Pourtant, cette pratique s’est répandue ces dernières années, notamment à la suite d’avis favorables émis par la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR). Dans un avis du 8 décembre 2015, le comité « Vie Professionnelle » de la SFAR a exprimé son accord pour que les IDE puissent extuber un patient en SSPI, mais uniquement sous certaines conditions strictes. Ces dernières incluent une formation spécifique et tracée pour l’IDE, ainsi que la disponibilité immédiate d’un médecin anesthésiste-réanimateur, prêt à intervenir en cas de complications, notamment pour réintuber en urgence. La SFAR insiste également sur la nécessité d’établir des protocoles de service clairs et connus de tous.
En outre, la SFAR s’appuie sur le référentiel de l’infirmière de réanimation publié en 2011, qui stipule qu’un infirmier doit être « capable d’extuber un patient sur prescription médicale selon la procédure et d’en assurer la surveillance au décours ». Ce référentiel, rédigé par la SFAR et d’autres sociétés savantes, a contribué à légitimer cette pratique dans certains établissements.
Absence de valeur juridique
Cependant, il n’a aucune valeur juridique car il n’a jamais été publié par arrêté du ministre de la santé et que la spécialité « infirmier en réanimation » n’existe pas officiellement. Par ailleurs, bien que la SFAR mentionne une jurisprudence de la Cour de Cassation, celle-ci se limite à rappeler que les infirmiers en SSPI doivent être formés à la surveillance post-interventionnelle, sans aborder spécifiquement l’acte d’extubation.
Le Code de la Santé Publique, qui constitue la référence réglementaire pour les actes infirmiers, ne laisse pas de place à l’interprétation : l’article R4311-12 précise qu’en SSPI, seuls les IADE sont habilités à réaliser des actes relevant des techniques d’anesthésie générale et loco-régionale. L’extubation, considérée comme faisant partie intégrante de l’anesthésie, selon le référentiel de compétences des IADE publié dans un arrêté, ne peut donc pas être pratiquée par un IDE, même formé.
Cette restriction repose également sur un impératif de sécurité : la personne qui extube un patient doit être capable, en cas d’urgence, de réintuber immédiatement. Cette compétence dépasse le champ d’expertise des IDE, non formés à cette technique.
D’un point de vue juridique, autoriser les IDE non IADE à pratiquer des extubations sans texte réglementaire clair représente un risque important. En cas d’incident, plusieurs responsabilités pourraient être engagées : celle de l’infirmier, celle de l’établissement ayant toléré cette pratique, et celle du médecin anesthésiste-réanimateur. De plus, même sans incident, l’infirmier pourrait être poursuivi pour mise en danger d’autrui ou pour exercice illégal de la profession de médecin ou d’IADE.
En conclusion, si la SFAR tente de cadrer cette pratique dans un esprit d’efficacité organisationnelle, l’absence de reconnaissance légale explicite pour les IDE rend l’extubation illégale pour ces derniers. Une clarification réglementaire serait nécessaire pour sécuriser cette activité, tant pour les professionnels que pour les patients.
Vincent Lautard, infirmier et juriste en droit de la santé
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