Infirmiers libéraux : attention au traitement des déchets !

Les déchets liés à l’activité des infirmiers libéraux présentent un risque particulier à la fois pour la population mais aussi pour l’environnement. Les soignants sont responsables de leurs déchets et doivent respecter des procédures particulières pour les éliminer. Article paru dans le n°33 d'ActuSoins Magazine (Juin 2019). 

Dasri Infirmiers libéraux :  attention au traitement des déchets !

© stock.abobe.com/sudok1

L’article R1335-2 du Code de santé publique prévoit qu’en tant que professionnel de santé les infirmières libérales (idels) sont responsables de l’élimination des déchets produits lors du soin, que ces derniers soient produits au cabinet ou au domicile du patient.

L’article R4312-11 précise même que l'infirmier doit respecter et faire respecter les règles d'hygiène dans l'administration des soins, dans l'utilisation des matériels et dans la tenue des locaux. Il s'assure de la bonne élimination des déchets solides et liquides qui résultent de ses actes professionnels.

Les idels ont donc l’obligation de ne pas laisser de déchets à risque chez leur patient. Elles doivent trier les déchets dès leur production en séparant ceux qui présentent un risque infectieux des autres afin de les conditionner dans un emballage.

L’article L. 541-46 du Code de l’Environnement pose les sanctions pour les producteurs de DASRI qui méconnaissent leurs obligations : une peine de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

La classification des déchets

Afin de s’assurer de sa propre sécurité et de celle de la population, le tri des déchets débutent dès la réalisation du soin et l’élimination de chaque déchet doit se faire dans la filière appropriée.

En libéral, les infirmières sont confrontées à trois types de déchets.

Les Déchets assimilables aux ordures ménagères (DAOM)

Ces derniers comprennent les emballages, les couches et alèzes, les dispositifs médicaux à condition qu’ils n’aient été ni utilisés, non contaminés, ou encore les matériels de protection.

Les déchets à risque chimique, toxique ou radioactif

C’est principalement le cas des déchets souillés de médicaments anticancéreux ou des médicaments non utilisés. Les médicaments anticancéreux vont suivre une filière spécifique tout comme le matériel utilisé en lien ave ce type de traitement. Cependant les médicaments non utilisés sont soit retournés en pharmacie pour traitement et élimination soit éliminés en filière DASRI.

Les Déchets d’activité de soins à risque infectieux et assimilés (DASRI)

Leur élimination relève d’une filière spécifique qui doit respecter des procédures à maîtriser afin d’éviter tout risque de contamination. Il appartient à l’idel d’apprécier l’évaluation du risque infectieux et de choisir la filière d’élimination appropriée en fonction de la nature du déchet tout en respectant le Code de l’environnement et le Code de la santé publique.

Pour l’activité libérale, les différents types de déchets relevant de la filière DASRI vont être :

- les déchets d’activités de soins qui présentent un risque de contact avec micro-organismes viables ou des toxines ;

- les matériels piquants, coupants ou tranchants, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ;

- les déchets anatomiques humains ;

- les dispositifs de soins ou tout objet souillé par du sang ou un autre liquide biologique.

Le conditionnement des déchets

L’ensemble de ces déchets mal triés ou mal éliminés peuvent faire courir un risque de maladie infectieuse ou virale par contact direct ou par effraction cutanée. Il est donc impératif de respecter scrupuleusement les règles de conditionnement. Cela permet également de garantir la sécurité des personnes qui manipulent les dispositifs médicaux ou les déchets et d’éviter les accidents d’exposition au sang (AES).

Concernant les DASRI plus particulièrement, les containers jaunes à usage unique sont munis de deux types de fermeture : l’une temporaire, en cours d’utilisation, et une définitive, avant leur enlèvement pour entreposage. Ces containers sont aussi dotés d’un repère horizontal qui indique la limite de remplissage. Ils comportent un pictogramme de danger biologique ainsi que l’identification du producteur. Il en existe plusieurs types :

- sacs en plastique ou en papier doublés intérieurement de matière plastique pour les DASRI solides/mous ;

- caisses en carton avec sac intérieur pour les DASRI solides/mous ;

- fûts et jerricans en plastique pour les DASRI solides/ mous/perforants ;

- mini collecteurs et boites pour les DASRI perforants ;

- fûts et jerricans pour les DASRI liquides.

