Erreurs médicamenteuses : comprendre, prévenir, agir

Erreurs médicamenteuses : comprendre, prévenir, agir

Dans les unités de soins, les infirmiers sont quotidiennement confrontés au risque d’erreurs médicamenteuses susceptibles de provoquer des effets indésirables, parfois graves, et même de conduire au décès.

11,9%. Cette statistique, révélée dans le sixième bilan de la HAS (Haute autorité de santé) des évènements graves associés aux soins (novembre 2023) met en lumière le poids des erreurs médicamenteuses dans les incidents sérieux rapportés en France, pour les prises en charge dans les établissements sanitaires et médico-sociaux mais aussi en ville. Afin de prévenir ces incidents, il est essentiel de commencer par identifier leurs causes.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°52 d’ActuSoins magazine (avril 2024).

Il est à présent en accès libre. 

Pour recevoir un magazine complet tous les trimestres, abonnez-vous

Erreurs médicamenteuses…

Les risques encourus en cas de défaillance d’identitovigilance sont nombreux. L’événement indésirable le plus fréquent est l’administration de soins au mauvais patient. ©Malika Surbled

Lorsqu’il s’agit de prodiguer des soins, l’adage « soigner la bonne personne » semble relever de l’évidence. Pourtant, malgré cette apparente simplicité, les erreurs dites « de patients » demeurent un problème persistant (voir infographie ci-dessous), notamment dans les unités de soins. Pour éviter toute défaillance d’identitovigilance, une vérification minutieuse de l’identité du patient s’impose comme une étape fondamentale, même lorsque le professionnel connaît ce dernier. Le soignant doit vérifier avec le patient son nom marital, son nom de famille, son prénom et sa date de naissance, en s’assurant qu’ils concordent avec les informations du bracelet d’identification. En cas d’interaction directe impossible (patients inconscients, atteints de troubles cognitifs ou jeunes enfants), ce bracelet devient impératif.

Autre point de vigilance : les anomalies et erreurs de prescriptions médicales, bien qu’évitables, restent également fréquentes et peuvent avoir des conséquences dramatiques. Il est essentiel de rappeler que la prescription relève de la responsabilité du médecin et doit respecter des normes strictes, incluant la datation et la signature du médecin, ainsi que la mention du nom du médicament (DCI), de sa posologie, de son mode d’administration, ainsi que de l’heure ou la période réfractaire. Les connaissances et compétences de l’infirmier doivent lui permettre de comprendre la prescription, de la remettre en question si nécessaire et, le cas échéant, de chercher à la clarifier. La pharmacie joue également un rôle phare et doit, avant de délivrer un produit médicamenteux, alerter en cas de prescription qui semble erronée.

Une fois la prescription médicale établie, l’infirmier peut être amené à effectuer des calculs de doses. Toute erreur liée à un mauvais calcul de dose peut conduire à des événements indésirables, parfois graves et irréversibles. Il est donc impératif d’entretenir et de renforcer cette compétence pour assurer la sécurité des patients. Si de nouveaux logiciels pharmaceutiques apportent une aide en calculant automatiquement des dilutions, ils ne se substituent pas au soignant qui doit effectuer son propre calcul, différents paramètres spécifiques devant être pris en compte (concentration des produits disponibles dans le service par exemple). En cas de doute, la double vérification par un collègue est une alternative recommandée.

De même, une erreur de rangement dans la pharmacie peut être une source de confusion, surtout lors de situations d’urgence. Bien qu’il soit crucial d’avoir une organisation de rangement commune, celle-ci doit s’associer à une vérification régulière et rigoureuse.

Attention aux glissements de tâches qui représentent un danger pour la sécurité des patients, avec un risque d’erreurs de dosage, de produit ou de patient. Il est notamment nécessaire d’encadrer et d’accompagner les étudiants en soins infirmiers pendant les soins et la distribution des traitements.

infographie has erreurs médicamenteuses
Parmi les 143 erreurs médicamenteuses retenues et analysées dans le sixième bilan annuel de la HAS sur les évènements graves associés aux soins, l’erreur de dose restait, en 2022, le type d’erreur le plus déclaré. ©HAS

…et inattention

Véritable fléau représentant un risque significatif, l’interruption de tâche est quotidienne et découle de l’environnement immédiat du soignant, incluant le téléphone, le patient, l’entourage du patient, l’équipe pluridisciplinaire… Cette interruption crée une charge mentale décuplée mettant à l’épreuve la concentration du professionnel et favorise le risque d’erreur. Pour éviter cette situation, il est nécessaire d’identifier les situations à risque et de reporter les demandes non urgentes. Dans cette optique, l’éducation de l’équipe pluridisciplinaire s’avère indispensable.

