Visite domiciliaire : une avancée pour la profession sur fond de discorde syndicale

Depuis le début de l’année, les infirmiers libéraux sont engagés dans la visite domiciliaire. Un rôle qui leur a été attribué par l’Assurance maladie, après négociation, pour accompagner les patients positifs à la Covid-19 en isolement. Le point sur le dispositif.  

Visite domiciliaire : une avancée pour la profession sur fond de discorde syndicale

© Jose Oto/BSIP

La visite domiciliaire sanitaire d’infirmier (VDSI) a été proposée aux infirmiers libéraux (Idel) par l’Assurance maladie en décembre, alors que l’Hexagone était confrontée au risque de la troisième vague et à l’émergence des variants.

L’objectif affiché de l’Assurance maladie est alors de renforcer l’isolement des patients afin de limiter la propagation du virus, ce qui implique la mise en place d’un système d’accompagnement.

« L’isolement est en effet difficile à respecter pour certains patients, notamment ceux qui vivent seuls car ils doivent faire leurs courses, s’occuper de leurs enfants », énumère Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).

Et parfois, ce sont tout simplement des personnes qui ne savent pas comment gérer l’isolement. « Même si ce n’est pas la majorité, certains ont besoin d’un accompagnement », précise-t-elle.

Entre le 20 janvier et la mi-février, 12 000 visites domiciliaires ont ainsi été réalisées par les Idel.

Au cours de cette VDSI, qui dure entre 30 et 45 minutes, l’infirmière libérale donne une série de conseils à la personne et à sa famille en lien avec l’isolement et la Covid-19. S’il identifie des facteurs de risque, il prévient le médecin traitant, et en cas de problématiques sociales, il peut démarcher les Cellules territoriales d’appui à l’isolement (CTAI).

L’Idel peut également tester les cas contacts au sein du même foyer. La négociation sur la cotation de la visite domiciliaire entre l’Assurance maladie et les syndicats représentatifs n’a pas particulièrement posé de problème. Les Idels peuvent ainsi coter AMI 5,6 + MCI soit 22,64 euros en métropole (23,48 euros pour les Drom).

Une organisation avec les URPS

Pour offrir une réponse rapide aux patients, les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) infirmiers libéraux ont été impliqués dans la mise en œuvre de la VDSI.

Le schéma ? Dans le cadre du contact-tracing, la visite domiciliaire est proposée par l’Assurance maladie au patient, qui est libre de l’accepter ou non. Lorsqu’il est d’accord et qu’il dispose de son Idel, l’Assurance maladie le signale à la plateforme de mise en relation retenue par l’URPS.

Lorsque ce n’est pas le cas, la demande de prise en charge est envoyée par la plateforme aux Idel en fonction d’un système de géolocalisation. Pour recevoir la demande, les infirmiers libéraux doivent donc être inscrits sur la plateforme et accepter la visite. Celle-ci doit ensuite être organisée dans la journée si l’Idel a reçu l’appel le matin ou dans les 24 heures.

Le choix des plateformes retenues pour la VDSI a cristallisé les tensions entre les syndicats et l’Assurance maladie lors des négociations. « A l’origine, l’Assurance maladie souhaitait généraliser l’usage de la plateforme inzee.care, portée par la FNI, à l’ensemble des URPS, ce qui était un problème pour nous car certaines disposent déjà de leur propre solution, fait savoir Catherine Kirnidis. Nous ne sommes pas contre inzee.care, mais nous ne voulons pas que l’outil soit imposé partout et qu’on enlève l’existant au profit de cette plateforme. »

« Pour nous, c’est un vrai problème que le choix de l’Assurance maladie se soit porté sur inzee care, détenu par une entreprise dont la FNI est actionnaire, dénonce Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière. C’est d’autant plus problématique en cette période électorale aux URPS. »

La Fédération nationale des infirmiers (Fni), avec qui ActuSoins n’est pas parvenu à échanger, rappelle sur son site Internet qu’inzee.care est une startup créée par deux Idel, initialement adhérents à la FNI et au Sniil en 2016. « A l’époque, les plateformes d’adressage de soins n’existaient pas et cela a fait craindre que si des opérateurs privés, comme les prestataires de santé côtés en bourse ou encore les opérateurs d’HAD privés s’en emparaient, il y avait un risque d’uberisation. La FNI a donc décidé de prendre le contrôle de cette startup pour éviter qu’elle ne tombe entre les mains de n’importe quelle entreprise qui y verrait un intérêt commercial. »

Aujourd’hui inzee.care appartient majoritairement à la FNI, une association loi 1901 « qui n’a pas le droit de gagner de l’argent et qui appartient intégralement à ses adhérents ». De fait, « chaque adhérent FNI est actionnaire du projet inzee.care », fait savoir le syndicat.

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Une avancée pour la profession

Malgré ce conflit, la VDSI est vue comme une avancée pour la profession qui intervient sans prescription médicale – mais sur déclenchement de la Cpam – en toute autonomie et de manière indépendante.

Elle est considérée comme une reconnaissance de l’expertise et des compétences des Idel, et c’est aussi pour Convergence infirmière, le moyen de revendiquer la mise en place pérenne de ce type d’intervention.

« Depuis très longtemps nous militons pour que les Idel effectuent des actes de prévention en autonomie et cette visite représente une avancée majeure, soutient Ghislaine Sicre. C’est un premier pas et une ouverture vers la visite de prévention et d’éducation que nous réclamons. »

 « Depuis des années nous cherchons à démontrer notre capacité d’évaluation globale des patients dans leur environnement social, renchérit la présidente du Sniil. D’ailleurs, si on regarde objectivement, je ne vois pas quelle autre profession de santé aurait pu agir avec autant de réactivité que nous. »

Et de conclure : « Il faut donner toutes leurs chances aux infirmières de s’emparer de cette mission de santé publique et ainsi d’exprimer toutes leurs compétences pour montrer que nous pouvons accomplir des missions en autonomie. La VDSI ne doit pas devenir une guerre de plateformes. »

Laure Martin

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