L’entreposage et le transport

Le stockage des DASRI dépend de la quantité de déchets produits.

Si la quantité produite est de moins de cinq kilo par mois, l’élimination doit être effectuée dans les trois mois. Pendant cette période, les DASRI doivent être stockés à l’abri de la chaleur, dans les emballages prévus à cet effet.

Entre 5 kg et 15 kilos par mois, le délai d’élimination est d’un mois. Le stockage doit se faire dans un local spécifique aux DASRI, à l’abri de la chaleur et du public, dans des emballages spécifiques fermés définitivement et dans un local correctement ventilé.

Entre 15 kilos par mois et 100 kilos par semaine, le délai d’élimination est de sept jours et l’entreposage doit se faire dans les mêmes conditions.

Pour une quantité supérieure, l’élimination doit avoir lieu dans les 72 heures et le stockage doit aussi se faire dans les mêmes conditions.

Le local spécifique doit être clairement indiqué par affichage.

L’élimination des DASRI

Pour éliminer ses DASRI, l’idel peut soit les apporter lui-même sur un site de regroupement déclaré auprès de l’Agence régionale de santé - le transport dans son véhicule personnel se limitant à 15 kilos -, soit recourir à un prestataire de collecte qui assurera la prise en charge et le transport.

Dans tous les cas, il appartient à l’idel de prouver l’élimination des déchets par la signature d’une convention avec le prestataire assurant la collecte ou le regroupement. Ces documents doivent être gardés pendant trois ans.

Si la production de déchets est inférieure à 5 kilos par mois, l’idel signe un bon de prise en charge avec le prestataire assurant la collecte. Ce dernier signe un bordereau CERFA Elimination des déchets d’activités à risque infectieux 11352*04 avec le prestataire assurant le traitement ou l’incinération. Le prestataire responsable de la collecte doit alors délivrer au producteur de déchets une attestation annuelle de prise en charge.

Pour la production de déchets supérieure à 5 kilos par mois que le producteur dépose lui-même, il doit signer un bordereau de suivi CERFA 11351*04 avec le prestataire chargé du traitement des déchets. Dans un délai d’un mois, ce dernier lui adresse le bordereau signé mentionnant la date d’incinération ou de prétraitement par désinfection.

Si le producteur a recours à un prestataire de collecte ou de regroupement, il signe un bon de prise en charge. Ce prestataire doit alors apporter la preuve de la destruction des déchets en retournant le bordereau CERFA.

En cas de regroupement des déchets de plusieurs producteurs, il faut signer le bordereau CERFA 11352*04 et y faire figurer la liste des producteurs de déchets.

Laure Martin

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Actusoins

Source :  www.urps-infirmiere-paca.fr/wp-content/uploads/2018/06/livret-DASRI_3.pdf

Cet article est paru dans le N°33 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2019). 

Il est à présent en accès libre. 

ActuSoins vit grâce à ses abonnés et garantit une information indépendante et objective.

Pour contribuer à soutenir ActuSoins, tout en recevant un magazine complet (plus de 70 pages d'informations professionnelles, de reportages et d'enquêtes exclusives) tous les trimestres, nous vous invitons donc à vous abonner. 

Pour s' abonner au magazine (14,90 €/ an pour les professionnels, 9,90 € pour les étudiants), c'est ICI

Abonnez-vous au magazine Actusoins pour 14€90/an

Lire aussi, sur ActuSoins.com 

Développement durable : quand les soignants s'impliquent 

Les différents types de déchets médicamenteux

  1. Les déchets souillés de médicaments anti-cancéreux

Que ce soit les dispositifs médicaux et matériels utilisés pour l’administration, les poches, les tubulures, les compresses ou encore les gants, ils doivent être conditionnés et collectés avec les DASRI destinés à l’incinération. Il est impératif de signaler ces déchets par un étiquetage particulier portant mention de l’incinération.