Laisser un chariot de médicaments ouvert ou encore une pharmacie en libre accès dans la salle de soins représente également une pratique potentiellement dangereuse. Les risques associés à ces négligences sont majeurs : vol, ingestion en grande quantité à des fins suicidaires ou addictives, danger pour les patients déambulant et présentant des troubles cognitifs. Il en est de la responsabilité infi rmière de sécuriser les lieux en fermant tous les accès lorsqu’ils sont sans surveillance.

Les erreurs liées à un manque de vérification constituent un facteur de risque significatif, souvent sous-estimé. Ce problème peut résulter de routines établies, comme lorsqu’un patient est hospitalisé dans un service depuis plusieurs semaines avec le même traitement. Dans ce type de situation, il existe un risque d’hypovigilance lors de l’administration des traitements, alors même qu’une modification thérapeutique a pu avoir lieu.

Il semble enfin nécessaire d’aborder la question de la surcharge de travail car elle constitue un facteur à prendre en considération. Plus le soignant est accaparé par de multiples tâches, plus son niveau de stress augmente et plus le risque d’erreur est important.

Erreurs médicamenteuses : dix fois la dose

Une ancienne infirmière de l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) a été condamnée en janvier 2024 à deux ans de prison avec sursis. Cette condamnation fait suite à l’administration, en 2014, d’une dose de morphine dix fois supérieure à celle prescrite, entraînant le décès d’un patient. Un ancien interne a également été mis en cause et condamné : au moment de l’administration, sa prescription orale n’avait pas encore été retranscrite sur papier. Cet incident souligne non seulement l’importance d’une prescription rédigée et claire, mais aussi le rôle essentiel de réflexion de l’infirmier, qui doit pouvoir mobiliser ses connaissances pharmacologiques avant la réalisation de ses actes.

Errare humanum est

Le professionnel qui constate une erreur médicamenteuse a l’obligation d’alerter immédiatement le médecin du service pour assurer la sécurité du patient et prodiguer les soins d’urgence. Il doit ensuite prévenir le cadre responsable et informer le patient ou, s’il est mineur ou incapable de comprendre (patient inconscient, souffrant de troubles cognitifs…), son responsable légal. Cette responsabilité peut être déléguée au supérieur hiérarchique. Les étapes suivantes incluent les transmissions écrites et orales, ainsi que la déclaration offi cielle à l’établissement. Bien que l’erreur puisse causer des sentiments de culpabilité, de stigmatisation ou même de perte de confi ance, le soignant concerné doit pouvoir remettre en question ses pratiques professionnelles tout en cherchant le soutien nécessaire pour surmonter la situation, que ce soit en échangeant avec des collègues, des supérieurs ou en sollicitant l’aide d’un psychologue du personnel. La hiérarchie doit encourager la déclaration des évènements indésirables par la pédagogie mais également en instaurant une relation de confi ance avec l’équipe.

Julie MARQUET, Infirmière

Je m'abonne à la newsletter ActuSoins 

Cet article a été publié dans ActuSoins Magazineactusoins magazine pour infirmière infirmier libéral
Il est à présent en accès libre.
ActuSoins vit grâce à ses abonnés et garantit une information indépendante et objective.
Pour contribuer à soutenir ActuSoins, tout en recevant un magazine complet (plus de 70 pages d’informations professionnelles, de reportages et d’enquêtes exclusives) tous les trimestres, nous vous invitons donc à vous abonner.
Pour s’ abonner au magazine, c’est ICI

Abonnez-vous au magazine Actusoins

 

 

 

Restez connecté ! Installez l'application gratuite ActuSoins


Articles complémentaires