Le service de neuroradiologie du CHU Gui de Chauliac, à Montpellier, s’est organisé pour assurer une prise en charge étroitement coordonnée, en un temps record, des AVC ischémiques. Outre un plateau technique de pointe, tout le circuit patient a été repensé, pour ne pas dire, révolutionné.

Décider d’une thérapeutique et démarrer le traitement en neuf minutes, montre en main, après l’arrivée d’un patient aux Urgences. Plutôt que trente minutes en moyenne habituellement. C’est le défi que le service des Urgences du pôle tête et cou (UTEC), à l’hôpital Gui de Chauliac, sait aujourd’hui relever. Un défi d’autant plus grand que l’AVC – 150 000 cas par an en France dont 36 par jour dans toute l’Occitanie – est la première cause de dépendance et la troisième cause de mortalité en France. « Grosso modo, lorsqu’un patient franchit la porte du service avec une suspicion d’AVC, nous sommes capables dans ce délai, de le conditionner et de le préparer à l’imagerie cérébrale, de démarrer une fibrinolyse* dans les quinze minutes et de lancer l’intervention vasculaire dans les trente minutes », résume le professeur Vincent Costalat, responsable du service de neuroradiologie, et de l’équipe médicale neuro-radiologie interventionnelle et clinique.
Cet article a été publié dans le n°52 d’ActuSoins magazine (avril 2024).
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AVC ischémique : exit le séquentiel
Ce laps de temps record est obtenu ici parce que tout se fait en parallèle. « Le patient n’attend pas, c’est la grosse différence », précise ce médecin à l’origine de la “révolution” qui s’est opérée ici, dans le circuit du patient et la transmission des informations aux soignants. « Précédemment, on faisait tout en séquentiel. » Étape après étape : identification du patient, mise en box, vérification d’étiquette, première consultation pour confirmer la suspicion puis examen neurologique pour établir la réalité et enfin l’imagerie, si elle n’est pas occupée « Beaucoup de temps peut s’écouler, or chaque minute passée, c’est près de 2 millions de neurones perdus », rappelle le professeur.
Le circuit de prise en charge pluridisciplinaire, fait désormais travailler ensemble, en même temps, pas moins de quatorze intervenants – médecins, manipulateurs radio, infirmiers, aides-soignants, pompiers. Les équipes sont entraînées. « Quand le patient arrive à l’hôpital, les portes de nos Urgences sont ouvertes, tout le monde se tient prêt », note Marie-Laure Vabre, cadre de santé des Urgences “Tête et cou”. Une priorité : l’imagerie médicale, pré alertée. « Le diagnostic c’est l’élément majeur, il faut que le scanner, installé tout près de l’entrée, soit libre à l’arrivée du patient qui y va, direct ! » L’infirmier, avec l’aide de l’aide-soignant, le déshabille, le conditionne, pose la voie veineuse périphérique ; l’urgentiste l’ausculte aussitôt.
AVC ischémique : accélérer la prise en charge
« Une telle prise en charge se joue à trois entités, urgentistes, neurologues et neuro radiologues », décrit la soignante qui forme un vrai binôme avec le cadre de santé manipulateur radio. « On partage nos infos, on ouvre des possibles parce que l’on discute. » Les soignants sont tous « ultra briefés » sur cette prise en charge des AVC « très ritualisée ». « Nous essayons de rendre réalisable ce dont rêvent les équipes médicales : aller très vite. » Sans jamais perdre du vue le parcours ultra sécurisé du patient.
Un parcours optimisé grâce au travail effectué sur les connexions avec le préhospitalier (pompiers, Samu, régulation des appels au centre 15…). Une des missions fixées par les cadres de santé. « Il ne s’agit pas seulement de nous améliorer en interne », conviennentils. Tous les urgentistes du service connaissent bien les rouages du préhospitalier. L’art est, pour celui qui décroche au centre 15, de se déconnecter du contexte de l’appel – une ambiance festive en fond sonore, une télé un peu forte, des enfants qui s’amusent, etc. « Il doit rester très objectif, retenir des mots clés ». Dégainer le Score Fast afin d’établir le degré de gravité et envoyer aussitôt sur place, les bons moyens pour récupérer le patient. Le ramener le plus rapidement vers les UTEC.
