Le service de cardiologie de l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) met en oeuvre trois protocoles nationaux de coopération médecins-infirmiers. Ces protocoles visent à faire face à l’augmentation des demandes de prise en charge.

Au troisième étage du bâtiment A de l’HEGP, sur le Plateau technique non invasif (PTNI) de cardiologie, Christel Janin, infirmière, appelle une patiente dans la salle d’attente. Pendant que cette dernière se prépare pour son écho-doppler cardiaque, Christel Janin l’informe être infirmière. « Je vais réaliser votre échographie cardiaque, puis à l’issue de l’examen, le cardiologue viendra vous voir », lui précise-telle. La patiente accepte en s’allongeant sur la table d’examen. Christel Janin applique des électrodes sur sa poitrine pour mesurer le rythme cardiaque, nécessaire pour la réalisation de l’échographie cardiaque. Ensuite, elle prend la sonde et commence l’examen du coeur en toute autonomie. Les cavités cardiaques, la dynamique du sang à travers les valves, l’aorte : tout est passé au crible. « Je cherche en permanence la meilleure qualité d’images pour une bonne lecture des informations recueillies », explique Christel Janin. Elle repère ainsi une fuite aortique. À l’issue de l’examen, comme convenu, elle va chercher le cardiologue pour la lecture des boucles échographiques et pour la consultation avec le patient.
Cet article a été publié dans le n°52 d’ActuSoins magazine (avril 2024).
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Une prise en charge globale des patients
Pour le moment, Christel Janin est la seule infirmière du service à être déléguée pour ce protocole de coopération national, mis en place depuis 2017 au sein de l’établissement. Il repose sur la réalisation d’échocardiographies, l’enregistrement et la pré-interprétation des paramètres échocardiographiques transthoraciques (ETT) avant contrôle et interprétation médicale définitive. Sa collègue pourra d’ici quelques mois intégrer le protocole à l’issue de sa formation (DIU d’échographie). Pour le moment, Christel Janin assure deux demi-journées de vacation, deux fois par semaine, au laboratoire d’échocardiographies. « Participer à ce protocole rend mon métier d’autant plus intéressant que je comprends la prise en charge globale du patient, témoigne-t-elle. L’imagerie est un domaine passionnant, j’apprends quotidiennement en réalisant les actes et en échangeant avec les médecins. » « En France, nous manquons de cardiologues pour répondre à la demande d’échographies cardiaques, poursuit le Dr Tania Puscas Muresan, cardiologue délégant. Avec ce protocole, nous constatons un gain important du temps médical et une réelle valeur ajoutée pour les infirmiers avec un renforcement de l’approche relationnelle. »
Offrir un suivi plus régulier aux patients

À quelques dizaines de mètres, dans un autre couloir du PTNI, Julien Baud, infirmier de protocole de coopération en rythmologie, est concentré devant son ordinateur. Comme tous les matins, en collaboration avec deux collègues, il assure la télésurveillance des dispositifs cardiaques implantables d’un peu plus de 2 000 patients dans le cadre du protocole national intitulé « Contrôle des dispositifs implantables rythmologiques par un infirmier associant une prise en charge en présentiel et en télémédecine ». Ce protocole a été déployé dans le service en janvier 2021. À son arrivée en 2019, la télésurveillance n’était pas particulièrement structurée. Désormais effectuée pour les patients porteurs de pacemakers, défibrillateurs, et moniteurs cardiaques implantés chez les patients, elle « permet, pour certains dispositifs d’espacer jusqu’à 24 mois l’intervalle entre les visites de contrôle obligatoires contre 12 mois sans télésurveillance », rapporte-t-il. Les dispositifs médicaux implantés chez les patients sont connectés pour envoyer les données à l’équipe hospitalière, qui les réceptionne sur une plateforme d’interopérabilité dédiée. Celle-ci regroupe les alertes des cinq constructeurs de dispositifs médicaux implantés. Le transfert des données a lieu généralement pendant la nuit, si bien qu’en arrivant à l’hôpital le matin, les infirmiers disposent de toutes les informations sur leurs écrans. En cas d’alerte orange (clinique) ou rouge (technique), « nous assurons l’analyse des tracés et l’interprétation des données », indique Julien Baud. Ensuite, les professionnels utilisent des arbres décisionnels, qui leur confèrent une autonomie effective, pour structurer leurs actions : appeler le patient pour s’informer de son état, le convier à une consultation ou contacter le Samu pour le conduire à l’hôpital en toute sécurité. Pour autant, « l’objectif de la télésurveillance n’est pas d’assurer les urgences, prévient-il. La nuit ou les week-ends, les patients doivent se prendre en charge. »
Parallèlement à ce suivi à distance, Julien Baud effectue les lundis et mercredis des contrôles programmés des prothèses cardiaques, en présentiel. « Je travaille en autonomie mais à proximité du rythmologue, car je ne peux pas modifier les réglages d’un dispositif médical quand cela est nécessaire », rapporte l’infirmier.
