Médiation santé : à quoi ça sert ?

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Faire tomber les barrières, déconstruire les représentations, lever les freins… la médiation santé c’est tout cela et bien plus encore. En cours de professionnalisation depuis quelques années, cette fonction permet aux personnes éloignées de la santé et aux professionnels de mieux de se comprendre et donc se rapprocher. Cet article est initialement paru dans le n°38 d’ActuSoins Magazine (septembre 2020). 

La médiation santé, née dans les années 70-80, s’est développée avec l’épidémie de VIH. © Jérémy Suyker.

Bien que de nombreux dispositifs existent pour rendre la santé accessible à tous, l’égalité et l’accès aux droits ne sont pas pleinement effectifs. Méconnaissance et complexité du système de santé, barrières de la langue, représentations erronées, isolement géographique ou social…. sont autant de freins qui peuvent empêcher l’accès aux droits, aux soins et à la prévention.

En rapprochant professionnels de santé et personnes éloignées de la santé, la médiation santé cherche à apporter des solutions.       

Issue de la médiation sociale et culturelle, la médiation santé est née dans les années 70-80. Son développement s’est ensuite accéléré face à l’épidémie du VIH et des vagues migratoires des années 90.

L’association Aides lance alors des programmes à l’hôpital via  des permanences hospitalières et, à la ville. Objectifs : améliorer le soutien et l’accompagnement spécifiquement destinées aux personnes migrantes, faciliter leur dépistage, favoriser la prévention de l’infection par le VIH et organaiser une prise en charge globale qui tient compte des parcours et des conditions de vie.

L’ONG Médecins du Monde met en place des actions spécifiques de médiation santé avec des populations Roms. PoPs, service de l’association L’Oiseau Bleu Isère, a été l’un des premiers à utiliser cet outil avec les personnes en situation de précarité. Le concept est « dynamique, affirme Houda Merimi, référente médicale chez Médecins du Monde. Il s’affine au fur et à mesure des expérimentations du terrain. » Il évolue aussi avec l’apparition de nouveaux besoins.

C’est pourquoi, aujourd’hui, des programmes visent les habitants de quartiers prioritaires ou en zones rurales pour pallier leurs difficultés d’accès à la santé. Toujours est-il que la médiation santé a été reconnue en 2016 avec la loi de modernisation de la santé. En 2017, la Haute autorité de santé (HAS) a précisé le cadre d’intervention de la médiation en santé à l’aide d’un référentiel de compétences, de bonnes pratiques et de formation.

« Aller vers » et « Faire avec »

La médiatrice santé de Médecins du Monde fait régulièrement remonter le problème d’absence de points d’eau, de toilettes et d’électricité dans les campements. © Anick Karsenty.

Guillemette Hannebicque est médiatrice santé pour Médecins du Monde à Lyon, dans le cadre d’un programme pour faciliter l’accès à la santé des populations Roms. Au quotidien, ses missions consistent à « identifier les freins, les comprendre et trouver des solutions pour les lever », explique-t-elle. Comment ? En « allant vers » les personnes éloignées de la santé. « C’est la base de notre métier », souligne-t-elle.

L’idée est d’aller les rencontrer là où ils vivent pour établir un premier contact : bidonvilles, accueils de jour, hôpitaux, marchés, espaces dédiés à la parentalité… Parfois Marie Fleischman, infirmière médiatrice santé du PoPs auprès d’une population en situation de précarité, se rend dans des structures d’accueil d’urgence « tisser du lien et doucement amener le sujet de la santé ».

Une fois le lien établi et la confiance gagnée – ce qui demande du temps – peuvent alors commencer les actions à partir des besoins et des demandes de ces personnes. Il peut s’agir de les aider dans leurs démarches administratives pour l’ouverture de droits, leur obtenir un rendez-vous auprès d’un soignant, leur expliquer où trouver les différents acteurs de santé sur le territoire, les accompagner physiquement à un premier rendez-vous…

Les missions sont aussi diverses que les situations et ne se limitent pas à des actions individuelles. Les actions collectives – ateliers de groupe, discussions autour de thématiques prévention ou dépistage etc. – font également partie des outils utilisés en médiation santé.

