Infirmiers en CMP, ils prennent soin de la santé mentale des étudiants

Infirmiers en CMP, ils prennent soin de la santé mentale des étudiants

Huit infirmiers des CMP (Centre Médico-Psychologique) de la métropole lilloise forment, avec deux psychiatres et un cadre, l’Équipe de soins et d’orientation en psychiatrie pour les étudiants (Esope). Ce dispositif original apporte un soutien aux équipes de soins de première intention et permet l’orientation rapide des étudiants qui en ont besoin vers une prise en charge adéquate.

Mickaël Rassel
En cas de besoin, les étudiants sont orientés vers l’Esope. Ils peuvent être reçus par les infirmiers (ici Mickaël Rassel) de l’équipe sous deux à quinze jours ou par l’un des deux psychiatres sous environ un mois, moins en cas d’urgence. © Géraldine Langlois

Les quelque 110 000 étudiants qui gravitent entre les universités et les grandes écoles de Lille et de sa voisine Villeneuve-d’Ascq représentent une part non négligeable des habitants. Nombreux sont ceux qui, parce qu’ils ne sont pas originaires du territoire, ne sont pas pris en compte dans la population de référence des secteurs de psychiatrie locaux.

Les ressources et les moyens de ces secteurs ne sont donc pas suffisants : quand les étudiants manifestent le besoin de rencontrer un psychiatre ou un psychologue, les délais sont souvent très longs. « Les étudiants ne sont pas ceux qui consultent le plus, souligne Mickaël Rassel, infirmier de psychiatrie, membre de l’Esope. Ils tardent souvent à le faire ou ne savent pas où aller et ils arrivent dans les CMP avec une symptomatologie avancée ».

Pourtant, la période des études n’est pas la plus facile de la vie. Entre le possible sentiment d’isolement par rapport à la famille ou aux amis, les difficultés financières de certains ou la pression académique, les facteurs de stress sont nombreux, ajoute Arnaud Descamps, cadre supérieur de santé à l’EPSM de l’agglomération lilloise et au sein de l’Esope. C’est aussi un âge où les jeunes consomment des produits psychotropes. Et celui où certaines pathologiques psychiatriques peuvent apparaître. Par ailleurs, « le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans », rappelle le cadre.

Or, les généralistes et infirmiers des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) ne sont pas vraiment outillés pour répondre à ces problématiques, même si des psychologues y travaillent. « Ils avaient besoin d’une expertise de seconde ligne », observe Arnaud Descamps.

Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°51 d’ActuSoins magazine (janvier 2024).

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Une période sensible

Le constat a été formulé par le conseil de santé mentale étudiants (CSME), imaginé par un chef de pôle de psychiatrie adulte de Villeneuve-d’Ascq, qui réunit, autour de l’EPSM de l’agglomération lilloise, du CROUS et de l’université, les acteurs en lien avec des étudiants présentant des besoins en santé mentale. L’Esope constitue l’outil opérationnel que ce conseil a mis en place en mai 2021. L’idée date d’avant le Covid mais elle est tombée à pic à un moment où la santé mentale des étudiants s’était encore détériorée.

L’équipe compte deux psychiatres et huit infirmiers en santé mentale, qui travaillent à mi-temps pour l’Esope et à mi-temps dans l’un des quatre CMP des secteurs concernés (trois à Lille et un à Villeneuve-d’Ascq), ainsi qu’un cadre de santé. Leurs postes sont cofinancés par le centre régional des oeuvres universitaires (Crous), l’université de Lille et l’ARS, via le fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie.

« Notre première mission consiste à accompagner les étudiants dans leur parcours de soins », explique Mickaël Rassel. Les infirmiers peuvent être sollicités directement par les étudiants, soit par téléphone, soit lors des permanences assurées tous les jours, de 17 heures à 19 heures, dans deux résidences universitaires. Il s’agit de leur offrir la possibilité d’un premier contact avant un rendez-vous d’évaluation, qui aura lieu dans l’un des trois SUMPPS, et une éventuelle orientation.

