À Jeanne Garnier, un hôpital de jour pour les soins palliatifs

À Jeanne Garnier, un hôpital de jour pour les soins palliatifs

Depuis mars 2023, la Maison Médicale Jeanne Garnier (Paris), spécialisée dans la prise en charge des soins palliatifs et la fin de vie, a diversifié son offre de soins en proposant aux patients et à leurs aidants un accueil ambulatoire.

hôpital de jour de la Maison médicale Jeanne Garnier
Ouvert en mars 2023, l’hôpital de jour de la Maison médicale Jeanne Garnier accueille en moyenne quatre patients par jour, trois jours par semaine. L’objectif, à terme, est d’augmenter cette capacité d’accueil pour recevoir jusqu’à six patients par jour. © Ayoub Benkarroum

En passant la porte de l’établissement, situé en plein coeur du 15e arrondissement de Paris, un sentiment d’apaisement saisit les visiteurs. Un grand jardin avec des arbres de toute part embellit l’espace et absorbe les bruits environnants. Une bulle. Ce ressenti se poursuit en passant les portes de l’hôpital de jour (HDJ), pensé comme un appartement avec un hall d’entrée, puis à droite une cuisine avec une grande table sur laquelle sont posés quelques fruits et des madeleines. Sur la gauche, des fauteuils, une table basse et une bibliothèque. Enfin un grand couloir, avec plusieurs chambres, lieux de consultation. La structure, qui a ouvert ses portes en novembre 2023, propose aux patients en soins palliatifs, encore stables, adressés par des acteurs de ville ou des structures, une passerelle entre leur maintien à domicile et l’hospitalisation, via des consultations dédiées. L’objectif est de les maintenir le plus longtemps possible chez eux, tout en faisant le lien avec l’unité de soins palliatifs au cas où une hospitalisation devienne nécessaire. L’HDJ est organisé autour d’une équipe pluriprofessionnelle avec un médecin spécialiste en soins palliatifs, une infirmière de soins généraux, une infirmière en pratique avancée, une infirmière coordinatrice et une psychologue. Certains intervenants transversaux (psychomotricien, référente aromathérapie, référente kinésionomie clinique) peuvent également être sollicités. « Nous avons conscience de la plus-value de notre offre, souligne France Bonnin, infirmière coordinatrice. Nous proposons une approche différente, en tenant compte de la souffrance des patients, par rapport à leur corps, au monde, aux autres, à leur projet de vie et à leur spiritualité. » L’équipe travaille justement sur ce projet de vie, sur le confort, peu importe le temps qu’il reste à vivre aux patients, car ce temps peut toujours être investi et accompagné. « Notre philosophie particulière, consistant à nous intéresser aux souffrances des patients est fondamentale car c’est généralement elles qui cassent la possibilité de rester à domicile », ajoute le Dr David Guigou, spécialiste en soins palliatifs.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°52 d’ActuSoins magazine (avril 2024).

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Avant chaque prise en charge, l’ensemble de l’équipe se réunit pour un brief, afin de faire le point sur le dossier du patient et les informations obtenues par les différents acteurs. © © Ayoub Benkarroum

Lors des consultations, l’équipe mobilise principalement l’aspect relationnel avec les patients et les aidants, les évaluations et le raisonnement clinique. « Nous pouvons être amenés à effectuer des pansements complexes, des ponctions d’ascite ou encore mettre en place une pompe PCA mais les soins techniques ne constituent pas la part essentielle de l’activité infirmière, précise Sophie Chrétien, IPA mention pathologies chroniques stabilisées. L’objectif pour nous, soignants est de nous concentrer sur une rencontre en binôme avec le patient, souvent accompagné de son aidant, pour parler des symptômes, des aides, pour orienter vers d’autres professionnels du soin de ville, dans une temporalité longue. »

Un travail d’acceptation

Aujourd’hui, Madame Durant* est reçue en consultation avec sa fille. Atteinte d’un cancer diagnostiqué l’année dernière, elle a refusé toute prise en charge curative. Depuis, elle bénéficie de soins palliatifs. Orientée à l’HDJ par le médecin traitant de sa fille, elle vient en consultation depuis mai 2023 pour parler de sa prise en charge, son maintien à domicile, sa vie ou encore sa fin de vie. L’HDJ a déjà eu à solliciter le Dispositif d’appui à la coordination (DAC) du territoire pour mettre en place des aides à son domicile.

Les consultations se déroulent majoritairement en binôme. Ici Sophie Chrétien, IPA, et le Dr Guigou, échangent avec Madame Durant. Ces consultations à deux offrent aussi l’opportunité aux membres de l’équipe de se familiariser avec les compétences de chacun. © © Ayoub Benkarroum

Assurer cette coordination avec les professionnels de la ville relève des missions de l’infirmière coordinatrice. Ainsi, cette dernière est amenée à échanger avec le médecin traitant et/ou l’infirmier libéral du patient en amont de la prise en charge pour se renseigner sur sa situation. Elle peut aussi contacter le DAC – s’il dispose d’un réseau de soins palliatifs – pour demander une évaluation à domicile ou effectuer des comptes rendus aux services hospitaliers lorsqu’ils sont à l’origine de la demande de prise en charge par l’HDJ.