Le protocole permet ainsi d’améliorer la qualité des soins avec un suivi plus régulier des patients et de raccourcir les délais d’intervention par la gestion quotidienne des alertes. « Il est plaisant de savoir que nous pouvons renforcer l’équipe en complémentarité et que nous pouvons partager des tâches qui nous font gagner du temps », estime le Dr Pierre Baudinaud, rythmologue.
Agir pour le maintien à domicile
À côté du bureau de rythmologie, se trouve la Cellule d’expertise et de coordination de l’insuffisance cardiaque sévère (CECICS), créée dans le cadre du protocole de coopération « Télésurveillance, consultation de titration et consultation non programmée, avec ou sans télémédecine, des patients traités pour insuffisance cardiaque ». Ce protocole national s’est déployé en deux temps : la télésurveillance en 2020, puis les consultations de titration en 2022. L’objectif est le dépistage précoce de décompensation cardiaque. « Nous assurons, avec ma collègue, la télésurveillance d’une soixantaine de patients atteints d’insuffisance cardiaque », explique Marie Sevrain, infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque (ISPIC). Chaque jour, elles vérifient si le dispositif a généré des alertes en lien avec des données patients provenant d’une balance, ainsi que les réponses à un questionnaire de symptômes via une application. Le protocole leur permet d’adapter, si besoin, les traitements diurétiques à distance, grâce à des arbres décisionnels, d’en assurer le suivi et de mieux orienter le patient (maintien à domicile, consultation en ville/ hôpital, hospitalisation cardiologique).
L’ISPIC intervient également au cours de consultations de titration (trois plages) dans le but d’optimiser les traitements de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche altérée. L’objectif est d’effectuer ces consultations toutes les deux semaines, en accompagnant le patient et en assurant son éducation thérapeutique. « Depuis que nous avons mis en place le CECICS, nous avons divisé par deux les hospitalisations et réduit les passages aux urgences », se félicite le Dr Quentin de Baynast. Et Marie Sevrain de conclure : « Ces protocoles de coopération améliorent la prise en soin des patients, valorisent les compétences infirmières et la coopération médecin-infirmier. Pour accroître l’attractivité du métier et fidéliser le personnel, ils représentent une solution concrète. »
Un nouveau protocole dans le service
Julien Baud est en train de terminer sa formation pour la mise en application d’un protocole local consistant à effectuer la pose de moniteurs cardiaques sous-cutanés par un infirmier en lieu et place d’un médecin. L’objectif est d’instaurer une demi-journée de vacation par semaine au cours de laquelle il pourra implanter des moniteurs cardiaques, en toute autonomie, à cinq patients environ. Cet acte est actuellement effectué au bloc opératoire par des cardiologues, entre deux interventions. « Avec le protocole, nous pourrons organiser cette intervention en consultation externe sur convocation des patients, et ainsi réduire leur temps d’attente », explique Julien Baud. Cette nouvelle organisation va participer à réduire les délais de prise en charge.
Laure Martin
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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
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