Les douleurs neuropathiques sont complexes et sévères et ne sont pas toujours faciles à soulager. Il est possible de les rendre plus supportables grâce à plusieurs moyens thérapeutiques, dont les patchs antalgiques de capsaïcine 8 %, un composé chimique contenant des extraits de piment rouge.
L’association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) définit la douleur neuropathique comme « une douleur liée à une lésion ou une maladie affectant le système somato-sensoriel, périphérique ou central ».
La douleur neuropathique (DN) est due à une lésion primaire ou à un dysfonctionnement du système nerveux central (moelle épinière, tronc cérébral, encéphale) ou périphérique (nerf, racine). Cette lésion ou irritation du système nerveux entraîne un dysfonctionnement des voies nociceptives. Les DN concernent 7 % de la population française1. Elles font partie des douleurs chroniques.
Elles sont souvent décrites comme lancinantes, comparables à des décharges électriques, des brûlures ou encore une sensation de froid douloureux. Ces douleurs peuvent être associées à des fourmillements, des picotements, des démangeaisons, voire des engourdissements.
L’examen du patient peut mettre en évidence une douleur, provoquée par un stimulus habituellement non douloureux, appelée allodynie. L’allodynie peut être mécanique ou thermique. On peut également retrouver une hypoesthésie, qui se traduit par une diminution de la sensibilité à la stimulation (tactile, thermique ou les deux). La région douloureuse n’est pas nécessairement celle du site lésionnel.
Sommaire
ToggleDouleurs neuropathiques : causes multiples
Les traumatismes tels que la chirurgie, les accidents ou l’amputation de membre ou d’organe peuvent endommager directement les nerfs et d’induire une douleur neuropathique.
La DN est une complication fréquente d’autres maladies comme le diabète, le VIH, le zona, la maladie de Lyme, la sclérose en plaque, l’accident vasculaire cérébral et la maladie de parkinson.
Les carences en vitamines B1, B12, les gammapathies et l’alcoolisme peuvent être à l’origine de douleurs neuropathiques. La compression ou l’infirmation tumorale peuvent également comprimer et infiltrer des nerfs donc causer des douleurs neuropathiques.
La DN peut être iatrogène et résulter d’un traitement médicamenteux. On peut citer les chimiothérapies (taxanes, sels de platines, vinca-alcaloïdes etc.), les antirétroviraux…
Il faut noter que la douleur neuropathique peut apparaître plusieurs jours ou plusieurs mois après la lésion causale.
Diagnostic
Le diagnostic de la douleur neuropathique repose sur un interrogatoire et un examen clinique complet et méticuleux.
Le médecin demande au patient la localisation de sa douleur. Il s’attarde également à rechercher ses caractéristiques et conditions de survenue : la douleur peut être spontanée (continue ou paroxystique), provoquée par des stimulations tactiles (mouvements, frottements ou pressions) ou par des stimulations thermiques (contact avec un objet chaud ou froid). Ces composantes peuvent exister seules ou en association chez un même patient.
Le médecin interroge le patient sur l’apparition de sensations associées comme des engourdissements, des fourmillements, des picotements et des démangeaisons. À ce stade de l’interrogatoire, le vocabulaire utilisé par le patient doit faire l’objet d’une attention particulière. En effet, certains termes (brûlure, coup de couteau, décharge électrique…) sont caractéristiques de la douleur neuropathique.
L’intensité de la douleur est évaluée grâce aux échelles d’évaluation de la douleur : échelle visuelle analogique (EVA), échelle numérique (EN) et échelle verbale simple (EVS).
L’interrogatoire du patient permet de faire préciser les facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur, l’évolution temporelle de la douleur et les traitements antalgiques utilisés avec ou sans succès.
Le médecin questionne le patient sur le mode de vie du patient, ses antécédents médicaux, chirurgicaux et de douleur ainsi que le retentissement de la douleur dans la vie (sommeil, anxiété, travail, activités).
