Ni hôpital, ni cancer, ni soignants, ni soins palliatifs… L’Homme étoilé revient avec un album* qui s’éloigne des thèmes qui ont fait son succès. Ce qui ne nous empêche pas d’y retrouver tout ce qui fait le charme du plus célèbre des infirmiers-dessinateurs.
Une belle et déchirante histoire d’amour. Voilà ce que L’Homme étoilé a choisi de raconter dans Tu ne marcheras jamais seule, BD sortie début mai aux éditions du Lombard.
Un récit qui projettera les lecteurs à mille lieux de l’univers qu’ils avaient appris à aimer chez cet infirmier qui s’est fait connaître en dessinant son quotidien de soignant dans un service de soins palliatifs à Metz, d’abord sur les réseaux sociaux, puis dans des albums pleins d’humour et de tendresse (Je serai là et À la vie Chez Calmann-Lévy, Constellation au Lombard…).
Déjà, avec Je suis au-delà de la mort ! (Le Lombard, 2023), celui qui se décrit lui-même comme un « marshmallow dans une armoire à glace » s’était éloigné de la chronique hospitalière pour aborder les territoires de la fiction. Mais ses personnages principaux restaient des patients. Dans ce nouvel opus, L’Homme étoilé largue les amarres : le seul lien, assez ténu, avec le monde médical est la grossesse de Clémentine, son personnage principal.
« Je n’avais plus envie d’être étiqueté comme “l’infirmier qui fait de la BD”, explique l’auteur dans le dossier de presse qui accompagne la sortie de l’ouvrage. Je voulais me prouver que j’étais capable de sortir du cadre de la maladie et de raconter une histoire différente, en espérant qu’elle intéresse autant les lecteurs. » Et de fait, l’idylle entre Clémentine et son amoureux Simon, que l’auteur place dans un décor très parisien fait de magnifiques paysages haussmanniens et d’intérieurs aussi spacieux que luxueux, nous transporte à mille lieux des chambres hospitalières lorraines auxquelles ses crayons nous avaient habitués.
Les professions des deux amoureux semblent elles aussi choisies pour emmener les fans de L’Homme étoilé sous des latitudes encore inexplorées en sa compagnie : elle est éditrice dans ce qui semble être une grande maison parisienne, tandis qu’il rénove des hôtels de luxe aux quatre coins du monde.
Voyage en terrain pas tout à fait inconnu
Et pourtant, aucun sentiment d’étrangeté à la lecture de cette histoire d’une grande pureté. On y retrouve par exemple, comme dans toutes les créations de l’Homme étoilé, l’omniprésence de la musique. En l’occurrence, dans Tu ne marcheras jamais seule, on écoute surtout Nina Simone et les Jacksons.
L’album conserve également cet humour, cette tendresse, cet amour inconditionnel du prochain qui font la marque de l’auteur : on est bien en peine de trouver chez les personnages qui se déploient dans ces pages l’ombre d’une méchanceté, d’une malveillance. Il y a surtout le thème de l’absence des êtres qui nous sont chers : la tension dramatique du livre repose en effet sur les longues attentes de Clémentine face à un Simon toujours entre deux rendez-vous, entre deux chantiers, et dont la présence est de plus en plus fantomatique.
On est donc bien dans Tu ne marcheras jamais seul en terrain connu, avec un personnage qui s’efface comme s’effacent les patients de soins palliatifs que l’Homme étoilé a souvent croqués dans ses récits précédents. Si quelque chose a changé dans son travail, c’est donc davantage sur la forme que sur le fond. Et sur la forme, justement, on sent que l’auteur gagne en maturité, avec des dialogues de plus en plus épurés, des cases au dessin et à la composition plus complexes, des planches à la construction plus élaborée. Voilà de quoi donner envie de continuer à suivre le travail du Lorrain, qui semble déjà avoir une idée assez précise de la suite qu’il entend donner à son œuvre.
Son prochain album sera « un reportage dessiné consacré à la mécanique du deuil », annonce-t-il en effet dans le dossier de presse déjà cité. « C’est un processus que je trouve très beau et très intéressant d’un point de vue psychologique, explique-t-il. J’ai prévu de faire témoigner une dizaine de personnes qui, comme moi, jouent un rôle d’accompagnateur mais de manière différente », ajoute-t-il, précisant par ailleurs qu’il lui « reste encore quelques expériences personnelles à évoquer » et qu’il aimerait donc aussi publier « un ultime récit autobiographique » avant de « passer à autre chose ». On ne quitte pas si facilement le monde soignant et l’hôpital !
Adrien Renaud
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