Afin d’améliorer la coordination et les décisions cliniques infirmières mais aussi de repérer et de traiter rapidement les premiers signes de complications d’une plaie, la connaissance et l’utilisation d’un vocabulaire commun objectif sont indispensables.
RAAC en chirurgie, suivis en ambulatoire, hospitalisations à domicile… Ces dernières années, la médecine a vu émerger ou se développer de nouveaux types de prise en charge. Les interactions de plus en plus fréquentes entre les différents acteurs infirmiers et médicaux impliquent la connaissance et l’utilisation de termes communs pour décrire les plaies.
Les qualifications subjectives telles que plaie « belle », « sale », « améliorée » ou « aggravée » appartiennent désormais au passé et ne devraient plus être utilisées.
Sommaire
TogglePlaie aiguë et plaie chronique
Une plaie est définie par la survenue d’une brèche cutanée. Elle peut être superficielle, n’intéressant que l’épiderme et une partie du derme, ou profonde, touchant l’hypoderme avec exposition ou atteinte des structures sous-aponévrotiques (tendons, muscles, os).
La plaie aiguë
La plaie aiguë cicatrise généralement en un mois, mais son évolution dépend de divers facteurs, dont l’étiologie, l’étendue, la profondeur ainsi que de facteurs locaux ou généraux liés au patient.
La plaie chronique
La plaie chronique, elle, ne suit pas les phases habituelles de cicatrisation, ni dans l’ordre, ni dans le temps. Elle est caractérisée après six semaines sans cicatrisation.
Le nombre de plaies chroniques augmente en raison du vieillissement de la population, de l’augmentation de la sédentarité, de l’obésité et des maladies chroniques. Ces plaies incluent celles liées aux maladies chroniques, les escarres et les infections de plaies chirurgicales.
La gestion de ces plaies est complexe en raison de la diversité des circonstances d’apparition et d’évolution, des nombreux traitements possibles et des différents lieux de prise en charge.
Processus physiologique de cicatrisation
La première phase de cicatrisation est vasculaire : immédiatement après le saignement, l’hémostase permet la formation d’un caillot.
La deuxième phase est détersivo-inflammatoire entre J1 et J4. La vasodilatation permet : la migration des macrophages (absorption des agents pathogènes) et des lymphocytes (destruction des germes et des tissus morts) sur le lit de la plaie afin d’assurer un rôle de nettoyage. Les cellules cutanées (fibroblastes, kératinocytes et cellules endothéliales) vont également proliférer. L’aspect clinique est alors celui d’une plaie inflammatoire avec rougeur, œdème, tuméfaction, chaleur et douleur.
La phase de bourgeonnement, entre J4 et J21, est la phase de réparation tissulaire. Le tissu est envahi par les vaisseaux ; les cellules de fibroblastes prolifèrent et synthétisent le collagène. La plaie devient un bour- geon charnu, de couleur rouge. Ensuite, les kératocytes migrent, le collagène devient dense, les berges de la plaie se rapprochent, le tissu devient rose, fin et fra- gile puis s’épaissit et remplit à nouveau la fonction de barrière.
La phase de maturation, entre J21 et deux ans, entraîne le remodelage du tissu cicatriciel avec réorganisation et assouplissement de la cicatrice.
L’évaluation d’une plaie nécessite d’identifier sa localisation, son type (traumatique ou non, médical ou tumoral), son origine (spontanée ou post-chirurgie) et sa durée d’évolution.
On peut schématiquement décrire la cicatrisation de première intention et la cicatrisation dirigée dont l’évaluation est différente.
La cicatrisation de première intention
Elle concerne les plaies accidentelles ou chirurgicales dont la continuité est rétablie à l’aide de sutures, agrafes, strips ou colle. La cicatrisation est rapide avec la reconstitution de l’épiderme en 7 à 15 jours, une cicatrice consolidée au bout d’un mois et définitive en 12 à 18 mois.
Une plaie qui évolue normalement ne présente généralement pas ou peu de signes inflammatoires ni d’écoulement. Cependant, une surveillance rigoureuse est nécessaire. Elle tient compte de l’état général du patient ainsi que du contexte chirurgical et de soins, pouvant potentiellement compliquer la cicatrisation.
En post-opératoire immédiat et dans les 3 jours, une rougeur et un gonflement de la cicatrice et des berges sont fréquents et normaux. Il peut également exister un écoulement, sanglant ou séro-sanglant, qui doit se tarir de façon spontanée.
La surveillance et la description de la plaie doivent donc indiquer la qualité de la suture, l’aspect de la cicatrice (fermée ou présentant une désunion partielle ou plus importante), l’aspect de la peau péri-lésionnelle, la présence d’un éventuel écoulement cicatriciel et son type (sang, sérosités, pus), la présence d’une complication de type nécrose. L’interprétation doit tenir compte de la date du traumatisme et de la chirurgie.
Un écoulement pouvant être normal à J3 devient suspect de complication, voire d’infection, à J10. La présence de rougeur et de chaleur sur la cicatrice, et la peau péri-lésionnelle après trois jours post-opératoires font suspecter une infection. En l’absence de fièvre associée, une cicatrice inflammatoire, rouge, épaisse avec ou sans adhérence peut être le signe d’hyperplasie qui n’est pas un marqueur de gravité et qui disparaît en 3 semaines. Une cicatrice inflammatoire, boursouflée, plus volumineuse, adhérente avec ou sans démangeaison peut être le signe de cicatrice hypertrophique et s’améliorer spontanément en 2-3 ans.