  1. Les médicaments anti-cancéreux concentrés (restes de médicaments, médicaments périmés).

Ils sont à déposer dans des conteneurs rigides spécifiques et clairement identifiés. Ils seront éliminés par une filière spécifique aux déchets dangereux et incinérés à 1200 °C. Ils ne peuvent en aucun cas être dirigés vers une filière DASRI par “prétraitement” par des appareils de désinfection. L’élimination des déchets de médicaments anti-cancéreux peut être assurée par l’établissement de santé qui a rétrocédé le médicament. Il en assure également l’élimination qui reste à la charge du producteur des soins. Il faudra alors signer une convention qui détermine les modalités de facturation.

  1. Les autres médicaments non utilisés

Périmés ou non, doivent être rapportés dans les pharmacies, qui se chargeront de les recycler via l’association Cyclamed.

TEMOIGNAGES

« La responsabilité des infirmiers libéraux est fondamentale »

Anthony Siri, infirmier depuis juillet 2015, correspondant en hygiène hospitalière depuis 2017

© DR

Anthony Siri, infirmier depuis juillet 2015, correspondant en hygiène hospitalière depuis 2017

« La question du coût et du temps nécessaire à la gestion des déchets sont les deux points problématiques pour les professionnels de santé  libéraux. Il arrive qu’en libéral, la gestion des déchets ne soient pas respectée scrupuleusement justement pour cette question de coût. Or, les économies personnelles se font au détriment de l’environnement et de la santé publique.

La responsabilité des idels est fondamentale. Il est indispensable de respecter les bonnes pratiques véhiculées par la Haute autorité de santé ou les Agences régionales de santé, d’autant plus que cela relève du décret de compétences et que les risques associés sont nombreux. Au premier rang : le risque infectieux que nous connaissons actuellement avec l’émergence de nouvelles bactéries résistantes aux traitements ou aux antibiotiques. L’enjeu sanitaire est conséquent.

Les risques peuvent aussi être traumatiques avec des effractions de la peau, des accidents d’exposition au virus ou au sang liés à une mauvaise observance. Une personne qui se pique avec un objet sans connaître son statut infectieux va devoir suivre une série d’examens pendant environ six mois afin de s’assurer qu’elle n’est pas contaminée, prendre un traitement alors qu’elle n’en a peut-être pas besoin. Cela génère un coût, sans parler du choc psychologique.

Enfin, la vue de déchets dans la rue – comme des seringues – peut générer des risques psycho-émotionnels susceptibles de déclencher des peurs incontrôlables liées aux risques de contamination. Si les idels ne respectent pas les réglementations, leur responsabilité personnelle peut être mise en cause à la suite d’une plainte d’un patient, de sa famille. De plus, les déchets et les filières étant tracés,  il est toujours possible de retrouver l’émetteur surtout si un dommage est causé par la mauvaise élimination du déchet. » 

« Le plastique pourrait être recyclé autrement »

Laurent Locher, infirmier libéral à Dinan (Bretagne)

© DR

Laurent Locher, infirmier libéral à Dinan (Bretagne)

« J’ai été sensibilisé très tôt à la problématique du traitement des déchets. La question est abordée pendant nos études, mais sans pour autant donner de solutions. Quand je me suis installé en 1993, nous faisions déjà le tri dans notre cabinet mais, à l’époque, nous ne recevions pas encore de proposition de traitement des déchets de la part des entreprises. Nous les amenions à la déchèterie de la commune, à la pharmacie, voire au laboratoire de biologie médicale.

Aujourd’hui, nous stockons nos DASRI dans des cartons et une entreprise vient les chercher une fois par trimestre. Nous en avons changé plusieurs fois pour une question de tarifs. Pour notre cabinet à quatre, cela revient à environ 200 euros pour l’année, ce qui n’est pas trop élevé.

Mais je pense que c’est aussi lié à la pratique des soins. Ce qui prend de la place, ce sont les seringues d’anticoagulant Lovenox qui sont composées de beaucoup de plastique. Tout va en DASRI, ce qui me choque, car le plastique pourrait être recyclé autrement. »

Propos recueillis par L.M

Abonnez-vous à la newsletter des soignants :

Faire un don

Vous avez aimé cet article ? Faites un don pour nous aider à vous fournir du contenu de qualité !

faire un don

Réagir à cet article

retour haut de page
397 rq / 5,071 sec