Ce qui est essentiel dans la démarche c’est l’implication de la ou les personnes. Ce « faire avec » constitue le second principe fondamental de la médiation. « Il faut que les personnes le souhaitent, soient actrices de leur santé. Sans la demande des gens, on ne peut rien faire », souligne Guillemette Hennebicque.

Lire aussi, sur ActuSoins.com : 

Une infirmière dans les bidonvilles (janvier 2019)

Sensibiliser les professionnels de santé

L’action de la médiateurs s’étend aussi aux professionnels de santé pour les sensibiliser aux difficultés rencontrées par ces personnes précaires. « Cela peut permettre une meilleure écoute et un meilleur accueil », souligne Marie Fleischman. Et aussi lever les malentendus ou incompréhensions. Par exemple, dans le cas de cette femme qui ne se rendait pas à ses rendez-vous à la PMI dans le cadre du suivi de sa grossesse, non pas parce qu’elle oubliait ou qu’elle ne s’en souciait pas, mais parce qu’elle n’avait pas de point d’eau sur son campement et qu’il lui était inconcevable de se présenter à un rendez-vous médical sans être propre.

« L’idée est qu’avec la médiation, le professionnel de santé prenne en charge la personne dans sa globalité. Et le patient rassuré, sur son droit au consentement éclairé adhère au soin et à l’observance et considère son soignant comme un partenaire fiable et un conseiller pour sa bonne santé », appuie Joseph Situ, responsable accompagnement des parcours au sein de l’association Aides. 

De fait, certaines difficultés peuvent provenir de lacunes ou de dysfonctionnements de toute nature. « Une de mes missions est d’être attentive aux conditions de vie. Et d’interpeller en cas de problème, explique la médiatrice santé de Médecins du Monde qui fait régulièrement remonter le problème d’absence de point d’eau, de toilettes et d’électricité dans des campements.

Si ces plaidoyers ne fonctionnent pas toujours, malgré tout « la médiation permet d’améliorer le système de santé », insiste Joseph Situ, en citant l’éducation thérapeutique née en lien avec la médiation sanitaire.

Réappropriation de sa santé

La médiation santé est une « passerelle », « un coup de pouce », « une interface de proximité », « un facilitateur »… Bref elle n’a pas vocation à perdurer dans le temps.

« Une médiation doit avoir un début et une fin », assure Guillemette Hannebicque. Autrement dit, quand la personne obtient l’ouverture de droits à l’Assurance maladie, qu’elle a trouvé un médecin traitant, qu’elle se rend seule à ses rendez-vous, qu’elle a une bonne compréhension de sa maladie et son traitement… Finalement, quand la personne retrouve une certaine autonomie dans son parcours santé.

Marie Fleischman résume : « La médiation  aide à mieux comprendre le système et ses acteurs, la maladie…  Grâce à ces éléments de compréhension, les personnes vont pouvoir se réapproprier leur santé, faire leurs choix et gagner en autonomie dans les démarches ».

Alexandra Luthereau

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Programme national de médiation santé (PNMS)

Pendant deux ans, de janvier 2011 à décembre 2012, le programme national de médiation sanitaire (PNMS) a mené une recherche-action menée. Objectif : évaluer l’impact de la médiation sanitaire auprès d’environ 150 femmes et jeunes enfants roms, vivant dans des squats et des bidonvilles de quatre départements (Pays de la Loire, Seine-St-Denis, Nord, Val d’Oise).

« Cette évaluation démontre indéniablement que la médiation sanitaire favorise l’accès effectif aux soins et à la prévention des populations roms par l’intégration dans le système de droit commun », souligne le document d’évaluation finale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :  93% des femmes ont obtenu ou sont en cours de renouvellement de l’Aide Médicale d’Etat (AME) contre 42% au début de l’étude. Les foyers bénéficiant de la médiation sanitaire ont plus que doublé leur fréquentation des services de santé. Les femmes ont gagné en autonomie : le nombre de consultations, obtenues à leur propre initiative, a augmenté.

L’étude a également mis en lumière une meilleure couverture vaccinale des enfants et un meilleur suivi des enfants de moins de six ans. Seule ombre au tableau, elle n’a que très peu d’effet sur les conditions d’habitat et d’environnement des personnes « dû à un contexte politique peu favorable ».

Cet article est paru dans le n°38 d’ActuSoins Magazine (Septembre – Octobre – novembre 2020)
Il est à présent en accès libre. 


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