concernés pour la première fois par une hospitalisation sous contrainte de participer à trois dispositifs. Ils mettent tout d’abord en place un « entretien précoce » : « il s’agit d’un entretien avec un infirmier, en face à face, dans les 72 heures après le début des soins, durant la phase de choc, explique Alexandre Castanet. On fait le bilan de la situation, on fait le point avec la personne sur sa capacité à faire face à la situation, on évoque la stratégie qu’il pourra mettre en œuvre avec le proche qui est soigné et on lui propose notre aide » pour faire face à la situation et savoir mieux réagir en cas de difficulté.

Cette aide va consister d’une part, à rappeler ces personnes, tous les mois pendant six mois, pendant une trentaine de minutes. Il s’agira pour les infirmiers participant au projet de faire un bilan avec cette personne tiers de sa situation, de celle du patient, notamment sur le plan de sa prise en charge, de leur dynamique relationnelle. Ils pourront aussi leur donner des outils de communication et de gestion de certains comportements.

Appels et groupe d’échange

Les proches pourront aussi, s’ils le souhaitent, participer aux groupes de partage qui seront organisés deux soirs par mois. « Il s’agit de groupes entre tiers, un espace d’entraide, où ils pourront mettre en commun leur vécu, leurs ressentis et sortir de leur isolement », explique l’infirmier. Une soixantaine de personnes devraient bénéficier de ce dispositif en trois parties, qui  sera mis en place à partir de septembre 2019.

Depuis un an, l’équipe a constitué dans un premier temps un groupe « témoin » auquel le groupe « intervention », qui bénéficiera du dispositif complet, sera comparé au bout d’une autre année. Les infirmiers participants évalueront si l’anxiété des aidants a diminué du fait de l’accompagnement et si cela contribue à maintenir le patient dans une dynamique de soins.

Trois postes infirmiers par semaine seront consacrés à l’étude : entretiens précoces, rappels téléphoniques et animation des groupes d’échange et 10 des 50 infirmiers des urgences psychiatriques vont participer à la deuxième phase de l’étude. Il s’agit, selon Alexandre Castanet de la première étude portée exclusivement par des soignants financée via l’appel d’offre « recherche innovation » (ARI) du CHU de Toulouse.

Géraldine Langlois

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