Tous feux au vert
« Au domicile, on ne refait pas le bilan. On sait déjà qu’il est très probablement en faveur d’un AVC », indique Marie-Laure Vabre. « Notre travail c’est d’avoir l’information qu’un vecteur est déclenché auprès d’un patient. » Pendant son transport, un appel est passé aux UTEC cinq minutes avant l’arrivée du véhicule. Le message d’alerte est déjà envoyé, via GSM, par la strokner (l’infirmière dédiée à l’AVC) à une dizaine de personnes – l’urgentiste, le manipulateur radio, le radiologue, le neuro- radiologue, l’anesthésiste… Tous les feux sont au vert. « L’équipe a préparé le bilan type, de quoi perfuser le patient, le kit est près. »
L’intervention pour les AVC ischémiques – la dissolution du caillot par thrombolyse, ou, dans les cas graves, son évacuation par thrombectomie – se décide à deux (médecin neuro radiologue et neurovasculaire). L’infirmière administre directement, au scanner, le traitement nécessaire, avec les thrombolytiques prescrits. Puis, le patient part en salle en d’opération : une salle de neuroradiologie interventionnelle biplan capable de prendre en charge les AVC graves par voie mini-invasive, et sous contrôle radio en temps réel. Le CHU de Montpellier, un pionnier des thrombectomies depuis 2009, référent européen et mondial dans la prise en charge des pathologies vasculaires cérébrales, s’est doté de cette technique de pointe, en 2019. « Elle a bouleversé le pronostic des AVC graves, en permettant aux patients de retrouver leur autonomie dans un grand nombre de cas », précise le professeur Costalat. La procédure pour déboucher les artères cérébrales et reperfuser le cerveau est plus rapide.
Techniques d’intervention : la thrombectomie
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Thrombectomie mécanique. La thrombectomie, réalisée en neuroradiologie interventionnelle, consiste à recanaliser une artère cérébrale occluse à la phase aiguë d’un AVC ischémique, à l’aide d’un dispositif mécanique introduit par voie fémorale. Cette technique a connu un développement exponentiel au CHU de Montpellier, passé de 60 cas à plus de 500 en dix ans (+12 % par an) dont une centaine à la permanence de Perpignan.
- La thrombolyse consiste à injecter un thrombolytique pour dissoudre le caillot. Ce procédé peut s’avérer insuffisant lorsque le thrombus est trop gros.
Maillage
« L’heure magique, où on est débouché dans l’heure et où il n’y a pas de séquelles, va dépendre du type d’AVC, de la taille du thrombus et du temps qu’on met à retirer le caillot », rappelle Olivier Martin, cadre de santé manipulateur radio. Le scénario idéal. Le délai d’acheminement est capital. « Montpellier obtient de bons résultats parce que l’on a créé des Unités de relais pour couvrir la région », fait observer Vincent Costalat. Depuis dix ans, un maillage s’est en effet développé à Nîmes – un médecin de Montpellier assure une permanence en semaine – et Perpignan qui réalise des thrombectomies. « Il permet d’avoir l’un des meilleurs taux d’accès à la thrombectomie mécanique. » Il y a toutefois, selon ce chef de service, de gros progrès à faire dans le maillage en France, et dans le flux de travail qui amène un patient éligible, à en bénéficier.
« F.A.S.T FOR STROKE », la pédagogie façon Netflix
Un court-métrage, très didactique, d’une trentaine de minutes a été réalisé à Montpellier pour sensibiliser les équipes. La première partie montre toutes les erreurs de prise en charge, les pertes de temps. Puis on rembobine et on refait tout, comme il faudrait, en montrant le rôle, à chaque étape, des IDE, des manipulateurs, etc. Le scénario, imaginé par le professeur Costalat, dit tout. Les personnels hospitaliers et préhospitaliers y jouent leur propre rôle… Il est utilisé notamment pour former les pompiers et les paramédicaux. Un deuxième film, de la même veine été réalisé pour alerter sur l’anévrisme.
https://masterandfellow.com/workflow
*Pour les AVC ischémiques. Les AVC hémorragiques ne passent pas par la même filière : l’urgence, si le saignement est important, va être de drainer l’hématome qui peut engager le pronostic vital. La solution sera dans ce cas trouvée au bloc opératoire.
Myriem LAHIDELY
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