Lors de l’examen clinique, il recherche un éventuel trouble sensitif (sensibilité tactile fine ou grossière, piqûre, sensibilité thermique ou encore profonde) où peut siéger également dans certains cas, un déficit moteur, un trouble des réflexes ou des réponses motrices anormales (spasticité, hypertonie). Il peut exister des anomalies de perception, telles que l’allodynie, l’hyperalgésie (réponse exagérée à une stimulation qui normalement est douloureuse) ou, à l’inverse, l’hypoesthésie.
Le médecin s’appuie sur un questionnaire (le DN4) pour le diagnostic. Cet outil est simple et rapide d’utilisation avec une sensibilité et une spécificité excellente. Pour dépister une douleur neuropathique, le score du DN4 doit être égal ou supérieur à 4. À l’heure actuelle, il n’existe pas d’outil spécifique diagnostic de la douleur neuropathique validé chez l’enfant ou l’adulte non communicant. La démarche diagnostic doit donc être similaire à celle de l’adulte.
La prescription d’un patch de capsaïcine intervient en seconde intention (d’après les recommandations de la Société française d’étude et de traitement de la douleur de 2020), lorsqu’un premier traitement a été inefficace ou insuffisant. Le médecin remet alors au patient une note explicative sur le patch de capsaïcine.
Douleurs neuropathiques : un traitement de seconde intention
Le principe actif du patch est la capsaïcine, un extrait des végétaux de la famille des capsicum, responsable du piquant des piments. C’est un agoniste hautement sélectif du récepteur TRPV1 impliqué notamment dans la transmission et la modulation des signaux douloureux. Ce récepteur est exprimé par les nocicepteurs cutanés, leur exposition à des fortes concentrations de capsaïcine induit leur désensibilisation et donc à priori un soulagement de la douleur.
Le patch est indiqué uniquement chez l’adulte présentant des douleurs neuropathiques. Il peut être employé seul ou en association avec d’autres médicaments pour le traitement de la douleur. Une attention particulière sur l’état cutané des pieds est portée aux patients présentant des neuropathies diabétiques.
L’application du patch pouvant être douloureuse, elle a lieu lors de prise en charge en d’hôpital de jour avec la présence d’un médecin et d’un infirmier formés. La durée d’action s’étend de plusieurs semaines à plusieurs mois. Les effets indésirables les plus courants sont les érythèmes et la douleur pendant et après l’application. La contre-indication stricte est l’hypertension artérielle mal contrôlée. Le patch de capsaïcine s’applique tous les deux à trois mois. Plusieurs applications peuvent être nécessaires afin de parvenir à un soulagement.
Le patch de capsaïcine est un traitement onéreux – environ deux cent cinquante euros – et son maniement par les soignants formés reste délicat. Des études2 ont démontré son efficacité avec des résultats très encourageants sur la prise en charge des douleurs neuropathiques.
L’infirmier ou le médecin qui réalise la pose du patch a un rôle majeur de surveillance, pré et post administration. Différentes étapes sont nécessaires.
1. Il accueille et vérifie l’identité du patient et met en place son bracelet d’identification.
2. Il prend la tension artérielle et évalue la douleur grâce à une échelle d’auto-évaluation de la douleur (EN, EVA et EVS).
3. Il propose une prémédication antalgique per os au patient.
4. Il fait remplir le NPSI* (questionnaire permettant d’évaluer la présence et de suivre l’évolution des symptômes d’une douleur neuropathique) au patient, qu’il peut aider.
5. Il délimite la zone cutanée douloureuse à l’aide d’un marqueur cutané lavable et la reproduit sur le papier calque.
6. Il prépare et installe son matériel :
- Un ou plusieurs patchs (maximum trois par patient) et du gel nettoyant spécifique associé.
- Une boîte de gants en nitrile (le latex offrant une protection insuffisante)
- Du papier calque.
- Du matériel de maintien du patch et des poches de froid (bande, pansement film transparent, sparadrap ou rouleau de bandage tubulaire)
- Un sac déchet DASRI et un sac poubelle.