Depuis quelques mois, Madame Durant vit chez sa fille. Celle-ci doit lui annoncer qu’elle va partir en voyage à l’étranger. Craignant sa réaction, elle est venue chercher le soutien de l’équipe pour l’annonce. À l’arrivée de Madame Durant, les professionnels de l’HDJ constatent qu’elle est particulièrement affaiblie. Elle est conduite, avec sa fille, dans la salle de consultation. Avant de débuter la prise en charge, l’ensemble des professionnels de santé se retrouvent autour de la table de la cuisine pour un brief. « Je propose que certains d’entre nous voient Madame Durant dans la chambre, et d’autres sa fille, et qu’ensuite nous leur laissions un temps ensemble, avant de les retrouver, suggère le Dr David Guigou. Nous devons aussi prévenir la fille qu’il est possible que sa maman décède pendant son voyage. Elle doit partir en toute connaissance de cause. »

Les consultations auprès des patients se font majoritairement en binôme. « Nous avons une grande souplesse, nous nous adaptons en fonction des objectifs et des compétences à mobiliser », précise France Bonnin. Une organisation d’autant plus importante que la constitution de l’équipe reste récente, les professionnels apprennent encore à travailler ensemble et à connaître les compétences des uns et des autres. L’IPA devrait d’ailleurs, à terme, proposer des consultations en pratique avancée dédiées.

La consultation

Les patients, parfois affaiblis, peuvent s’allonger pendant la consultation. © Ayoub Benkarroum

France Bonnin et Golriz Behnazi, psychologue, s’installent dans le « salon » avec la fille de la patiente, pendant que Sophie Chrétien et le Dr Guigou rejoignent Madame Durant dans la salle de consultation. « Comment allez-vous ? », lui demande Sophie Chrétien. « Je faiblis, reconnaît-elle. Je sens que ça se rapproche. » L’IPA reformule : « Vous sentez que la fin approche ? » Et la patiente d’expliquer, le regard triste : « J’ai moins de force, d’énergie. » La consultation est lancée. Pendant 45 minutes à une heure, de nombreuses thématiques vont être abordées par le médecin et l’IPA : le traitement médicamenteux, la fonctionnalité, l’incontinence, l’alimentation, l’appétit, la douleur, les relations au sein de la famille. La répartition des rôles entre le médecin et l’IPA n’est pas protocolisée. Cependant, « alors que les questionnements et le raisonnement du médecin se concentrent principalement sur la maladie, notre approche infirmière prend pour point de départ la personne et son accompagnement dans la maladie », souligne Sophie Chrétien. Lors de la consultation, les sujets abordés sont lourds. Pour autant, la plaisanterie reste au rendez-vous. Mais au fil de la discussion, l’évidence est abordée : Madame Durant devra être hospitalisée d’ici une semaine, avec son accord ainsi que celui de sa famille. Lorsqu’une hospitalisation doit avoir lieu à la maison médicale Jeanne Garnier, l’équipe de l’HDJ assure le lien. « Nous pouvons effectuer une demande anticipée, précise Sophie Chrétien. Pour les prises en charge palliatives exclusivement, en venant du domicile, le patient est prioritaire sur d’autres patients. » L’équipe pourrait aussi assurer le relais, si le cas se présentait, d’une demande d’hospitalisation en province.

France Bonnin, infirmière coordinatrice au sein de l’HDJ, participe également aux entretiens avec les patients et les aidants. © Ayoub Benkarroum

Dans la pièce d’à côté, l’échange entre la fille de la patiente, l’infirmière coordinatrice et la psychologue est douloureux. Elle évoque ses rapports avec sa mère, sa dureté parfois. « La dernière fois que je suis partie en voyage, elle m’a dit que je ne pensais pas à elle. C’est dur à entendre », confie-t-elle. La fille va finalement rejoindre sa mère. Pendant ce temps-là, l’équipe se retrouve pour un débrief. « Ce moment est très important, car chacun de nous effectue une lecture des informations en fonction de nos compétences, rapporte l’IPA. En partageant nos analyses, nous construisons notre réflexion, nous affinons nos propositions, ce qui est également bénéfique pour notre montée en compétences. »

L’écoute des aidants contribue à offrir des soins de qualité, soutenir les personnes qui prennent soin de leurs proches et favoriser une approche centrée sur le patient. © Ayoub Benkarroum

« Madame Durant se dit épuisée, ressent des douleurs et a besoin de calme. Elle est donc d’accord pour une hospitalisation », partage le Dr Guigou. Le lien va donc être effectué avec le service d’hospitalisation. À l’issue de l’intervention, la prise en charge est retracée par chacun des intervenants dans un dossier patient qui est envoyé aux correspondants (médecin traitant, HAD, DAC, SSIAD, spécialistes).

L’offre de soins

Le projet de l’HDJ a été réfléchi pendant plusieurs années avant de se concrétiser. « Il représente un lieu rassurant, en raison de l’écoute que nous accordons à chacun », souligne Marion Pinet, infirmière. L’équipe dispose du temps de prendre le temps. Les premières semaines, la structure proposait des consultations une après-midi par semaine. L’augmentation des demandes permet aujourd’hui d’offrir trois jours de consultations par semaine, avec environ quatre patients par jour. « Notre ambition est de recevoir jusqu’à six patients par jour, et de veiller à ce que l’HDJ soit déclenché le plus précocement dans le parcours des patients afin de construire un maillage supplémentaire », fait savoir Sophie Chrétien.

Le Dr Guigou, chef de service, est présent trois jours par semaine au sein de l’HDJ, où il se charge, entre autres, de l’évaluation et du traitement des douleurs des patients, ainsi que des symptômes réfractaires. © Ayoub Benkarroum

Pour y parvenir, l’équipe crée du lien avec les établissements et les professionnels de santé, qui peuvent tous adresser un patient à l’HDJ.

D’ici quelques semaines, des ateliers seront proposés aux patients. « Nous allons travailler sur la sociabilisation à travers des moments d’écriture, des cours de yoga ou l’accès au jardin thérapeutique », explique Sophie Chrétien. Et de conclure : « Nous voulons permettre à plusieurs patients de partager une journée d’activités communes, d’échanger sur leur vécu et leurs difficultés, toujours dans cette construction du projet de vie. »

Laure MARTIN

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