Accélérer le repérage

« La “porte d’entrée” des étudiants qui ne se sentent pas bien et veulent consulter un psychiatre ou un psychologue reste le SUMPPS, précise l’IDE. Les infirmiers, médecins généralistes ou psychologues de ces centres qui les reçoivent et s’interrogent sur un possible trouble psychologique ou psychique, peuvent les orienter vers nous. Nous intervenons alors en deuxième intention. » En cas de besoin, les étudiants sont orientés vers l’Esope. Ils peuvent être reçus par les infirmiers de l’équipe sous deux à quinze jours ou par l’un des deux psychiatres sous environ un mois, moins en cas d’urgence.

Des membres de l’Esope sont présents quatre jours par semaine dans les quatre SUMPPS et un jour par semaine à la faculté de médecine.

L’objectif : « repérer les patients le plus tôt possible et pouvoir ainsi mettre en place une prise en charge adaptée », poursuit l’infirmier. Lors de ces entretiens, les IDE recueillent des informations sur l’étudiant, son mode de vie et son parcours de vie, pour « cerner ses problématiques particulières et voir ce qui pourrait apporter une amélioration », indique Mickaël Rassel. L’équipe n’assure pas de suivi mais passe le relais aux structures ordinaires, essentiellement les CMP.

Une autre mission de l’équipe consiste en effet à favoriser le relais dans le système de prise en charge du droit commun, non spécifique aux étudiants.

Orientation locale

Une autre spécificité du dispositif réside dans le fait que les étudiants peuvent être orientés dans les CMP des secteurs couverts par l’Esope, pas vers ceux de leur secteur de résidence familiale. Comme ils ont déjà été vus par des professionnels de santé du CMP, ils ne sont pas soumis aux longs délais avant un premier rendez-vous. Les infirmiers de l’Esope, du fait de leur double casquette, peuvent donc être amenés à les revoir pour mettre en place un soutien psychothérapeutique.

Les hospitalisations en psychiatrie ont lieu en revanche sur le secteur d’origine des étudiants. Les IDE de l’Esope sont alors amenés à coordonner le parcours de soins de certains avec des structures éloignées de Lille. « Notre boulot, c’est aussi de nous assurer que le relais se passe bien », résume Mickaël Rassel. La coordination d’interventions coordonnées fait en effet partie des missions de l’équipe.

Localement il a fallu préciser le périmètre de l’action de chacun des acteurs (l’Esope n’est pas un CMP étudiant) et mettre en place des modalités de collaboration, y compris sur des sujets aussi triviaux que le dossier patient. Les équipes des SUMPPS et celle d’Esope se rencontrent régulièrement pour faire le point sur les étudiants rencontrés et leur orientation. La bonne connaissance, par les membres de l’Esope, des acteurs qui gravitent autour des étudiants constitue un atout pour les CMP où ils travaillent.

Sensibiliser et former

L’équipe mène aussi des actions de sensibilisation, voire des formations flash, sur les problématiques de santé mentale des étudiants auprès des personnels de l’université et des résidences universitaires mais aussi des professeurs et des étudiants relais santé. Les sujets abordés : les différentes pathologies psychiatriques comme les psychoses, le risque suicidaire, la dépression, les addictions, les types de prise en charge, etc. Dans le cadre de leur mission de prévention, les infirmiers de l’Esope interviennent aussi sur chaque événement universitaire où la santé mentale peut être évoquée, comme les journées d’immersion des étudiants ou la nuit du bien-être. L’équipe réalise également des podcasts diffusés sur les radios universitaires.

Expérimentés en psychiatrie, les IDE de l’Esope ont été formés aux spécificités de la santé mentale des étudiants et ont ainsi « monté en compétence », observe Arnaud Descamps. Ils peuvent aussi suivre des formations en lien avec des problématiques rencontrées par certains étudiants, par exemple le trouble « déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité » (TDAH), ou des pathologies plus prégnantes dans cette population, comme les « états limite » (borderline). En janvier, ils pourront suivre une formation sur la transidentité pour mieux accueillir les personnes concernées.

Géraldine Langlois

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