- Deux masques (un pour le soignant et un autre pour le patient) et deux paires de lunettes à usage unique, afin de se protéger du risque d’aérosolisation de la capsaïcine.
- Des gants de toilette à usage unique et des lingettes sèches à usage unique.
- Des poches de froid pour prévenir, si besoin, la sensation de brûlure lors de la pose.
- Un pansement hydrogel pour prendre en charge la douleur après l’application.
7. Il applique le patch
-
Pose du pansement en hydrogel Il enfile une paire de gants en nitrile, met des lunettes de protection ainsi que le masque chirurgical. Selon la zone à traiter, le patient porte un masque chirurgical et une paire de lunette de protection.
- Il découpe le patch selon la zone à traiter, à l’aide du papier calque.
- Il retire le film protecteur et positionne le patch sur la peau (la face adhésive est appliquée contre la zone douloureuse à traiter).
- Il lisse le patch sur la peau afin de favoriser son adhérence.
- Il le fixe avec une bande, un pansement film transparent ou du sparadrap. Le patient peut porter une paire de gants en nitrile lorsque les patchs sont appliqués sur les doigts.
- Il positionne les poches de froid, à la demande du patient, au-dessus du patch et les maintient avec un bandage tubulaire.
- Il veille au respect de la durée d’application : le patch doit rester en place 30 minutes sur les pieds et 60 minutes sur les autres zones du corps (application interdite sur le visage et sur les peaux lésés).
- Il surveille la tension artérielle, l’état cutané de la zone douloureuse et la douleur régulièrement, avant, pendant et après la pose.
8. Il retire le patch
- Après avoir enfilé une paire de gants en nitrile, un masque chirurgical et des lunettes de protection, le soignant retire le patch prudemment en l’enroulant vers l’intérieur afin de réduire le risque d’aérosolisation de la capsaïcine.
- Il dépose le patch usagé dans la poubelle DASRI.
- Avec une nouvelle paire de gants, il applique le gel nettoyant sur la zone traitée. Ce gel doit rester en place pendant une minute, au moins.
- Il essuie le gel nettoyant avec une lingette sèche puis lave la zone traitée à l’eau et au savon doux grâce aux gants de toilette à usage unique et sèche avec une lingette propre.
- Il applique un pansement en hydrogel préalablement refroidi si nécessaire sur la zone traitée afin de soulager la douleur aiguë lié à l’application du patch de capsaïcine.
- Le matériel ayant servi au nettoyage est éliminé dans la poubelle DASRI.
9. Il assure une surveillance
- Le soignant effectue les transmissions dans le dossier du patient.
- Il organise un suivi téléphonique de la pose ou le jour ouvré suivant pour les premières applications : il s’agit d’évaluer la tolérance et l’apparition d’éventuels effets secondaires. Un second suivi téléphonique est réalisé un mois après l’application pour évaluer l’efficacité du traitement. Le soulagement peut être observé dès la première semaine, mais ce délai est très variable d’une personne à l’autre. À domicile, les patients peuvent utiliser des poches de froid et prendre des antalgiques pour continuer à atténuer la douleur.
* Neuropatic Pain Symptom Inventory
(1) Bouhassira D et al. Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. Pain. 2008.
(2) Defawe C, Bouhassira D, Lanteri-Minet M, Perrot S, Mistretta F. Patch de capsaïcine 8 % (Qutenza®) en pratique courante : résultats de l’étude post-inscription QAPSA demandée par la Haute Autorité de santé. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique Volume 64, Supplément 6, Décembre 2016.
Tiberghien-Chatelain F, Laventurier S, Piccand V, Lajoie J-L, Lassauge F. Efficacité du patch de capsaïcine 8 % Qutenza® sur les 26 premiers patients traités au CHU de Besançon. Douleurs : Évaluation – Diagnostic – Traitement Volume 15, Décembre 2014.
Emelyne ELIASSIN
Infirmière ressource douleur
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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
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