La cicatrisation dirigée ou de seconde intention
Elle concerne les plaies pour lesquelles le rapprochement des bords est impossible, en cas de perte importante de tissus cutanés, d’œdème ou lorsque la plaie est volontairement laissée ouverte en cas d’infection initiale. La cicatrisation dirigée doit permettre de suivre les quatre étapes du processus de cicatrisation.
L’évaluation de la plaie doit alors inclure, à chaque réfection de pansement :
- la mesure systématique en périphérie (longueur + largeur) évaluant la taille du lit de la plaie. En cas de plaie cavitaire, d’anfractuosité plus ou moins sinueuse et profonde sous les berges de la plaie (plaie sous- minée), la profondeur devra également être mesurée.
- La description du lit de la plaie doit utiliser des codes couleurs ne prêtant pas ou peu à l’interprétation. Le plus simple est un code à quatre couleurs :
- Noir : en cas de nécrose. Sèche sans décolle- ment, la plaie est non infectée mais son degré de gravité dépend de la localisation et de la cause initiale de la plaie. Une plaie nécrotique survenant après chirurgie en regard d’une articulation ou d’un matériel d’ostéosynthèse, fera craindre une communication secondaire avec la profondeur et devra être ré-adressée sans retard au chirurgien. Une nécrose avec un sillon de décollement ou associée à un écoulement, doit faire évoquer une infection débutante ou avérée.
- Jaune : étape de détersion. La plaie peut être exsudative ou non et plus ou moins adhérente.
- Rouge : étape de bourgeonnement et donc de cicatrisation du derme. En cas de surproduction de bourgeons, on parle d’hyper bourgeonnement qui empêche l’épidermisation.
- Rose : phase d’épidermisation avec, dans un premier temps, une couche fine et fragile qui va petit à petit s’épaissir et devenir plus protectrice.
Le lit de la plaie peut être homogène avec une seule couleur uniforme, mais il est le plus souvent hétérogène avec des zones présentant différentes colorations. Il faut alors mesurer chaque zone et la quantifier par un pourcentage.
Une analyse fine du lit de la plaie permet de distinguer une plaie fibrineuse :
- d’une plaie atone qui est d’aspect blanchâtre lisse et superficiel, généralement sèche et non évolutive,
- d’une zone osseuse lors d’un contact avec une zone dure et blanchâtre,
- d’un tendon exposé qui a un aspect blanc nacré sous forme de fibres longitudinales. Un tendon peut avoir un aspect similaire de couleur marron lorsqu’il est nécrosé,
- d’îlots d’épidermisation qui sont de petites zones plus claires sur une plaie bourgeonnante.
L’exsudat : Le niveau de saturation du pansement et le niveau d’humidité de la plaie permettent d’évaluer la quantité d’exsudat par les qualificatifs : absent, faible, moyen, important. Son aspect peut être séreux, sanglant, séro-sanglant et être d’origine lymphatique et/ou veineux ou purulent/malodorant en cas d’infection.
L’aspect des berges de la plaie et de la peau péri-lésionnelle, est capitale car l’épidermisation s’effectue à partir de celles-ci, si elles sont saines. La description précise permet de différencier et de traiter :
- une infection : suspectée en présence de rougeur, de de douleur et de gonflement.
- des signes d’irritations d’aspect et d’origines diverses : elles peuvent être rouges et légèrement gonflées, ou sèches et fissurées avec ou sans démangeaison.
- une macération qui est d’aspect blanchâtre et mou dû à un exsudat excessif
- une phlyctène qui peut être séreuse ou sérosanglante,
- une hyperkératose qui est un épaississement anormal de la couche cornée de l’épiderme
Outils d’évaluation de la plaie
Pour caractériser une plaie, une photographie peut sembler plus objective et plus simple qu’une simple description. Pourtant, la lumière, l’angle de prise de vue, les caractéristiques techniques de l’appareil peuvent influencer l’aspect de la plaie. Par ailleurs, la photographie pose un problème de stockage et de confidentialité car elle fait partie du dossier médical du patient. Elle peut donc s’avérer utile mais ne supprime pas la nécessité d’une description de la plaie.
Il est ainsi essentiel d’établir une fiche descriptive qui puisse être communiquée et remplie de manière homogène par les différents acteurs prenant en charge le patient. Les codes couleurs doivent être compris comme une convention entre professionnels pour décrire une situation de manière équivalente.
Ce protocole de mesure et de description implique idéalement toute l’équipe paramédicale et médicale. Il doit faire l’objet d’une réévaluation régulière et d’une transmission continue des connaissances lors des changements d’équipe. Il peut être pertinent de décrire la plaie à l’ouverture du pansement ainsi qu’après la détersion.
Prise en charge des plaies : Quand s’inquiéter
Une plaie devient inquiétante et nécessite un avis médical urgent en cas :
- D’agrandissement objectif ou d’absence de signe d’évolution de cicatrisation après un traitement adéquat durant 1 à 3 semaines, selon le type initial de plaie,
- De progression en taille ou en profondeur avec exposition secondaire de structure tendineuse, cartilagineuse, articulaire ou osseuse,
- De signes de complications d’apparition soudaine ou insidieuse : œdème, ischémie, inflammation, infection, nécrose, atteinte au pourtour de la plaie : macération, sécheresse, allergie de contact.
Marianne SOULÈS, Cadre de santé formatrice
DU Plaies et Cicatrisation
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